Les nutritionnistes alertent sur le Capri-Sun, la boisson redevenue tendance grâce au rap

Publié le 9 juin 2018 à 15h16, mis à jour le 8 août 2018 à 17h39
Les nutritionnistes alertent sur le Capri-Sun, la boisson redevenue tendance grâce au rap
Source : Clip Edinho-"Capri-Sun"

PHÉNOMÈNE - "Vas-y plante la paille, plante la paille dans l'Capri-Sun"... Serait-ce la dernière pub pour vanter les délices de cette petite gourde molle ? Raté ! C'est ni plus ni moins le nouveau credo des cours d'école grâce à la créativité de certains rappeurs. Oui mais voilà, pour les nutritionnistes, cette boisson, à forte teneur en sucre, est loin de faire l'unanimité.

Les ventes de Capri-Sun s'envolent. Ces petites gourdes molles dans lesquelles on insère une paille se sont vendues à 250 millions d'exemplaires en 2017, soit une croissance de 20%, dixit Coca-Cola European Partners qui les commercialise. Pourquoi un tel engouement, me direz-vous ? Au-delà du fait que cette marque iconique existe sur le marché depuis 49 ans, des groupes de rap ont décidé de célébrer cette boisson orangée avec pas moins de 14 chansons qui inondent les ondes depuis quelques mois.

Jul, Boy Bandit, Edinho, Timal… Le Capri-Sun est devenu leur source d'inspiration principale. Résultat, les rappeurs s'affichent tous dans leurs clips une gourde à la main ou en train de mâchouiller leur paille. A l'image de Boy-Bandit, alangui sur une chaise longue sur les quais de Seine, le chanteur annonce la couleur dès le refrain : "Vas-y plante la paille, plante la paille dans l'Capri-Sun..."

Encore plus fort avec le clip du rappeur Edinho - et ses 35.000 vues - où là c'est carrément le pack de Capri-Sun que l'on pose sur l'épaule telle une enceinte façon ghetto-blaster. Du côté des paroles, le même hymne : "Posé au quartier, pété au Capri-Sun, c'est bon déjà. J'me vois sous les Tropiques, transat avec le sun..." 

Et le rappeur de se justifier sur Slate.fr : "On le voit bien dans les quartiers, partout ils en ont. Faire un refrain sur ça, on s’est dit que ça allait être accrocheur, que ça pouvait toucher beaucoup de monde. Ça a marché, les parents me disent qu'à cause de moi, leurs enfants ne veulent plus que du Capri-Sun."

Des fruits, de l’eau de source et c’est tout ?

Et c'est bien là que le bât blesse. Faire du Capri-Sun la boisson tendance du moment n'est pas du goût de tous au vu de sa composition. Comme l'écrit l'ONG Foodwatch sur son site internet, "Capri-Sun vante une boisson idéale pour le goûter des enfants. Son emballage montre pas moins de sept fruits qui sont en fait présents en faible quantité. En revanche elle contient autant, voire plus, de sucre que certains sodas. Une poche de 200 ml de Capri-Sun Multivitamin c'est 19 g de sucre (soit 4 morceaux), et seulement 12% de jus de fruits à base de concentré." 

"Or, selon les dernières recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), l'apport en sucre ne doit pas dépasser 10% de l’apport énergétique total, ce qui représente chez l'enfant six morceaux de sucre. Avec une seule gourde de Capri-Sun on atteint pratiquement cette limite !", poursuit l'ONG. 

Autre questionnement lié à la composition, le jus de fruits à base de concentré. Pour Florence Foucaut, nutritionniste à Paris, pour arriver à ce résultat "les industriels se servent de leur surplus de fruits, ils en font une purée et la dilue dans de l'eau", nous explique-t-elle. "Du coup, il ne reste plus beaucoup de vitamines. Par ailleurs, quand je vois, dans la composition, de la vitamine B12, je me demande bien d'où elle vient car cette vitamine n'existe que dans les produits d'origine animale", analyse-t-elle encore. "En fait, je ne vois vraiment pas l'intérêt de cette boisson. Si on veut que les enfants boivent du jus de fruits, que les parents achètent du vrai jus de fruits et non pas cette eau aromatisée aux fruits."

Caries, obésité, maladie de Nash...

Cette consommation excessive de sucre n'est pas sans risque pour la santé, notamment pour les plus jeunes. "Ils sont par exemple beaucoup plus exposés aux caries", poursuit Florence Foucaut. "De plus, les enfants ayant une activité physique plus réduite - étant addicts aux écrans, ils sont de plus en plus sédentaires - ils vont prendre du poids. Et puis attention à ce syndrome dont on parle beaucoup en ce moment, la maladie de Nash, une atteinte hépatique liée à une surconsommation de sucre, que l'on nomme d'ailleurs la maladie du soda", prévient-elle. 

Ce problème de santé publique est pris au sérieux dans les écoles qui essaient aujourd'hui d'alterner des goûters salés et sucrés pour éviter cette appétence pour le sucre. Et du côté de Capri-Sun, a-t-on mis en place une nouvelle politique ? "Depuis un certain nombre d'années, on a pris des engagements assez forts pour diminuer le taux de sucre dans nos produits. Ainsi, d’ici 2020, nous allons réduire de 10% la teneur en sucre de notre gourde classique multivitamines", précise à LCI Alexandre Poncet, le directeur de la communication de Coca-Cola European Partners, qui avoue du coup, à demi-mot, que jusqu'à maintenant Capri-Sun ce n'était pas que des fruits et de l'eau.

"En attendant, pour faire face aux nouvelles attentes des parents, on a développé depuis deux ans deux nouvelles gammes, Fruit Crush et Bio, qui sont sans sucres ajoutés. Résultat, pour une gourde de 200 ml de Capri-Sun Fruit Crush, on passe à 15 g de sucre (au lieu de 19 g) et pour une gourde bio à 13,6 g de sucre".

Ne plus cibler les enfants de moins de 12 ans

"Peut mieux faire", répondrait l'ONG Foodwatch qui en plus d'interpeller Capri-Sun sur son contenu, pointe également du doigt son emballage. Il est vrai que la marque joue à fond le côté sain et équilibré avec des gourdes recouvertes de fruits à la taille démesurée. "On est dans la même gamme que la marque Oasis, avec dans leur pub la cascade d'eau et des fruits qui surfent dessus", s'amuse Florence Foucaut. 

Réponse du berger à la bergère : "Nous avions l'intention de corriger cela avant l'intervention de Foodwatch et c'est chose faite, nous avons diminué la taille des fruits sur nos emballages, même si nous étions déjà en règle avec la législation en vigueur", précise Alexandre Poncet. "Par ailleurs, vous n'êtes pas sans savoir que le gouvernement britannique souhaite interdire d'ici la fin de l'année les pailles en plastique, et donc en 2019 nous ferons en sorte que nos pailles soient recyclables."

Il apparaît tout de même un autre point de crispation : en juin 2017, Foodwatch - toujours elle - a lancé une pétition demandant à la marque de cesser de cibler dans ses publicités les moins de 12 ans. La-aussi, du côté de Coca-Cola European Partners, on reste droit dans ses bottes affirmant que leur communication est uniquement dirigée vers les adultes. Sauf qu'il suffit de passer 30 secondes sur la page Facebook  de la marque pour se rendre compte que tout est fait pour attirer les plus jeunes : partenariat avec des films pour enfants (Pierre Lapin, Rio 2, ndlr), jeux, coloriages...

"Nous respectons la législation en vigueur, répète Alexandre Poncet. Nous sommes signataires de la charte Unesda (Union of european soft drinks associations), via laquelle nous nous sommes engagés à ne pas cibler les enfants de moins de 12 ans dans nos actions de communication et de marketing. Ainsi, lors d'opérations en magasins, on ne donne pas le produit directement à l'enfant mais seulement au parent qui l'achète et ensuite c'est ce dernier qui fait le choix de le faire boire ou non à son enfant. C'est essentiel", rappelle le directeur de la communication. 

"Quant à la publicité à la télévision, on s'assure qu'elle n'intervienne pas lors de certaines plages horaires où les moins de 12 ans sont devant la télévision. Idem pour les films dont nous sommes partenaires, on mise uniquement sur des longs-métrages familiaux, et on ne met plus de personnages de dessins animés sur nos emballages", insiste Alexandre Poncet, assurant une nouvelle fois que tous les changements opérés sur la marque ont été décidés en amont des récriminations de Foodwatch. "Mais on reste vigilant sur ce que nous dit la société civile car c'est aussi un moyen de s'améliorer", conclut-il.


Virginie FAUROUX

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