Publicité

L'hygiène, un combat quotidien pour les femmes sans-abri

En dix ans, de 2006 à 2016, il y a eu une augmentation de 66% de femmes sans-abri, contre 44% chez les hommes. MIGUEL MEDINA/AFP

Le Samu social de Paris veut ouvrir les premiers bains-douches exclusivement réservées aux femmes. Un moyen pour elles d'accéder plus facilement à une meilleure hygiène et d'éviter les agressions dans les lieux mixtes.

Pour les femmes qui vivent dans la rue, l'accès à l'hygiène est complexe. Dans la quarantaine de bains-douches mixtes de Paris auxquels elles ont accès, elles sont régulièrement confrontées à un manque d'intimité mais aussi à des agressions parfois violentes

Afin de remédier à ce problème le Samu social de Paris a lancé une campagne de financement participatif, dans le but d'ouvrir de nouveaux bains-douches qui leur soient exclusivement réservés. Les femmes à la rue représentent aujourd'hui un quart des SDF. Leur nombre a augmenté d'au moins «66% en dix ans», selon les derniers relevés d'Agir ensemble pour la santé des des femmes (ADSF).

Alors que seulement 10% d'entre elles prennent le rsique d'accéder aux bains-douches municipaux, il est prévu de créer un lieu d'intimité dédié «dès l'automne», indique au Figaro la directrice générale du Samu social de Paris. Précisant toutefois que «rien n'est encore définit», Christine Laconde explique que ces lieux devraient se trouver «probablement dans le XIIe arrondissement». S'y croiseront «des professionnels de santé et des bénévoles». «Les femmes auront également la possibilité de se faire masser» pour soulager leur corps brisé, note la directrice du Samu social.

Le nombre des femmes à la rue a augmenté d'au moins « 66% en dix ans »

«Ce projet fait suite à une campagne de sensibilisation lancée en octobre dernier: La rue avec elles», explique la directrice du Samu social de Paris. «Nous avons fait un travail d'observation et d'enquête et la question de l'hygiène est souvent revenue chez les femmes que nous avons rencontrées», précise Christine Laconde. Suite à ces rencontres, «nous avons donc eu une série d'échanges avec la Ville de Paris et nous avons obtenu un accord politique pour l'ouverture de bains-douches pour les femmes», ajoute-t-elle. Le Samu social de Paris a ensuite lancé un appel aux dons sur la plateforme Kisskissbankbank en avril. «Nous avons reçu beaucoup de messages. C'est rassurant et encourageant», s'enthousiasme sa directrice. À la fin de la campagne, le 23 mai, les dons s'élevaient à 46.338 euros.

Des lieux d'hygiènes bondés et mixtes souvent synonymes de violences

La réalisatrice Claire Lajeunie est la marraine du projet. Réalisatrice du documentaire Pauvres de nous et auteure du livre Sur la route des invisibles , elle n'est pas étrangère aux problèmes du quotidien que rencontrent ces femmes SDF. «Aujourd'hui, il n'existe que la Halte aux femmes à Paris qui soit exclusivement réservé aux femmes, mais il n'y a qu'une douche pour toutes les SDF de Paris», déplore-t-elle. Les autres lieux d'hygiène sont mixtes et accueillent aussi des retraités, des étudiants. «Il y a beaucoup de monde, pas d'intimité et parfois de la violence, donc les femmes n'y vont pas», précise la réalisatrice.

«Il y a des agressions» dans ces lieux, confirme Anne Lorient, ancienne SDF et auteure de Mes années barbares. «J'ai été violée dans un centre d'hébergement par le personnel», révèle-t-elle. «On préfère être dehors et sales plutôt que de se faire agresser. Dans les centres on est entre quatre murs, on ne peut pas s'échapper, alors on préfère se faire agresser dans la rue», explique l'ancienne sans-abri qui affirme avoir «été violée plus de cinquante fois».

L'hygiène, un moyen d'être «comme tout le monde»

Pour ces femmes, l'accès à l'hygiène est un combat quotidien. «Ces lieux qui vont être créés par le Samu social sont un moyen d'avoir accès à l'hygiène, à des infirmières et aussi de conserver une certaine féminité», explique Claire Lajeunie. Ces invisibles de la rue essaient de se fondre dans les lieux publics en étant «propres et bien habillées», précise Nadège Passereau, déléguée générale de l'ADSF. Se fondre dans le paysage, pour éviter les regards mais également les agressions.

L'hygiène reste un enjeu réel pour ces femmes qui tentent de conserver une dignité. «Car c'est l'apparence aussi qui permet de tisser des liens, d'aller vers l'autre et de se socialiser. Quand on est propre, c'est plus simple», poursuit Nadège Passereau. La propreté est «importante pour garder une estime de soi», ajoute Christine Laconde, directrice du Samu social de Paris.

Toilettes de bars, cafés, restaurants, aires d'autoroutes, ou encore squares, tout endroit est bon pour faire une « toilette rapide »

Avec «un espace public qui n'est pas adapté aux femmes», selon Nadège Passereau, les sans-domicile se débrouillent comme elles peuvent pour maintenir une hygiène minimum: toilettes de bars, cafés, restaurants, aires d'autoroutes, ou encore squares, tout endroit est bon pour faire une «toilette rapide».

«Quand j'étais à la rue, j'allais dans les parcs pour enfants où il y a des sources d'eau, mais ce sont de petites toilettes rapides et jamais des toilettes intimes...», se souvient Anne Lorient. Manque d'hygiène intime, des pieds, problèmes de peaux, gale, poux sont ainsi des défis quotidiens pour ces femmes. «On a aussi vu le retour de la tuberculose à Paris il n'y a pas longtemps» alerte cette ancienne sans-abri. Certaines se rendent ainsi dans «les CHU, CHRS (Centre d'hébergement et de réinsertion sociale), ou les centres d'accueil de jour leur permettent un accès à l'eau», ajoute Nadège Passereau. Lorsqu'elles ont leur règles, beaucoup utilisent «du papier journal ou du coton», explique la déléguée générale de l'ADSF. «C'est une des premières choses qu'elles demandent: des protections hygiéniques», insiste-t-elle.

L'hygiène, un combat quotidien pour les femmes sans-abri

S'ABONNER
Partager

Partager via :

Plus d'options

S'abonner
51 commentaires
  • le chat dans l'arbre

    le

    Les autres lieux d'hygiène sont mixtes.... est ce si difficile que ça de réserver des jours de la semaine pour les hommes et les autres pour les femmes ?

  • Maralie

    le

    En attendant de faire mieux pourquoi ne pas prévoir certains jours, voire certaines heures, d'accès aux bains-douches strictement réservés aux femmes.
    Il semble qu'il y ait là un certain manque d'organisation !

  • Oui Oui 1

    le

    c'est le fait d'une Europe qui piétine systématiquement la dignité humaine. Les sans-abris ne sont pas les seuls. Les bohémiens et gitanes aussi. Une copine sur l'internet fonctionnaire française bien rémunérée nous relatait comment les femmes dans les camps de gitans qui n'ont pour des centaines de personnes qu'un seul et unique point d'eau pour leur toilette, font la queue des heures pour quelques sommaires ablutions de quelques minutes! Une honte, un scandale. Être sans abris dans une période climatique insupportable est-ce encore possible? Et oui, la goujaterie du monde moderne est vraiment telle! On donne du fric aux entreprises pour construire des abris qui ne seront jamais utilisés pour faire marcher les affaires en invoquant l'aide aux personnes en danger, que ce soient des SDF ou des réfugiés, uniquement par magouille économique. Et on se moque bien de nos malheureux voisins dormant dans des cartons à même la rue. Alors que des tentes de sauvetage en polyéthylène ne coûtent que 5,75 Euro H.T. à l'unité (donc considérablement moins au prix de gros), donc considérablement moins cher qu'un paquet de cigarettes (ok, à ce prix, c'est pour la survie seulement, mais en dépensant seulement un tout petit peu plus, renforcer la feuille de plastique, elles seraient assez durables! voir https://www.pearl.fr/article/NC1133/tente-de-survie-2-personnes). c'est un gigantesque scandale européen! même pas d'hygiène! Honte à nous, nous sommes resté des tortionnaires...

À lire aussi