
Malgré un léger ralentissement de la reprise ces derniers mois, la Reserve fédérale (Fed) continue à réduire son soutien à l'économie américaine. Le Comité de politique monétaire, le premier présidé par Janet Yellen, qui a succédé à la fin de janvier à Ben Bernanke, a annoncé, mercredi 19 mars, une nouvelle réduction de 10 milliards de dollars (7,18 milliards d'euros) de ses achats mensuels de bons du Trésor, ramenés désormais à 55 milliards de dollars (39,5 milliards d'euros).
La Fed se situe dans la continuité de ces derniers mois concernant cet outil de politique monétaire. En revanche, Mme Yellen a dû réajuster sa communication sur un autre outil : l'évolution des taux directeurs.
ÉCART ENTRE LE CHÔMAGE ET L'EMPLOI
La Fed a ainsi abandonné le critère du taux de chômage comme indicateur-clé pour envisager de remonter ses taux, qui sont proches de zéro depuis le début de la crise financière, c'est-à-dire depuis 2008. Jusqu'à présent, Ben Bernanke avait lié cette décision à un taux d'inflation inférieur à 2 % et un chômage à 6,5 %.
Or, le chômage est tombé à 6,7 % en février, un reflux beaucoup plus rapide que prévu, qui a pris à revers la Fed. « La situation était d'autant plus intenable qu'il existe un écart évident entre le taux de chômage et la situation réelle de l'emploi », remarque Georges Ugeux, professeur associé à l'université Columbia et patron de la banque d'affaires Galileo Global Advisors.
Tous les experts en conviennent : s'il y a moins de chômeurs, ce n'est pas uniquement parce que l'économie va mieux, mais aussi parce que quantité de sans-emplois renoncent à chercher du travail et sortent de facto des statistiques officielles. « La Fed s'était mise dans une position délicate en annonçant des objectifs trop précis. Elle n'avait pas d'autre choix que de réviser sa communication », souligne Gregory Daco, économiste chez Oxford Economics à New York.
Désormais, la Fed fondera ses décisions de hausse des taux directeurs en prenant en compte « une vaste série d'informations, notamment les conditions du marché du travail et les pressions sur l'inflation », indique le Comité de politique monétaire, qui précise qu'il ne s'agit pas d'une remise en question de ses « intentions ». En outre, il a affirmé qu'il gardera ses taux proche de zéro « pour une durée considérable après la fin du programme de rachat d'actifs ».
PRÉVISIONS DE CROISSANCE EN BAISSE
Lors de la conférence de presse qui a suivi la publication du communiqué de la Fed, à un journaliste qui demandait ce que signifiait « considérable », Mme Yellen s'est laissé emporter par son élan en donnant une précision qu'elle n'avait peut-être pas prévu de lâcher. « C'est le genre de terme qui est difficile à quantifier... peut-être de l'ordre de six mois », a-t-elle répondu.
Si la réduction des achats d'obligations sur les marchés se poursuit au rythme actuel, la Fed devrait donc en avoir fini avec cette politique accommodante à l'automne 2014. Ce qui signifierait que les taux pourraient remonter dès le printemps 2015. Une perspective qui a pris Wall Street par surprise.
A l'équilibre jusqu'à l'intervention de Mme Yellen, le Dow Jones a clôturé en baisse de 0,70 % et le S&P 500 de 0,61 %. La nouvelle présidente de la Fed est toutefois restée prudente sur l'échéance d'une hausse des taux, rappelant que cela dépendrait des conditions économiques définies à partir du faisceau de critères nouvellement adopté. « Il s'agit d'un exercice d'équilibriste pas évident, note M.Daco. D'un côté la Fed affirme que l'économie s'améliore suffisamment pour réduire les achats d'actifs, mais pas assez pour augmenter les taux d'intérêt. »
La communication se révèle d'autant plus difficile que la météo de ces dernières semaines est venue brouiller les cartes. « La croissance de l'activité économique a ralenti pendant les mois d'hiver, en partie du fait des conditions météorologiques défavorables », a déclaré la Fed.
Compte tenu de ces aléas, la Fed a révisé à la baisse ses prévisions de croissance pour 2014 et 2015. Elle prévoit désormais une hausse du produit intérieur brut (PIB) comprise entre 2,8 % et 3 % cette année, contre 2,8 % à 3,2 % dans sa précédente estimation en décembre, suivie d'une croissance de 3 % à 3,2 % en 2015, contre 3 % à 3,4 % auparavant.
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