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Interview

«Les élus locaux sont déjà détenteurs de nombreux secrets»

Le sénateur de l’Eure Hervé Maurey, qui proposait dès 2016 d’informer les maires de la présence de fichés S dans leur commune, estime que l’argument d’une surveillance fragilisée est fallacieux.
par Chloé Pilorget-Rezzouk
publié le 29 mai 2018 à 21h06

Il avait déposé à l’automne 2016, au nom de «la sécurité publique», une proposition de loi visant à permettre aux édiles de disposer de l’identité des personnes fichées S résidant dans leur commune. Pour Hervé Maurey, sénateur UDI de l’Eure et maire de Bernay durant quinze ans, ces informations sensibles ne doivent pas rester l’apanage des services.

Etes-vous satisfait de l’annonce d’Emmanuel Macron, qui souhaite que les préfets échangent avec les édiles sur les fichés les plus à risque ?

Sur le principe, oui. Cette annonce va dans le sens de ma proposition de loi d’il y a plus d’un an. Mais il faut attendre de voir comment le dispositif sera mis en œuvre en juillet, car la vraie question repose sur les modalités. L’accès à ces informations ne doit pas dépendre du simple bon vouloir des préfets. Ils doivent avoir l’obligation de communiquer systématiquement aux maires la liste des personnes fichées.

En quoi est-ce important que les édiles puissent accéder au Fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) ?

Ces dernières années, les élus locaux se sont beaucoup impliqués en termes de maintien de l’ordre et de sécurité publique. On leur en demande de plus en plus, il faut donc leur donner les moyens de remplir leur mission. Il est légitime que les maires sachent s’il y a des personnes à risque dans leur commune, en particulier lorsqu’il s’agit d’agents municipaux.

Avez-vous été confronté à cette problématique en tant que maire ?

J’avais cette inquiétude. Nous n’avons jamais eu de problème, mais cela ne veut pas dire que je n’avais pas de fiché S pour radicalisation parmi mes administrés. Si c’est le cas, il est préférable que la personne ne soit pas embauchée pour mener des actions dans le cadre de la ville, ni au service informatique de la commune, ni auprès des enfants en tant qu’animateur ou éducateur sportif, par exemple. Ce qui est déjà arrivé dans certaines villes. S’il est au courant, le maire peut faire en sorte d’éloigner l’individu de ces fonctions pour lesquelles sa radicalisation pourrait constituer un danger. Enfin, si un édile sait qu’un fiché S vit dans telle ou telle rue, il pourra être particulièrement vigilant à son encontre et faire remonter des informations.

Les services de renseignements s’inquiètent de voir les surveillances fragilisées… Et ne risque-t-on pas d’ouvrir la boîte de Pandore ? Comment garantir la confidentialité ?

C’est un argument fallacieux - typique des services de l’Etat qui ne veulent pas partager l’information - dès lors que le maire est tenu à la confidentialité, comme je le suggérais dans ma proposition de loi. Celui-ci ne pourra les utiliser que dans le cadre de ses missions légales. Au quotidien, les maires sont déjà détenteurs de nombreux secrets, qu’ils ne partagent pas nécessairement. Ils ne sont pas obligés de tout dire à leur conseil municipal. Le partage d’informations peut se faire, par exemple, uniquement avec sa police municipale, pour développer une surveillance accrue. Et encore, il peut juste dire «vous surveillez le 32» sans expliquer pourquoi. Si on inscrit dans le dispositif que le maire a une obligation de discrétion, il n’y a aucun risque. Car, bien sûr, il ne faut pas que ces personnes ou leurs familles soient montrées du doigt, ou leur identité dévoilée, ça risquerait de susciter des troubles à l’ordre public.

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