Les taux réduits de TVA sont dans le viseur de Bercy. Jeudi, Bruno Le Maire a milité pour un réexamen de ces quelque 145 régimes dérogatoires, dans l’optique de réaliser de nouvelles économies. On le comprend : ils constituent un gisement de 48 milliards d’euros, selon les estimations du Conseil des prélèvements obligatoires. Et beaucoup de ces dispositifs sont critiqués pour leur manque d’efficacité, voire leur absurdité…

Pour trouver où réaliser ces coupes, le ministre de l’Economie pourra donc piocher dans les multiples rapports, publiés par ses propres services, par la Cour des comptes ou par les parlementaires, qui ont épinglés certaines de ces niches fiscales. Voici les secteurs qui constituent les cibles potentielles les plus probables.

Restauration : une mesure coûteuse qui n’a pas dopé l’emploi dans le secteur

La TVA réduite sur la restauration (10% au lieu de 20) a été étrillée en 2015 par le Conseil des prélèvements obligatoires, qui dépend de la Cour des comptes. Est pointé du doigt son inefficacité, en matière de soutien à l’emploi au secteur. Son coût est estimé par l’institution entre 175.000 et 262.000 euros par emploi créé, contre 34.000 à 42.000 euros par emploi pour les exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires. Cette TVA réduite a aussi été épinglée récemment par l’Institut des politiques publiques, pour avoir surtout bénéficié aux restaurateurs, qui en ont bénéficié pour améliorer leurs marges, et non aux consommateurs. Revenir au taux normal permettrait d’engranger dans les 2,7 milliards d’euros supplémentaires par an, si l’on se fie au chiffrage du coût de la mesure.

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Chocolat, beurre et boissons sucrées : des régimes de taxation complexes et incohérents

Ce n’est pas tant pour leur coût que pour leur manque de cohérence que les taux de TVA réduits sur les produits alimentaires ont été pointés du doigt. Dans un rapport datant de 2014, des sénateurs avaient ainsi dénoncé le fait que les boissons contenant des sucres ajoutés bénéficient d’un taux de TVA réduit (à 5,5%) alors qu’elle font l’objet d’une surtaxe spécifique, au titre de la santé publique. Ils suggéraient, plus globalement, de revoir les différents taux appliqués, afin de mieux prendre en compte les caractéristiques nutritionnelles des différents produits.

En 2016, des députés avaient critiqué, eux, la complexité et l’absurdité des taux appliqués aux produits chocolatés : par exemple, un biscuit contenant 51% de chocolat au lait est taxé à 20%, contre 5,5% s’il n’en contient que 49%... Si ces parlementaires suggéraient, pour simplifier, d’abaisser le taux à 5,5% pour la quasi-totalité de ces produits (hormis les barres chocolatées), on pourrait très bien imaginer une harmonisation en sens inverse…

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Autre exemple d’incohérence : si la TVA sur le beurre est de 5,5%, celle sur la margarine est de 20%. Une différence liée à la volonté des pouvoirs publics de soutenir la filière laitière française, mais qui “n’est pas pour autant justifiée, en particulier d’un point de vue nutritionnel”, avançaient les députés. Là encore, ils proposaient de tout passer à 5,5%. Mais l’inverse est toujours possible...

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Guyane : une exonération de TVA injustifiée

Les territoires d’outre-mer bénéficient de nombreux avantages en matière de TVA. Ainsi, le taux normal de TVA est de seulement 8,5%, contre 20% en métropole, et le taux réduit est de 2,1%, contre 10 ou 5,5% dans l’Hexagone. Mieux : en Guyane, aucune TVA n’est appliquée, en vertu d’un dispositif “provisoire” datant de… 1948 ! “Cette disposition, qui s'expliquait initialement par l’absence de base taxable en Guyane, ne se justifie plus sur ce seul motif, dès lors que le développement de la Guyane lui permet d’afficher aujourd’hui un PIB conséquent”, avait taclé en 2011 l’Inspection générale des finances (IGF). Elle jugeait donc “inefficace” cette niche, d’un coût annuel évalué à 175 millions d’euros.

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Travaux de rénovation : les taux réduits profitent surtout aux ménages aisés

Les travaux de rénovation bénéficient d’un taux de TVA à 10% (et même 5,5% pour ceux qui entraînent des économies d’énergie). Comme pour la restauration, cette subvention est critiquée par le Conseil des prélèvements obligatoires pour son coût élevé, rapporté à son gain en termes d’emploi : 160.000 euros par poste créé, 4 fois plus que les exonérations de cotisations sur les bas salaires. Autre reproche : le fait que le taux de TVA réduit profite surtout aux gros revenus. En substance, ces travaux seraient davantage sollicités par les ménages aisés, qui en tireraient par ailleurs une économie plus importante.

Corse : la TVA n’est que l’un des multiples avantages fiscaux de l’île

Les Corses bénéficient aussi de taux allégés pour la plupart des produits de consommation. Exemple : la TVA est de 10% sur les boissons alcoolisées à consommer sur place, contre 20% sur le continent. Au total, le coût de ce régime était évalué, en 2011, à 185 millions d’euros par l’IGF. Il n’est pas impossible que Bruno Le Maire l’ait dans son viseur : il y a quelques jours, il avait déjà plaidé pour réformer les avantages fiscaux dédiés à la Corse, évoquant aussi une revalorisation des taxes pesant sur le tabac (qui sont actuellement moins élevées que sur le continent).