Sous la plage… une décharge sauvage

A la faveur des tempêtes hivernales et de l’érosion des côtes, d’anciens dépôts d’ordures ménagères, enterrés le long du littoral Atlantique, réapparaissent. L’Association Robin des bois, qui estime leur nombre à 20 000, réclame un inventaire au gouvernement.

 L’ancienne décharge de Dollemard au Havre (Seine-Maritime), où plus de 200 000 tonnes de déchets divers ont été déversées entre 1962 et 2001, est désormais à la merci des vagues.
L’ancienne décharge de Dollemard au Havre (Seine-Maritime), où plus de 200 000 tonnes de déchets divers ont été déversées entre 1962 et 2001, est désormais à la merci des vagues. E. Lavarde/Robin des bois

    399 plages et 107 ports français pourront arborer cet été le très convoité pavillon bleu, dont le palmarès est dévoilé ce jeudi matin. Un label qui récompense notamment la qualité des eaux de baignade et la bonne gestion des déchets par les communes du littoral. Autant dire que ne figureront jamais sur cette carte de France les sites pollués répertoriés par l'ONG Robin des Bois.

    D'après l'association écologiste, il suffit de creuser un peu le long de la côte atlantique pour mettre au jour entre 100 et 200 décharges sauvages. Il en existe par ailleurs plusieurs centaines en bord de rivières et de fleuves dans lesquelles des tonnes d'ordures ménagères, de sacs plastiques et de déchets industriels ont été enterrées dans le passé. Mais, à la faveur des tempêtes hivernales et des inondations, ces anciens vide-ordures réapparaissent désormais au grand jour.

    Un ancien dépotoir à la merci des vagues

    C'est notamment le cas de la décharge de Dollemard sur le territoire de la ville du Havre (Seine-Maritime) où plus de 200 000 tonnes de déchets divers ont été déversées entre 1962 et 2001. La photographie prise sur place début mai par l'association parle d'elle-même. Le long d'une falaise mangée par les vagues, on y voit cet ancien dépotoir désormais à la merci de la houle recracher ses déchets en mer.

    Dans l'Hexagone, l'Union européenne avait recensé en 2005 pas moins de 8434 décharges non conformes à la loi qui ont été progressivement fermées entre 1990 et 2002.

    Au moins 20 000 décharges sauvages

    Selon l'association Robin des Bois, la France compterait en réalité au moins 20 000 décharges sauvages. « Sur la façade atlantique, elles étaient le plus souvent exploitées à l'écart des villages et des petites villes dans des sites éloignés des habitations, explique le président de l'association Jacky Bonnemains. Après fermeture, les décharges ont souvent été recouvertes de terre, colonisées par la végétation puis perdues de vue et de mémoire ». Mais c'était sans compter les coups de boutoir de l'océan.

    « Sous l'action de l'érosion du littoral, des vagues de submersion et des inondations, ces décharges ont une fâcheuse tendance à être mises à nu et à disperser, constate Jacky Bonnemains. La décharge de la Samaritaine à Lingreville dans la Manche a ainsi été rouverte par une tempête en décembre 2016 et le réaménagement naturel du site vient de se terminer. »

    Des opérations très coûteuses

    Ces dépotoirs souterrains « les pieds dans l'eau », il n'en sera pas question jeudi matin lors de la présentation des pavillons bleus. « Nous avons toujours été vigilants à ce qu'aucune commune labellisée ne compte sur son territoire de décharge sauvage », affirme le responsable du label Thomas Joly.

    Mais encore faut-il savoir qu'une commune a accueilli jadis dans son sous-sol une poubelle géante. C'est pourquoi Robin des Bois réclame depuis des semaines au ministre de l'Ecologie, Nicolas Hulot, une localisation précise de ces décharges. Cet inventaire a de quoi faire trembler les communes car il leur faudra alors expurger les déchets et les transférer dans des usines de traitement au prix d'opérations très coûteuses.

    « Les décharges de Bordes et de Coarraze dans les Pyrénées-Atlantiques, en bordure du gave de Pau, ont été fortement dégradées par les crues d'orage en juin 2013, explique ainsi Robin des Bois. Leur réhabilitation est estimée à un minimum de 5 millions d'euros ».

    Dans ce contexte, Brune Poirson, secrétaire d'Etat auprès de Nicolas Hulot, a lancé mardi un groupe de travail pour lutter contre les décharges sauvages. Il devra rendre ses conclusions en avril 2019. La membre du gouvernement souhaite notamment qu'un état des lieux soit dressé