Sur autoroute, plus vous polluerez, plus vous paierez !

Le tarif des péages autoroutiers pourrait être bientôt calculé en fonction de la distance parcourue par votre véhicule mais aussi de son niveau de pollution. C’est ce que viennent de voter les députés européens.

 Les députés européens viennent de voter en faveur d’un projet d’euro-redevance fondée sur la distance parcourue et les émissions polluantes du véhicule.
Les députés européens viennent de voter en faveur d’un projet d’euro-redevance fondée sur la distance parcourue et les émissions polluantes du véhicule. LP/Olivier Boitet

    Depuis que le dioxyde de carbone (CO2) fait figure d'ennemi numéro 1 du climat, ses émissions sont devenues un argument de poids pour les constructeurs. Car modèle peu vertueux rime avec malus écologique coûteux. Pas très vendeur pour des automobilistes soucieux de rouler « propre ». D'autant qu'ils devront à l'avenir payer plus cher leur péage autoroutier s'ils rejettent trop de gaz carbonique ou de particules fines. Les députés européens viennent en effet de voter en faveur d'un projet d'euro-redevance fondée sur la distance parcourue et les émissions polluantes du véhicule.

    Si cette proposition est approuvée par le Conseil européen et les Etats membres, elle s'appliquera en 2021 pour les poids lourds et en 2026 pour monsieur et madame Tout Le Monde. « Avec ce nouveau système de péage, un vieux camion à la norme Euro 2 paierait une redevance de 39,60 euros sur un trajet Paris-Strasbourg, alors qu'un poids lourd Euro 6 ne paierait que 14,40 € de plus », explique l'eurodéputée Christine Revault d'Allonnes Bonnefoy, présidente de la délégation socialiste française et rapporteuse de ce texte.

    Un système expérimenté sur l'A63

    Pour le même trajet, un automobiliste lambda paiera, lui, 2,70 € de plus s'il roule en diesel Euro 6 (contre 4,05 € pour un diesel de vieille génération) et… 50 centimes s'il possède un véhicule électrique. « Il y a 136 000 km de réseaux autoroutiers en Europe et le principe est que les usagers participent au fait d'abîmer ces routes et de polluer », explique l'élue française. Les recettes obtenues serviraient notamment à financer les travaux d'amélioration des routes.

    Ce système pollueur-payeur s'applique déjà en France aux poids lourds sur les 104 km de l'autoroute A63, dans les Landes. En accédant aux données techniques du véhicule (contenues dans le boîtier de télépéage du camion) et en les croisant avec un lecteur de plaque, la barrière d'autoroute applique un paiement différencié.

    Plus le poids lourd est vieux, plus il paye. « Le montant du péage est en moyenne de 35 €, mais cela peut monter à 41 € pour les camions les plus polluants et descendre à 33 € pour les moins polluants », explique Olivier Quoy, le directeur général d'Atlandes, la société concessionnaire.

    Le risque d'instaurer une mesure «socialement injuste»

    Les entreprises de transport ont vite compris l'intérêt d'investir dans des camions de dernière génération. « Entre 2015 et 2017, nous avons enregistré une hausse de 10 % du trafic poids lourds mais cela s'est traduit pas une baisse notable des émissions polluantes, de l'ordre de 20 à 40 %, car les flottes de véhicules ont été renouvelées », précise Olivier Quoy.

    L'ancienne ministre de l'Ecologie Delphine Batho n'est pas contre cette idée, mais elle en pointe les limites. « Tout ce qui incite au déploiement de véhicules moins polluants est bon à prendre mais il ne faut pas que ce soit une double peine pour ceux qui n'ont aujourd'hui pas les moyens de changer de voiture et devront demain payer plus cher au péage », estime la députée des Deux-Sèvres.

    Elle appelle donc le gouvernement à doubler la prime destinée aux ménages modestes pour les aider à changer de voiture. Le délégué général de l'association 40 millions d'automobilistes, Pierre Chasseray, pointe lui aussi le risque d'instaurer une mesure « socialement injuste ». « Il ne faudrait pas que cette nouvelle redevance creuse encore l'écart entre ceux qui ont les moyens de se payer une voiture neuve, de prendre l'autoroute et les autres. »

    ET AUSSI UNE REDEVANCE ANTI-BOUCHONS ?

    Et si l'on payait à terme plus cher son péage quand on circule sur… une route embouteillée. Dans le cadre de la révision de la directive européenne, les députés ont aussi prévu d'instaurer une « redevance pour congestion ». Chaque Etat membre serait libre de la mettre en place ou non. « L'idée, assez polémique, vise à inciter les gens à moins prendre leur voiture aux heures de pointe en les faisant payer parce qu'ils sont en partie responsable de la congestion de la route », explique un concessionnaire autoroutier français.

    Dans le tunnel de l'A86, un système similaire est en place. Les automobilistes doivent s'acquitter selon les jours et l'heure de 1,50 € à 11,60 € pour un même trajet entre Vélizy (Yvelines) et Rueil (Hauts-de-Seine). Les députés européens ont également défini un niveau maximal de redevance selon les types de route empruntée. Si vous roulez sur une route principale au cœur d'une métropole, vous pourriez ainsi payer 1,98 € par kilomètre parcouru contre 0,66 € si vous empruntez un axe en zone rurale. Les recettes tirées de cet « impôt congestion » devraient être allouées aux solutions pour résorber les bouchons.