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Airbnb s'engage à limiter la location d'une résidence à 120 jours par an... comme l'y oblige la loi depuis 2016
Le dispositif a déjà été testé à Londres, Amsterdam et dans quatre arrondissements parisiens.

Airbnb s'engage à limiter la location d'une résidence à 120 jours par an... comme l'y oblige la loi depuis 2016

Faut pas s'presser

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Les plateformes de location touristique, dont Airbnb, ont fait la promesse ce mercredi 6 juin de limiter à 120 jours par an la location des résidences principales de leurs clients. Un blocage automatique, mis en place fin 2018, doit permettre de réaliser cet "engagement volontaire"... et de se conformer enfin à la loi.

Cette fois, c'est la bonne : Airbnb assure, promis-juré, qu'il limitera à 120 jours la durée de location par an d'un appartement. Dans un "engagement volontaire" signé ce mercredi 6 juin, les plateformes de location touristique, dont son leader Airbnb, ont indiqué mettre en place un système de blocage automatique sur leurs applications d'ici à la fin de l'année. Ce texte permet aux entreprises d'anticiper une obligation inscrite dans le projet de loi Elan (Evolution du logement, de l'aménagement et du numérique) qui en cours de discussion au Parlement. Cet accord présenté comme inédit et applaudi par le gouvernement... est en réalité la simple application d'une loi française déjà votée.

Concrètement, il signifie qu'après 120 jours de location dans l'année, consécutifs ou non, un propriétaire ne pourra plus mettre à disposition son appartement. Un calendrier sera également ajouté aux applications, pour permettre de suivre précisément le compte à rebours de chaque annonce. Cette décision ne concerne pas l'ensemble des propositions disponibles sur Airbnb : le blocage ne s'applique qu'aux résidences principales et laisse toute latitude aux résidences secondaires. Il ne concerne par ailleurs pas les chambres chez l'habitant, uniquement les logements entiers. Signée en présence du secrétaire d'Etat à la Cohésion des territoires, Julien Denormandie, et des plateformes membres de l'Union nationale pour la promotion de la location de vacances (UNPLV), la disposition doit permettre d'enrayer les dérives de ces plateformes de location "à Paris et dans les communes où il existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logement, entraînant des difficultés sérieuses d'accès".

La location de plus de 120 nuitées est déjà interdite par la loi

Pourtant, pour les résidences principales, la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique oblige déjà les plateformes de location à limiter les locations à 4 mois. Ces dernières doivent en effet veiller "à ce que le logement proposé à la location ou à la sous-location ne soit pas loué plus de cent vingt jours par an par son intermédiaire" et "décomptent le nombre de nuits faisant l’objet d’une occupation, et en informent, à sa demande, annuellement, la commune" du logement en question. Au-delà de 120 jours, spécifie la loi, "ce dernier ne peut plus faire l’objet d’une offre de location par son intermédiaire jusqu’à la fin de l’année en cours". S'il n'est pas écrit noir sur blanc que les plateformes doivent bloquer leurs utilisateurs dans le texte de 2016, ce dernier est donc sans ambiguïtés : elles doivent tout mettre en œuvre pour empêcher la location de longue durée.

Ce texte n'est visiblement pas appliqué sur le territoire français, à l'exception des quatre premiers arrondissements parisiens où Airbnb a déjà mis en place un système de blocage. L'entreprise communique d'ailleurs à profusion sur ce qu'elle présente comme une "initiative" personnelle qui "encourage le développement d’un partage de logement respectueux de la ville et de sa population, tout en permettant de prévenir les tensions sur le marché du logement dans le centre de Paris". "Ils présentent comme une démarche volontaire ce qui est une obligation légale sans ambiguïté", s'était étranglé Ian Brossat, adjoint communiste de la ville de Paris.

Airbnb déjà assigné en justice par la Ville de Paris

La capitale a d'ailleurs assigné Airbnb en justice en avril, au nom d'un autre amendement de la loi République numérique de 2016... que la plateforme ne respecte toujours pas ! Ce dernier permet aux communes de plus de 200.000 habitants de créer un numéro d'enregistrement pour les meublés faisant l'objet d'une location de courte durée. Paris accuse Airbnb de ne pas avoir mis en application cette disposition prise par la mairie depuis le 1er décembre 2017. A l'heure actuelle, la plateforme n'a pas encore retiré les annonces ne possédant pas de numéro d'enregistrement. La multinationale va devoir s'y mettre rapidement : cette mesure fait partie des engagements signés ce mercredi.

Cet accord présente un autre angle mort : les plateformes s'engagent à croiser leurs données internes, afin d'éviter qu'un particulier ne cherche à contourner la régulation des 120 nuitées en utilisant plusieurs applications. Comment ? En détectant les annonces et les photos trop similaires, où tout simplement les mêmes adresses… Bien qu'alléchante sur le papier, cette proposition interroge toutefois sur l'intégrité des données personnelles des utilisateurs. Reste à savoir de quelle manière ces informations seront transférées et si l'utilisateur pourra consentir au transfert de ses informations d'une plateforme à l'autre, comme le spécifie le règlement européen de protection des données, entré en application le 25 mai dernier.

Le projet de loi Elan augmente le montant des amendes

Le projet de loi Elan doit renforcer les contrôles et les sanctions civiles des deux côtés de l'application. Loueurs et plateformes risqueront bien davantage qu'aujourd'hui s'ils ne respectent pas les obligations légales. Les premiers devront déclarer à leur commune le nombre total de nuitées ayant fait l'objet d'une location pendant l'année écoulée. En cas de non-respect de cette disposition, l'amende, d'un montant de 5.000 euros aujourd'hui, pourra grimper à 10.000. Les plateformes, qui devront donc respecter le seuil de 120 jours de location maximum, feront face à de nouvelles sanctions financières pouvant s'élever jusqu'à 50.000 euros, contre 10.000 aujourd'hui.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne