"Le sida continue à faire des ravages et tout le monde ou presque s'en fout"

Par JJGAMBARELLI

Ajaccio - Aiacciu

Infatigable Dany Papi. Depuis 22 ans, elle est à la tête de l'association Corsica sida. Elle se bat sur tous les fronts. Pourtant aujourd'hui, elle est fatiguée, lasse. Son combat, qu'elle juge bien évidemment toujours légitime, est confronté à une baisse notoire de la prévention, notamment chez les jeunes, à la baisse également des subventions et ce qu'elle estime être "l'indifférence générale". Entre lutte, espoirs et désespoirs, rencontre avec celle qui, malgré tout, ne renonce pas.

À l'heure où vous lancez votre campagne de prévention estivale, quelle est la situation du sida dans l'île ?

Je suis très préoccupée. Le constat est cruel mais il est objectif : on ne parle plus du sida. Ou alors de moins en moins. Regardez, il n'y a plus de campagne nationale. En corollaire, la prévention chez les jeunes s'amenuise. Mais il n'y a pas que chez eux que l'on observe un relâchement. Toutes les catégories sont touchées. Plus ou moins consciemment, la plupart des personnes à risques estiment que le sida est fini et que la trithérapie permet de faire n'importe quoi. C'est une hérésie car la maladie est malheureusement toujours là et elle continue à faire des ravages. Six cas de contamination depuis le début de l'année à Ajaccio... Aujourd'hui, on ne guérit toujours pas du sida. Même si, bien évidemment, les traitements ont permis une forte baisse de la mortalité.

Relâchement sur les pratiques à risques sexuelles, augmentation de la toxicomanie. Vous tirez la sonnette d'alarme...

Effectivement, les voyants sont au rouge. Quand on distribue gratuitement, par exemple, des préservatifs en discothèque, l'indifférence est de mise. La toxicomanie, elle est partout. Dans certains bars, dans certains cafés que l'on soit à Ajaccio ou à Bastia, ou à Porto-Vecchio, on peut acheter n'importe quoi. Et maintenant, avec les adeptes du "Chemsex", ils enchaînent des plans sexuels, souvent sans préservatif, où se mêlent cocaïne, GHB, vous savez cette drogue que l'on appelle la drogue des violeurs. Bref, la situation est dramatique.

À cela s'ajoute la baisse des subventions publiques. Comment faites-vous ?

C'est une catastrophe. Je ne peux plus embaucher personne. Et puis la disparition des emplois aidés a fatalement aggravé la situation. Heureusement, je peux compter sur mon équipe de bénévoles qui, envers et contre tout, continue avec moi le combat. Et puis je tiens néanmoins à souligner l'aide que m'apporte toujours la ville d'Ajaccio ainsi que certaines communes environnantes. Sans oublier quelques dons privés. Sans eux, on aurait déjà fermé l'association. Mais c'est difficile. Vraiment très difficile.

L'été arrive avec en corollaire des centaines de milliers d'estivants. Un risque majeur ?

Bien évidemment. Mais on continuera à aller dans les centres de loisirs, campings et plages pour informer et prévenir. Et inciter au dépistage. Je suis peut-être fatiguée mais je ne renonce pas. Même si je sais que je ne pourrai plus rester encore longtemps à la présidence de Corsica sida. Mais qui pour me succéder ?