Au rapport

Calais : un rapport associatif dénonce l'attitude de la police face aux migrants

Tentes détruites, affaires personnelles confisquées, voire violences : dans son deuxième rapport, l'Auberge des migrants s'inquiète de la façon dont sont menées les évacuations des campements de migrants dans le Calaisis.
par Kim Hullot-Guiot
publié le 8 juin 2018 à 7h11

Pour la deuxième fois, l'association calaisienne l'Auberge des migrants produit un rapport sur les évacuations et expulsions de terrain dont font l'objet, très régulièrement, les exilés. Lesquels attendent de passer en Angleterre, dans des bois ou sur des terrains plus ou moins abandonnés du Calaisis. «La lutte contre la formation de bidonville ne peut se résumer à des opérations de destructions, de confiscations et d'expulsions : il faut surtout que des solutions d'accueil et administratives soient proposées à ces gens», juge l'association. Nous avons retenu trois points saillants de son rapport.

1. Des interventions «sans base légale» et parfois humiliantes

Sur les terrains publics, l'Auberge des migrants estime que les opérations de police sont réalisées «sans base légale apparente» : «aucun arrêté préfectoral ou municipal de décision d'expulsion ne nous a jamais été présenté et nous n'en avons jamais vu affiché à la mairie de Calais aux côtés des autres arrêtés municipaux et préfectoraux», lit-on dans le rapport. Sur les terrains privés, idem : «L'expulsion d'un lieu habité sur un terrain privé ne peut se faire sans qu'une décision de justice du tribunal de grande instance ne l'ordonne. Nous n'avons jamais vu une décision de justice de ce type lors des opérations d'expulsion.»

D'autre part, l'association rapporte des humiliations dont seraient victimes les migrants : «Des exilés ont témoigné à plusieurs reprises que des membres des forces de l'ordre urinent sur leurs tentes, sur les bidons ou les ustensiles de cuisine», écrit l'Auberge des migrants, qui évoque également des coups et une utilisation trop leste du gaz lacrymogène. L'année dernière, au mois de juin, le Défenseur des droits Jacques Toubon avait déjà dénoncé des «atteintes aux droits fondamentaux» des migrants à Calais «d'une exceptionnelle et inédite gravité» et estimé que leurs conditions de vie étaient «inhumaines». Il allait jusqu'à évoquer une «sorte de traque» des migrants.

A lire aussi Défenseur des droits : Toubon tout rouge

2. Des biens personnels, dont des médicaments, confisqués

Selon le rapport de l'Auberge des migrants, les migrants ne peuvent en outre, à l'issue de ces opérations, que rarement récupérer leurs effets personnels : «Les exilés ne sont pas informés de ce droit par les forces de l'ordre et sont tenus à distance par des cordons de sécurité (ou périmètre). Lorsque l'autorisation [de récupérer ses biens, ndlr] est donnée aux exilés, toujours par l'intermédiaire des bénévoles, elle ne porte que sur une partie de leurs effets : la collecte des tentes et des bâches reste interdite, sans exception.» Pourtant, écrit l'association, «la préfecture s'est engagée […] à ce que les forces de l'ordre laissent les exilés récupérer leurs biens lors de ces opérations […] Ces instructions sont très souvent ignorées».

D'autres associations, comme Médecins du monde, ont par ailleurs constaté que des documents médicaux ou des traitements médicaux pouvaient aussi faire l'objet de confiscation : «J'ai récemment accompagné un exilé à la permanence d'accès aux soins […] Il a expliqué s'être fait confisquer deux fois de suite ses médicaments par la police dans la même semaine. C'est une situation insupportable, un harcèlement permanent qui pousse les exilés à l'errance», explique dans le rapport le coordinateur local de Médecins du Monde, Brice Benazzouz.

3. Des pressions sur les associations

«Il est impossible pour les exilés d'aller aux distributions de repas, d'eau, aux sanitaires ou aux douches sans prendre le risque de perdre son abri et ses affaires personnelles», indique le rapport. Selon l'Auberge des migrants, il arrive que les évacuations aient lieu au moment même où les services de l'Etat ou les associations proposent des repas ou de prendre une douche. «Nous avons constaté à au moins deux reprises que des exilés sont revenus sur le campement, repas à la main, et se sont retrouvés face à une ligne de CRS, sans possibilité de passer pour récupérer leur téléphone ou leurs papiers», regrette-t-elle.

Autre problème : à force de confisquer les tentes, les stocks s'épuisent. Pour les associations qui les distribuent, cela représente des «pertes matérielles importantes». «Plus de 2 000 tentes ont été distribuées entre décembre 2017 et mi-mai, pour 500 à 800 exilés présents à Calais et dans ses environs en moyenne. Les opérations d'expulsions forcées et de destruction représentent plusieurs milliers d'euros dépensés pour les associations», précise le rapport.

A lire aussi «Calais, c'est pas mieux que la Libye»

Enfin, selon l'Auberge des migrants, les personnes qui viennent en aide aux migrants font l'objet de pressions, à base de contrôles d'identité et de convocations au commissariat. «Les auditions ont été ressenties comme très agressives, avec beaucoup de tentatives de culpabilisation et de criminalisation. Ces auditions n'ont pas eu de suite pour l'instant», regrette l'association.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique

Les plus lus