Le discret voyage de six parlementaires français au Yémen

INFO LE POINT. Aucune délégation officielle française n'était entrée depuis 2014 dans ce pays en guerre. La visite a été orchestrée par Riyad avec l'aval du Quai d'Orsay.

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Les six parlementaires ainsi que l’ambassadeur de France au Yémen Christian Testot, réfugié à Riyad, et l’ambassadeur de France en Arabie saoudite François gouyette.
 

Les six parlementaires ainsi que l’ambassadeur de France au Yémen Christian Testot, réfugié à Riyad, et l’ambassadeur de France en Arabie saoudite François gouyette.

 

© Compte Twitter de Hervé Maurey

Temps de lecture : 4 min

Au palais du Luxembourg, il avait été demandé à la direction des relations internationales de garder le secret, et de ne surtout rien publier sur le site du Sénat concernant le déplacement au Yémen de cinq membres de la haute assemblée, accompagnés d'un député. Ce minuscule pays, le plus pauvre des pays du golfe Persique, est en proie depuis 2014 à une guerre civile qui a déjà fait plus de 10 000 morts, dont de nombreux civils. À l'agenda du Sénat comme à celui de l'Assemblée ne figurait qu'un « déplacement en Arabie saoudite ». De la même façon, sur le compte Twitter de l'ambassade de France à Riyad, un message relativement elliptique mentionnait simplement « la visite d'une délégation parlementaire française de six députés menée par Mme Nathalie Goulet ».

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C'est un post sur le compte Facebook du sénateur Hervé Maurey daté du 28 mai qui, le premier, fait mention de cette escapade diplomatico-humanitaire à laquelle participaient également Michel Amiel (président du groupe France Yémen au Sénat, LREM), Fabien Gouttefarde (président du groupe d'amitié France-Yémen à l'Assemblée, LREM), André Reichardt, sénateur LR du Bas-Rhin, et Xavier Iacovelli, sénateur PS des Hauts-de-Seine. « Durant vingt-quatre heures, mes collègues et moi sommes allés au Yémen avec l'ambassadeur de France actuellement réfugié à Riyad. Aucune délégation de parlementaires ne s'était rendue dans ce pays depuis qu'il est en guerre. (…) Nous avons pu visiter un hôpital qui accueille des blessés amputés par des mines antipersonnel, des camps de réfugiés, mais aussi rencontrer des enfants enrôlés dans des milices houthis, les autorités locales et militaires. Quelques heures d'émotions et d'enseignements sous haute protection », écrit l'élu centriste de l'Eure.


Lire aussi Yémen : la guerre oubliée

Les parlementaires français répondaient à l'invitation de la coalition d'une dizaine de pays arabes dirigée par l'Arabie saoudite, coalition qui a organisé et financé leur voyage. Cette force régionale, qui intervient au Yémen depuis 2015, combat sur place les Houthis soutenus par l'Iran. « Nous sommes, certes, passés par le territoire saoudien, mais uniquement pour prendre un avion militaire de la coalition et nous rendre à Marib, ville du centre du Yémen, qui était l'objectif du voyage. Nous n'avons pas eu de rendez-vous avec les autorités saoudiennes », assure la sénatrice centriste Nathalie Goulet, à l'origine du déplacement. Une version contredite par le compte Twitter de l'ambassade de France à Riyad, annonçant que « la délégation aura de nombreuses réunions pendant sa présence dans le royaume ».

« Jouer sur deux tableaux »

Président du groupe d'amitié France-Yémen à l'assemblée, le député LREM Fabien Gouttefarde ne voit pas matière à polémique : « Nous avons eu l'opportunité de voir une partie de la réalité de ce conflit, invités et accompagnés par la coalition. Je ne pensais pas avoir cette possibilité avant de nombreuses années, tant la situation sur le terrain est tendue. » Et d'évoquer un tir de roquette sur une zone résidentielle de Marib quelques jours avant leur passage.

Quid du message envoyé à l'Iran, soutien des houthis, ces rebelles chiites que veut écraser la coalition ? « Je pense que l'on peut, comme le fait d'ailleurs l'Élysée, jouer sur les deux tableaux en parallèle. D'un côté, être favorables à l'accord sur le nucléaire avec l'Iran ; de l'autre, trouver un moyen pour que le conflit yéménite baisse d'intensité. » L'élu, également membre du groupe d'étude Action humanitaire, entend d'ailleurs attirer l'attention sur le fait que, dans la région visitée, l'action humanitaire passe essentiellement par des relais saoudiens, sans possibilité pour l'ONU ou les ONG françaises d'intervenir. « Nous ne sommes pas là pour faire la publicité ou être les idiots utiles de l'Arabie saoudite. »

« Je ne suis pas allée serrer la main de Bachar el-Assad »

Plus virulente, Nathalie Goulet s'agace : « Je ne suis pas allée serrer la main de Bachar el-Assad, ni en Crimée ni dans le Donbass (deux régions que se disputent la Russie et l'Ukraine, NDLR). Tout s'est organisé en accord avec le Quai d'Orsay pour préparer la grande conférence humanitaire sur le Yémen voulue par le président Macron. » Et par le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, omet-elle de préciser.
Contacté par LePoint.fr, le ministère des Affaires étrangères n'a pas souhaité faire de commentaire sur ce déplacement qui concerne « des parlementaires », et donc les assemblées.

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Commentaires (8)

  • agur

    Riyad... Quai d'Orsay. Tout est dit même si ces chers émirs comptent en dollars et pas en euros.

  • ALT

    Bah ! Comme toujours, il vaut mieux voir par soi-même que se contenter de ce que les autres racontent. D'ailleurs, c'est toujours la motivation des touristes. Même s'ils ne voient que ce qu'on leur montre (les monuments, les musées, les boutiques de souvenirs... )
    Pour des parlementaires, voir ce qu'il se passe sur le terrain est indispensable : ils ne peuvent se contenter de visionner des vidéos ! Même si on essaye de leur dissimuler une partie de la vérité, ils peuvent en percevoir l'autre face. Ce que ne permet pas le film, nécessairement expurgé de tout ce qui peut gêner.
    Sans compter que les Iraniens peuvent les inviter à voir l'autre côté du conflit.

    La seule question est : que vont-ils faire de tout ça ? Quels peuvent être leurs moyens de pression dans cette partie du Monde ? S'ils arrivent à obtenir quelque chose de la Coalition, même peu, ce sera déjà un progrès.
    Bref, à suivre.

  • chauformas

    Quelqu'un peut-il me dire à quoi çà sert ? Il aurait mieux valu donner l'argent de ce déplacement en envoyant des médicaments aux hôpitaux qui en ont surement bien besoin.