LE SEXE SELON MAÏA
Qui veut encore être « normal » ? Pas les jeunes. Selon une étude américaine, 20 % des millennials (18-34 ans) se définissent comme LGBTQ (GLAAD, 2017). Même son de cloche en Angleterre, où 43 % des 18-24 ans se voient comme non strictement hétérosexuels (Yougov, 2015). Rangeons notre scepticisme : cette évolution ne provient pas d’un sursaut hormonal ou d’une mode (combien de temps allons-nous utiliser l’argument « mode » dès qu’un changement sociétal nous déplaît ?). Il ne s’agit même pas forcément d’une contestation solide des normes. Objectivement, le label hétéro cisgenre monogame ne fait plus rêver. Trop rigide, trop hiératique ! Ses pratiques sexuelles notamment perdent leur pouvoir d’adhésion. Alors, le temps de l’autocritique est-il venu ? Certainement.
Il n’est pas inexact que la sexualité « tradi » a des ratés : culpabilisation (des femmes en particulier), goût du secret, attraction/répulsion envers les organes génitaux… et une amplitude des pratiques réduite comme peau de chagrin. Le script psychosexuel « normal » ne connaît que cinq pratiques : baisers, caresses, fellation, cunnilingus, pénétration vaginale (déclinée en quatre positions populaires : missionnaire, levrette, amazone, petites cuillères). Tout le reste est du domaine de l’exceptionnel (un massage érotique pour la Saint-Valentin) ou du soupçon (pénétrations anales sur les hommes ou les femmes, jeux de rôles, costumes, utilisation de substances ou d’accessoires, fist-fucking, BDSM, tantra, nipple play, masturbations prises au sérieux, la liste est plus épaisse qu’une baguette tradition).
Non seulement cette sexualité « normale » se focalise sur le génital, mais elle est terriblement arrogante. Ainsi entendons-nous régulièrement des personnes se ravir d’un érotisme consistant à mettre des excroissances dans des orifices, et qui vantent les mérites de la libération sexuelle. Le ridicule ne tue pas : on a découplé la sexualité de l’intention reproductrice, tout en gardant comme incontestable Graal l’unique pratique permettant de se reproduire (sous vos applaudissements).
Encore aujourd’hui, la pénétration vaginale règne en maîtresse incontestée, et pas toujours commode, sur nos vies sexuelles. Elle marque chaque étape importante de notre trajectoire, de la défloration à la nuit de noces, de la validation d’une aventure (« on l’a fait ») aux orgies libertines (« on l’a fait, mais à plein »), du discours amoureux (« après les préliminaires, on l’a fait ») à la première débandade (« je n’ai pas pu le faire »). Nous voici face à l’exact même acte, répété sur une vie entière, avec tous les partenaires – un intérêt monomaniaque pour une pratique qui en outre, n’est pas particulièrement efficace (un tiers des femmes n’ont habituellement pas d’orgasme, contre 5 % des hommes – et chez les femmes qui en ont, l’adjonction d’une stimulation manuelle et/ou d’un cunnilingus est la meilleure manière d’obtenir une jouissance).
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