INTERVIEW«Le déremboursement des médicaments anti-Alzheimer est une déception»

Association France Alzheimer: «Le déremboursement des médicaments aura une incidence sur le parcours de soins du malade»

INTERVIEWJoël Jaouen, président de l’association France Alzheimer, estime que cette annonce aura des conséquences importantes pour les malades et les aidants…
Parmi la liste des médicaments anti-Alzheimer qui ne seront plus remboursés, l'Aricept.
Parmi la liste des médicaments anti-Alzheimer qui ne seront plus remboursés, l'Aricept.  - BERTRAND GUAY / AFP
Hélène Sergent

Propos recueillis par Hélène Sergent

L'essentiel

  • Jugés insuffisamment efficaces et potentiellement risqués, les médicaments anti-Alzheimer et leurs génériques ne seront plus remboursés à compter du 1er août.
  • Ils étaient remboursés à hauteur de 15% par l'Assurance maladie, pour un coût de quelque 90 millions d'euros en 2015.
  • La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, s'est engagée à reverser les économies réalisées vers l'accompagnement non-médicamenteux des malades.

A partir du 1er août prochain, plus aucun médicament prescrit aux malades d’Alzheimer​ ne sera remboursé. L’annonce, redoutée par les associations, a été officialisée ce vendredi par un arrêté du ministère de la Santé publié au Journal officiel. Les quatre médicaments, Aricept, Ebixa, Exelon, Reminyl et tous leurs génériques sont visés par cette mesure. Remboursés à hauteur de 15 % par l’Assurance maladie, ils représentaient un coût de 90 millions d’euros en 2015 a notamment justifié le gouvernement.

Jugeant ces médicaments potentiellement « nocifs », la ministre de la Santé Agnès Buzyn s’est engagée à réorienter le montant des économies réalisées vers l’accompagnement des malades. Pour Joël Jaouen, président de l’association France Alzheimer, cette décision comporte des risques non négligeables pour les patients et leurs proches.

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La ministre de la Santé a justifié le déremboursement des médicaments en estimant que ces traitements étaient « plus nocifs que bénéfiques ». Comment accueillez-vous cette décision ?

C’est un grand sentiment de déception. Même si on s’y attendait, on a un peu la gueule de bois aujourd’hui. Concernant l’argumentaire avancé, on parle d’efficacité et de maladie incurable. Évidemment qu’on ne peut pas parler d’efficacité puisque de toute façon, l’issue est incurable. On n’a jamais contesté que les médicaments avaient une efficacité relative. Mais ceux qui nous accompagnent, et notamment le monde scientifique à travers la fédération de centres mémoire, recherche et ressource, estiment qu’ils ne sont pas nocifs pour autant. Ce traitement médicamenteux apporte une stabilisation des symptômes chez environ 40.000 personnes. Cela veut dire que la maladie, au quotidien, et l’état du malade ne se détériorent pas. Et pour les aidants c’est déjà énorme.

Quelles conséquences ce déremboursement peut-il entraîner selon vous ?

Ce déremboursement aura forcément une incidence sur le parcours de soins du malade : la fin du remboursement de ces médicaments risque de couper ce parcours de soins. Quand j’accompagnais mon père dans sa maladie, on avait un renouvellement de l’ordonnance, on rencontrait le médecin traitant, on jugeait l’évaluation de son état et à cette occasion, je pouvais poser des questions, faire le bilan du mois écoulé. Ce ne sera peut-être plus le cas pour certains malades.

« Tout l’argent qui va être économisé sera intégralement réorienté vers l’accompagnement des personnes atteintes de maladie d’Alzheimer, soit pour les centres mémoire soit pour le secteur médico-social qui les prend en charge », a assuré Agnès Buzyn ce vendredi matin. Cette orientation est-elle crédible selon vous ?

Elle n’a rien inventé madame Buzyn ! En réalité elle s’appuie sur le plan 2008-2012 qui a été une vraie révolution pour les malades d’Alzheimer. On n’a pas attendu la ministre pour proposer à nos familles des ateliers non médicamenteux et investir dans ce type d’accompagnement. On espère que cette enveloppe financière sera mise à la disposition des acteurs qui font ça au quotidien. Ce qui est certain, c’est que proposer ces soins non médicamenteux permet de constamment garder le lien social.

Qu’attendez-vous désormais de la ministre ?

On va demander un rendez-vous avec la ministre. Et cette fois, on veut être reçu par Agnès Buzyn​, pas par un membre de son cabinet. On va lui demander de nous positionner, France Alzheimer, comme acteur capable d’accompagner les soins non-médicamenteux. Ce qui nous paraît essentiel désormais, c’est de ne pas décourager la recherche (car la solution viendra de là) et de remettre le médecin traitant au centre du parcours de soins.

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