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Angela Merkel encore affaiblie par un scandale de migrants régularisés sans vérification
Au sein même de son parti, Angela Merkel est sous pression de son aile droite.

Angela Merkel encore affaiblie par un scandale de migrants régularisés sans vérification

Allemagne

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Le ministère de l'Intérieur allemand vérifie 18.000 demandes d’asile​, soupçonnant la délivrance de papiers sans respect de la procédure de vérification préalable de l'identité des réfugiés. Les parlementaires demandent cette semaine des comptes à Angela Markel, dont la politique d'accueil est controversée depuis 2015 : savait-elle ?

Des réfugiés de complaisance font vaciller Angela Merkel. La chancelière allemande est rattrapée par un scandale administratif concernant plusieurs milliers de demandes d’asile qui auraient été accordées… sans vérification véritable de l’identité des demandeurs. Plus les enquêteurs progressent, plus les langues se délient et plus on s’aperçoit que les ministères et administrations compétents étaient plus ou moins informés de ces dérives. La question est désormais de savoir si la chancelière était elle-même au courant de l'affaire et surtout, de savoir ce qu’elle a fait ou pas pour y remédier.

Ce mercredi matin, 6 juin, celle que ses détracteurs ont ironiquement nommée la "madone des réfugiés", sera soumise aux questions des députés lors d’une audition parlementaire publique. Et jeudi, le Bundestag se penchera sur la demande de création d’une commission d’enquête parlementaire sur la question, déposée par le parti libéral (FDP). "Nous jugeons nécessaire de faire la lumière sur ce qu'il s'est passé, y compris en ce qui concerne la responsabilité politique, jusqu'à la chancellerie", a expliqué le président du FDP Christian Lindner, qui pourrait bien obtenir gain de cause et estime que l’Allemagne a besoin d’un "système de gestion de l’immigration entièrement nouveau".

Le ministère de l'Intérieur vérifie 18.000 demandes d’asile

Dans le détail, les médias allemands ont révélé fin avril que des descentes de police étaient en cours dans les locaux de la filiale brêmoise de l'Office fédéral pour la migration et les réfugiés (BAMF). Cette administration joue un rôle central dans la crise des réfugiés depuis 2015. Or, les enquêtes lancées ont mis au jour des complicités entre la responsable de l’agence régionale et des avocats de réfugiés. La question d’un enrichissement éventuel sur le dos des migrants se pose également. Une chose est sûre, c’est que les statistiques de délivrance de droit d’asile de Brême sont nettement supérieures à la moyenne nationale. Fin mai, le ministère fédéral de l’Intérieur a donc ordonné une vérification des 18.000 demandes d’asile traitées dans la ville-Etat depuis l’an 2000.

Que le BAMF ait connu de graves problèmes "était connu de tous", a récemment expliqué la présidente du SPD, Andrea Nahles. En effet, l’agence et ses 2.800 salariés n’était pas préparés à traiter les quelque 975.000 demandes d’asile déposées pour la seule année 2015. Malgré une augmentation des moyens et une lente augmentation des effectifs, la lourdeur des procédures, les problèmes de formation des nouveaux employés, ou la difficulté à trouver des interprètes, ont asphyxié un système qui commence seulement à respirer à nouveau deux ans plus tard, au prix d’un "désengorgement" pas toujours en accord avec les très rigoureux règlements allemands.

Pour la chancelière, le danger de l’affaire de Brême, c’est qu’elle vient fournir des munitions à tous ceux qui jouent avec les peurs des citoyens ou estiment que la politique généreuse d’accueil des réfugiés a été menée sans consentement démocratique ni européen et qu'elle a ébranlé l’Etat de droit et déclenché un violent choc des cultures et des religions. Ces adversaires sont, en première, ligne le parti d’extrême-droite AfD mais aussi toute l’aile droite de l’union conservatrice d'Angela Merkel (CDU/CSU). Soit les tenants d’un virage réactionnaire et identitaire dont la vigueur et l’agressivité s’opposent à la faiblesse grandissante d’une dirigeante qui compte de moins en moins d’alliés.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne