Combats de femmes : de mai 68 à #MeToo

Une manifestation étudiante à Paris, le 30 mai 1968. Quelle place pour la femme ?  ©Getty - 	Reg Lancaster
Une manifestation étudiante à Paris, le 30 mai 1968. Quelle place pour la femme ? ©Getty - Reg Lancaster
Une manifestation étudiante à Paris, le 30 mai 1968. Quelle place pour la femme ? ©Getty - Reg Lancaster
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Quelle était la place des femmes en mai 68 ? Comment la conscience féministe a-t-elle émergé ? Quels regards portent-elles sur la libération sexuelle et sur le mouvement #MeToo ? A Paris, Nantes et Marseille, Sophie Delpont est allée à la rencontre de ces femmes qui ont lutté pour leurs droits.

Avec
  • Michelle Perrot Historienne spécialiste de l'histoire des femmes, professeure émérite d’histoire contemporaine à l'Université Paris Cité
  • Malka Marcovich Historienne, consultante internationale en droits humains et droits de la femme

50 ans après mai 68, et les combats des féministes dans les années 70, le mouvement de libération de la parole #MeToo sur les réseaux sociaux résonne avec un écho particulier pour les femmes qui ont fait mai 68. Nous revenons avec elles sur le chemin parcouru et sur les combats qu'il reste encore à mener en 2018, avec Sophie Delpont.

Avec #MeToo, c'est exactement dans la continuité de nos agitations des années 70 ! On est dans le vif du sujet !

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Anne Zélensky est présidente de la Ligue du droit des femmes, cofondée en 1974 avec Simone de Beauvoir, après avoir créé avec Jacqueline Feldman, un groupe féministe à la fin de l'année 1966, appelé Féminin Masculin Avenir (FMA) .

Anne Zélensky, avec une photo de "la famille" montrant notamment Simone de Beauvoir
Anne Zélensky, avec une photo de "la famille" montrant notamment Simone de Beauvoir
© Radio France - Sophie Delpont

En mai 68, j'avais 33 ans [...] déjà féministe dans ma pratique : célibataire, refusant mariage et maternité. [...] En voie de libération. [...] Je l'ai vraiment vécu comme un miracle. C'était la réalisation de tout ce que je portais en moi sans savoir que c'était ça. [...] La découverte d'un moment exceptionnel de l'histoire, d'une ouverture. [...] Enfin on respirait plus large !

Un meeting féministe dès mai 68 à la Sorbonne

"Au bout de deux semaines, on s'était dit : [qu'il n'y avait] pas grand chose sur les femmes !". Avec son amie Jacqueline (Feldman), elles écrivent quelques slogans sur des pancartes et tiennent une grande réunion publique intitulée "Femmes et révolution" où les témoignages s'enchaînent pendant plusieurs heures à l'amphi Descartes. 

Pour moi, c'est l'amorce, la brèche, qui a réanimé ce féminisme qui est très cyclotomique. Le féminisme est une lutte comme un serpent de mer, qui apparaît et disparaît.

Elle rappelle que d'autres femmes avaient ouvert la voie.

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Les mots qu'on a employés en 1970 étaient des mots forts : oppression, machisme, phallocratie. Cela veut dire que nous étouffions [...] parce qu'il y a un poids qui vous empêche de vous exprimer, de parler.

C'est ce que rappelle Anne Zélensky, qui se souvient que les jeunes femmes de l'époque restaient le plus souvent en retrait.

La Compagnie des auteurs
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La deuxième vague du féminisme se déploie tout au long des années 70.

La Fabrique de l'Histoire
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Le féminisme en réaction à mai 68

"Mai 68, ça a été pour moi un choc !", s'exclame Louisette Guibert. A Nantes, les jeunes femmes qui veulent s'exprimer se retrouvaient tout en bas des listes d'attente pour prendre la parole... quand les hommes occupaient les estrades. C'est à ce moment-là qu'elle a une révélation et devient féministe. Elle refuse que les femmes restent en arrière-plan.

Louisette Guibert, militante féministe à Nantes, a été la femme de Jacques Sauvageot
Louisette Guibert, militante féministe à Nantes, a été la femme de Jacques Sauvageot
© Radio France - Sophie Delpont

"Mai 68 c'est la libération sexuelle, pas la libération des femmes", Babette Joshua, féministe à Marseille. 

"La libération sexuelle", a "d'abord était une libération pour les hommes" confirme Louisette Guibert, pour qui beaucoup d'hommes ont alors confondu le fait de prendre la pilule avec le droit de la harceler. "Pour moi, la "libération sexuelle" a plutôt été une "injonction" et "une nouvelle oppression des femmes", selon elle. 

Elle ajoute :

On a pas suffisamment analysé les conséquences de ce qu'on a appelé la "libération sexuelle", nous les féministes. 

Le procès du viol, un tournant majeur pour que "la honte change de camp"

A Marseille, Lilianne Nasser se souvient des combats contre les violences faites aux femmes, et du "procès du viol" début mai 1978. L'avocate féministe Gisèle Halimi défend Anne Tonglet et Aracelli Castellano, deux jeunes femmes violées, quatre ans plus tôt par trois hommes dans les calanques de Marseille. A l'époque, le viol est considéré comme d'un délit et non comme un crime, selon la loi, et la parole des victimes est stigmatisée. Comme à Bobigny, en 1972, lorsqu'elle avait transformé le procès de Marie-Claire en procès de l'avortement. Gisèle Halimi en fait le procès du viol. Elle obtient la condamnation des trois accusés, 6 ans de prison ferme pour le meneur et 4 ans pour les deux autres.

Le 23 décembre 1980, une loi sur le viol est promulguée, le reconnaissant comme un crime, avec une nouvelle définition : "Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui, par violence, contrainte ou surprise".

Le sexisme dans les entreprises

Fabienne Lauret, auteur de "L'Envers de Flins : une féministe révolutionnaire à l'atelier
Fabienne Lauret, auteur de "L'Envers de Flins : une féministe révolutionnaire à l'atelier
© Radio France - Sophie Delpont

Fabienne Lauret, lycéenne en mai 68, met son établissement en grève à Paris. Devenue ensuite étudiante en philosophie, elle décide de devenir ouvrière, par conviction idéologique, suivant les idées d'extrême gauche. Elle fait partie de ceux qu'on a appelé "Les établis", ces jeunes étudiants qui se sont fait engager dans les usines pour diffuser la pensée révolutionnaire dans le sillage de mai 68. Elle raconte aussi les comportements sexistes et le harcèlement sexuel subi par des collègues et contre lesquels elle s'est battue.

"Les hommes appelaient l'atelier de couture "le parc à moules", se souvient Fabienne Lauret qui s'insurgeait aussi contre les tabliers de cuisines offerts par la CGT pour la fête des mères. 

Dans cette vidéo, on explore le sexisme dans les milieux scientifiques : 

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L'ambiance de mai 68 

La chanteuse Dominique Grange, femme engagée en mai 68, restée mobilisée toute sa vie. Elle a parcouru notamment le Sud de la France pour chanter dans les usines et soutenir les ouvriers en grève du mois de mai. 

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