Éthiopie : un chef de village transforme sa région aride en oasis protégée des famines

Abo Hawi, chef de village depuis 30 ans, a initié avec succès une transition verte dans sa région.

© Pascale Sury

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Par Pascale Sury et Jonathan Bradfer

Abrha We Atsbha est un véritable miracle écologique ! Ce petit village du nord de l’Éthiopie, perché à 2000 mètres d’altitude, a fait sa révolution. Il y a 30 ans pourtant, la nourriture et l’eau manquaient dans cette région touchée par la sécheresse et les famines. Aujourd’hui, c’est une oasis et un village modèle pour tout le pays.

L’Éthiopie, dans certaines régions, reste vulnérable aux sécheresses et aux famines.
L’Éthiopie, dans certaines régions, reste vulnérable aux sécheresses et aux famines. © Pascale Sury

Derrière cette transition verte, 5000 habitants, des paysans entièrement dépendants de leurs terres et de l’agriculture vivrière, mais surtout un homme : Abo Hawi, chef de village depuis 30 ans, prophète du changement sur un sol désertique : "Si vous voulez former les gens à travailler dur pour améliorer leur mode de vie, vous devez d’abord être un modèle pour eux", nous dit Abo Hawi en nous ouvrant les portes de son potager. "La priorité donc était que je me forme, que je change d’abord et qu’après ma communauté évolue. C’était mon objectif !"

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Tout autour de sa petite maison, le jardin est luxuriant, un paradis vert au beau milieu d’un territoire aride : pommes, mangues, oranges, avocats, pastèques, café, chili, choux, maïs, teff,… Il y a ici toute la végétation présente dans l’ensemble de l’Ethiopie. Tout ça grâce à l’eau : deux puits qu’il a creusés de ses mains et un système d’irrigation qui donne vie à ce sol sablonneux, brûlant et desséché pendant des décennies. "Tous les fermiers d’Éthiopie viennent ici pour voir ce laboratoire et apprendre de notre expérience. Ma motivation est née de la stratégie du gouvernement pour une économie verte. Ils ont encouragé les gens à changer leur manière de faire face aux famines, à la sécheresse, aux migrants et à la pauvreté."

Abrha We Atsbha n'attend pas le retour de la pluie pour cultiver. Les systèmes de conservation d'eau et d'irrigation donnent vie aux champs.
Abrha We Atsbha n'attend pas le retour de la pluie pour cultiver. Les systèmes de conservation d'eau et d'irrigation donnent vie aux champs. © Pascale Sury

Malgré les efforts depuis la grande famine des années 80 (1 million de morts en 1984-85), l’Éthiopie, comme les pays voisins, reste très vulnérable face aux rigueurs du climat. Selon les chiffres d’Oxfam et des autorités, entre 7 et 9 millions d’Éthiopiens vivent dans l’insécurité alimentaire, la faim, l’absence d’eau potable. Le réchauffement du climat, le phénomène El Niño, les épisodes de sécheresse, les inondations lors de la saison des pluies mettent les populations locales en grand danger. Selon la FAO, l’organisation pour l'alimentation et l'agriculture, "l’Éthiopie reste sujette aux sécheresses et aux inondations qui ont un impact particulièrement négatif sur les communautés d’agriculteurs et les éleveurs. Cette vulnérabilité est aggravée par la prédominance de systèmes de production liés aux pluies, l’appauvrissement des sols et la qualité des semences."  C’est pourquoi, les autorités s’attèlent à développer une économie verte et résiliente aux effets du changement climatique d’ici 2025.

Selon les chiffres d’Oxfam et des autorités, entre 7 et 9 millions d’Éthiopiens vivent dans l’insécurité alimentaire, la faim, l’absence d’eau potable.
Selon les chiffres d’Oxfam et des autorités, entre 7 et 9 millions d’Éthiopiens vivent dans l’insécurité alimentaire, la faim, l’absence d’eau potable. © Pascale Sury

Sous une casquette orange flash et du haut de ses 49 ans, Abo Hawi se souvient bien des catastrophes de son enfance et comprend parfaitement cette urgence. Il a donc appliqué des changements radicaux dans les pratiques agricoles traditionnelles et, avec l’aide de sa communauté, a transformé le visage du village : creuser des centaines de puits souterrains et des digues pour retenir l’eau de pluie, apprendre de nouvelles techniques comme le compostage, la diversification et la rotation des cultures, aménager des terrasses dans les montagnes et planter plus de 2.5 millions d’arbres.

Abo Hawi nous fait visiter toutes les installations construites pour conserver l'eau : des zones vertes, des barrages, des puits souterrains, des systèmes d'irrigation,...
Abo Hawi nous fait visiter toutes les installations construites pour conserver l'eau : des zones vertes, des barrages, des puits souterrains, des systèmes d'irrigation,... © Pascale Sury

Nous marchons dans les pas du chef. Il veut nous montrer chacune des réalisations qui font la fierté du village. Devant nous, une gigantesque vallée verte où des millions d’acacias poussent paisiblement. Le profond sillon d’une rivière est désormais rempli de plantations qui conservent l’eau de pluie et de nombreux barrages ont été aménagés. Près des parcelles de cultures, le résultat vaut de l’or : les puits gardent précieusement l’eau stockée depuis des mois. “Ce que nous avons réalisé ici est incroyable”, s’enthousiasme Abo Hawi. ”Avec notre simple volonté et en travaillant dur, on bénéficie tous de la transformation du village. Moi, je suis juste fermier, je n’ai jamais étudié, je pense qu’on peut faire de grandes choses avec la seule volonté de changer la vie”.

Abrha We Atsbha est un véritable miracle écologique, un village modèle pour toutes les régions sèches d’Éthiopie.
Abrha We Atsbha est un véritable miracle écologique, un village modèle pour toutes les régions sèches d’Éthiopie. © Pascale Sury

En quelques années, la production alimentaire a été décuplée. Cette bourgade ne craint plus la sécheresse grâce à ce petit bonhomme qui rêvait d’en faire "l’Amazonie éthiopienne". Son village modèle en inspire plus d’un : Abo Hawi est appelé à partager sa recette avec les villages voisins, mais également lors de conférences à l’étranger. Il a reçu de nombreuses récompenses, toutes exposées dans sa maison, dont le prix Équateur du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) en 2012. " Quand on veut réaliser quelque chose, tout est possible, rien n’est impossible ! "

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