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Zidane-Benzema: le triomphe européen qui devrait faire réfléchir en France

L’entraîneur du Real Madrid, superbement victorieux samedi contre Liverpool (3-1) en finale de la Ligue des champions, a toujours soutenu l’avant-centre, de nouveau écarté des Bleus par Didier Deschamps

Le joueur et l’entraîneur hier soir à Kiev après le triomphe du Real Madrid. — © AFP
Le joueur et l’entraîneur hier soir à Kiev après le triomphe du Real Madrid. — © AFP

Ce fut une image fugace, mais elle a de quoi raviver la sempiternelle polémique, en France, autour de Karim Benzema. Samedi soir, vers 23h, sur la pelouse du stade olympique de Kiev (Ukraine), l’avant-centre du Real Madrid célèbre avec tous les joueurs et leurs familles, descendues dans l’arène, la nette victoire remportée par son club quelques minutes plus tôt contre Liverpool, par trois buts à un.

Le buteur madrilène, qui a fêté ses 30 ans en décembre, multiplie les selfies en indiquant de sa main gauche le chiffre 4, pour le nombre de Coupes d’Europe remportées sous le maillot blanc des Merengue. Deux de ses amis débarquent et l’entourent. Un drapeau algérien sort d’une poche, et se retrouve brièvement déployé devant l’objectif. Benzema, né en France à Lyon, est ramené au pays d’origine de ses parents, lui qui n’a plus évolué en équipe de France depuis le 8 octobre 2015 contre l’Arménie. Match durant lequel il signa un doublé et marqua les esprits par sa complicité naissante avec Antoine Griezmann, le buteur de l’Atlético Madrid vainqueur le 16 mai dernier de la Ligue Europa contre Marseille (3-0).

L’épisode de la sextape

Benzema, le banni? On connaît l’histoire qui remonte, justement, à ce fatidique mois d’octobre 2015. A Clairefontaine, le centre d’entraînement de l’équipe de France près de Paris, le joueur propose à son coéquipier Mathieu Valbuena d’intercéder dans une affaire de chantage à la sextape dont un protagoniste, Karim Zenati, est un de ses proches. Nul. Déplorable. Venimeux pour l’ambiance du onze tricolore, au sein duquel l’attaquant madrilène a été sélectionné 81 fois. La décision de la Cour de cassation de juillet 2017, annulant la mise en examen de Karim Benzema en novembre pour «complicité de tentative de chantage», n’y fera rien. La procédure judiciaire en cours, il est vrai, n’a pas été effacée. Mais Benzema ne sera jamais rappelé sous le maillot tricolore. Même si l’actuel sélectionneur, Didier Deschamps, qui a dévoilé sa liste des vingt-trois le 17 mai pour le prochain Mondial en Russie, avait un temps laissé planer le doute.

La confiance comme moteur

Les partisans de la réintégration de Benzema ont pourtant eu, hier, un bel exemple de ce qui aurait pu marcher en France: la confiance. Celle dont le joueur, arrivé au Real Madrid en 2009 au même moment que Cristiano Ronaldo, a toujours bénéficié de la part de son entraîneur actuel, Zinédine Zidane. Exemple en début d’année encore. L’avant-centre ne marque pas. Il patine. Les fans du Real Madrid l’assaillent de critiques. Mais Zidane, lui, tient bon: «Cela fait neuf ans qu’il joue ici et il a déjà fait ses preuves, il n’y a qu’à regarder ses statistiques. Je défends toujours mes joueurs et c’est un excellent joueur. Je l’aime beaucoup et ses statistiques parlent pour lui.» Fin de partie. La suite lui donnera raison. Un doublé en demi-finale de la Ligue des champions contre le Bayern Munich. Puis ce but inespéré, sur une bourde du gardien de Liverpool, au début de la seconde-mi temps en finale. Et l’affiche d’un beau duo français vainqueur: Zidane-Benzema.

Les Français, on le sait, n’aiment pas les retours sulfureux. Les entrepreneurs ayant fait faillite demeurent mal perçus dans l’Hexagone. Les stigmates des erreurs passées demeurent souvent indélébiles. La culture française n’est pas celle de la deuxième chance. Et les reproches judiciaires faits à Karim Benzema, dans ce chantage détestable à 150 000 euros contre Valbuena, sont évidemment sérieux. Mais dans une France toujours fracturée, minée par l’islam radical et la colère de jeunes musulmans issus de l’immigration en manque de champions auxquels s’identifier, la question footballistique se pose, qu’on le veuille ou non, sous un autre jour.

Tout le monde a compris que les performances sportives du joueur du Real Madrid ne sont pas en cause. La justification de son exclusion du onze tricolore tient à son manque présumé d’«esprit d’équipe», au risque d’un manque patenté de discipline. Vraiment? Didier Deschamps a, pour sûr, été ulcéré par la sortie de l’attaquant, qui, en 1996, l’a accusé d’avoir «cédé à une partie raciste de la France». Colère. Choc des ego. Mais le sélectionneur français aurait peut-être dû, alors, envers et contre tout, s’inspirer de la méthode Zidane. A savoir la confiance. Et si le message de la finale de Kiev, samedi soir, était aussi celui-là?