Hedy Lamarr (1914-2000), la dame sans passeport d'Hollywood

Hedy Lamarr dans "Let's Live a Little" (1948)
Hedy Lamarr dans "Let's Live a Little" (1948)
Hedy Lamarr dans "Let's Live a Little" (1948)
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Le destin hors norme d'Hedy Lamarr, juive viennoise devenue star d'Hollywood et co-auteur d'un système secret de communication applicable aux torpilles radio-guidées, est aujourd'hui encore l'odyssée contemporaine d'une liberté de femme qui s'invente.

Avec
  • Vivianne Perret Journaliste, écrivain, scénariste de bande dessinée
  • Jean-Louis Desvignes Général, ancien officier Chiffre à l'Etat-major des Armées, ancien directeur de l'Agence Nationale de la Sécurité des Systèmes d'information.
  • Christian Viviani Coordinateur et rédacteur de la revue Positif, professeur à l’université de Caen-Basse Normandie
  • Serge Bromberg Critique de cinéma, spécialiste du cinéma américain de l'âge classique.
  • Antoine Sire Auteur
  • Nina Childress Peintre

Hedy Lamarr est née Hedwig Eva Maria Kiesler en 1914, à Vienne, dans une famille de la bourgeoisie juive viennoise. Dès son enfance, elle a une révélation en voyant Metropolis de Fritz Lang et veut devenir actrice. Elle abandonne l'école pour travailler en Allemagne avec le metteur en scène de théâtre Max Reinhardt.

C'est en 1933, dans Extase de Gustav Machaty, qu'elle devient mondialement célèbre. Dans une scène, on la voit jouer l’orgasme, pour la première fois sur un écran de cinéma. Le pape Pie XII condamne Extase et Hitler l'interdit en Allemagne. Cela n'empêche pas un marchand d'armes autrichien, Fritz Mandl, sympathisant nazi et fournisseur de Mussolini, de tomber amoureux de l’actrice qu'il épouse en 1933. En 1937, elle fuit son mari et rencontre Louis B. Mayer, patron de la Metro Goldwyn Mayer, qui la rebaptise en hommage à une actrice du cinéma muet, Barbara La Marr.

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À son arrivée à Hollywood, elle rencontre le pianiste et compositeur d'avant-garde George Antheil, farouche antinazi comme elle. En se souvenant des plans qu'elle a lus chez son premier époux Fritz Mandl, elle imagine un système de guidage de fusées par fréquence radio, le "commutateur de fréquences", qui rendra plus tard possible l'apparition des téléphones portables. Ensemble, ils dessinent un dispositif s'inspirant des rouleaux perforés des pianolas d'Antheil : les rouleaux perforés synchronisent et commutent leurs fréquences, et brouillent les messages pour les nazis qui essayaient de les intercepter. Ils déposent le brevet en 1941, sans être pris au sérieux par le général qui les reçoit. Hedy Lamarr a rétroactivement reçu le prix de l'Electronic Frontier Foundation en 1997 et a été admise, avec George Antheil, au National Inventors Hall of Fame en 2014. Elle n'a cessé, jusqu'à sa mort en 2000, de produire des inventions.

Dans les années 1940/50, Hedy Lamarr est consacrée star hollywoodienne par des réalisateurs comme Douglas Sirk, Maurice Tourneur ou Edgar G. Ulmer…. Elue "femme la plus belle du monde", elle est lasse de ce qu'elle appelle "son masque" : "N'importe quelle femme peut avoir du glamour. Il suffit de se tenir tranquille et d'avoir l'air idiot" déclare-t-elle. Sa carrière traverse une période de creux, jusqu’à ce que Cecil B. DeMille, en 1949, lui confie le rôle féminin de Samson et Dalila. Sa carrière dure encore huit ans après ce chef-d'œuvre.

En 1957, Hedy Lamarr disparaît de la circulation. Elle tente un come-back en 1966 mais elle est arrêtée pour vol à l'étalage. Elle achève sa carrière en kleptomane récidiviste dans des superettes minables. Andy Warhol, qu'elle fascinait, et qui avait été le seul à percevoir sa dimension avant-gardiste, l’a immortalisée dans son film Hedy.

Aujourd’hui encore, la figure complexe d’Hedy Lamarr permet de dénouer bien des clichés sur la femme/actrice/potiche/prix de beauté/idiote/nulle en sciences/femme objet (elle a fait scandale pour le nombre de ses maris et sa liberté sexuelle revendiquée haut et fort, sur la scène hollywoodienne corsetant les femmes). Cette étoile lointaine peut encore éclairer notre présent.

Une émission produite par Hélène Frappat. Réalisation : Angélique Tibau. Avec la collaboration d'Annelise Signoret.

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