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Santé / Droit des femmes

En Afrique, l'interdiction d'avorter reste la norme

Alors que l’Irlande vote par référendum sur l’avortement, la dépénalisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) tarde à se faire dans nombre de pays, notamment en Afrique. Seuls la Tunisie, l’Afrique du Sud, le Cap-Vert et le Mozambique l'ont légalisé. La situation reste bloquée partout ailleurs, en dépit des chiffres dramatiques de l’Organisation mondiale de la santé sur les taux de mortalité maternelle liés aux IVG clandestines en Afrique.

Des Angolaises manifestent contre une loi visant à criminaliser toute forme d'avortement à Luanda le 18 mars 2017.
Des Angolaises manifestent contre une loi visant à criminaliser toute forme d'avortement à Luanda le 18 mars 2017. AMPE ROGERIO / AFP
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« J’ai refusé de faire un avortement lorsque j’ai démarré mon cabinet, pour rester dans la légalité, raconte un gynécologue dakarois. Quand j’ai appris que la patiente était morte, je ne me le suis pas pardonné. J’ai alors décidé de pratiquer les IVG ». Voilà comment, au Sénégal, l’un des 50 pays d’Afrique où la loi interdit l’avortement, sauf si la vie de la mère est en danger, l’article 305 du Code pénal se trouve contourné dans les faits. Théoriquement, le médecin risque un à cinq ans de prison et une amende de 20 000 à 100 000 francs CFA.

Parce qu’il contribue à la sécurité des femmes, il n’est cependant pas inquiété. Au contraire, son cabinet a pignon sur rue et il est connu pour pratiquer des avortements à un tarif qui reste prohibitif pour la plupart de ses patients. L’activité est certes lucrative, mais selon ce médecin, les patients doivent considérer que l’IVG reste la pire des solutions, et qu’il faut s’éduquer à de meilleures pratiques de contraception. « Mon objectif de départ en tant que gynécologue était surtout d’accompagner les femmes dans leurs grossesses, bref d’être du côté de la vie, poursuit le médecin. Mais mon devoir consiste aussi à sauver des vies, en évitant le recours à des avorteuses d’arrière-cour qui s’y prennent avec des aiguilles à tricoter non stérilisées. »

L’avortement n’est légal que dans cinq pays d’Afrique

Les risques d’infection à la suite d’un avortement clandestin restent parmi les plus élevés du monde en Afrique. Les chiffres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sont éloquents. Sur les 6 millions d’avortements estimés chaque année à travers le continent, seulement 3% se font dans des conditions médicalisées et sûres pour les femmes.

Les recommandations de la Conférence des Nations unies du Caire, en 1994, qui invitaient les gouvernements à « traiter les conséquences des avortements pratiqués dans de mauvaises conditions de sécurité en tant que problème majeur de santé publique », sont restées lettre morte. 

En tout, quatre pays ont dépénalisé l’interruption volontaire de grossesse (IVG). La Tunisie l’a fait depuis 1973. Avec la Turquie et le Bahreïn, c’est le seul pays musulman où l’IVG est légale – et gratuite, faite à la demande de la femme dans les trois premiers mois de grossesse.

L’Afrique du Sud a légalisé l’avortement en 1997, dans la foulée de la révision complète des lois héritées de l’apartheid. Le Cap-Vert a suivi, de même que le Mozambique en 2014, sous limites de périodes de gestation (de 12 à 20 semaines). En plus de ces quatre pays, la Zambie s’est dotée d’une législation libérale autorisant l’avortement pour « raisons socio-économiques » - en clair, si la mère n’a pas les moyens de subvenir à l’éducation d’un enfant.

Le plus fort taux de décès maternels liés à l’avortement

Ailleurs, l’avortement resteinterdit mais pratiqué, parfois dans des conditions déplorables. D’où la pression exercée par des médecins, comme au Maroc, pour obtenir le droit de pratiquer des IVG pour les cas de fœtus présentant de graves malformations.

Dans 25 pays, l’avortement est autorisé si la vie de la mère est en danger, neuf pays incluant les cas de viol et d’inceste (Burkina Faso, Soudan, Zimbabwe, Cameroun, Bostwana, Ghana, Liberia, Namibie et Seychelles). En outre, dans 11 pays, l’avortement est légal en cas de malformation du fœtus (dont le Burkina Faso, le Botswana, Ghana, Liberia, Namibie et les Seychelles). Cette possibilité ne concerne qu’un nombre limité de femmes, en raison des faiblesses du suivi prénatal et la difficulté d’accès aux échographies et autres soins de dépistage prénatal. Même dans les pays où la loi autorise l’avortement dans certaines circonstances, les femmes ont toutes les difficultés du monde à accéder à des IVG sécurisés.

Résultat, c’est en Afrique que le nombre d’avortements non sécurisés est le plus élevé (3 sur 4), avec les plus forts risques de décès (4,7% à 13,2% des décès maternels, et un taux de 520 décès pour 100 000 avortements à risque) selon l’Institut Guttmacher. Cet organisme estime à 8,2 millions les avortements pratiqués chaque année en Afrique sur la période 2010-2014, en raison de la croissance de la population des jeunes femmes. Le taux annuel d’avortement est estimé à 34 pour 1 000 femmes de 15 à 44 ans (soit 15% de toutes les grossesses) en Afrique. Il est le plus élevé en Afrique du Nord (38 pour 1 000 et 23 % de toutes les grossesses) et le moins élevé en Afrique de l’Ouest (31 pour 1 000, 12% de toutes les grossesses). Ailleurs, il est proche de la moyenne continentale, encore inférieure à la moyenne mondiale (35 pour 1 000 et le quart de toutes les grossesses).

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