Dans les paroles de Sandra Morán : « Être la première femme ouvertement lesbienne à siéger au Congrès du Guatemala a été une immense responsabilité »

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Sandra Moran. Photo: UN Women/Ryan Brown
Sandra Moran. Photo: ONU Femmes/Ryan Brown

Sandra Morán est la première femme ouvertement lesbienne à siéger au Congrès du Guatemala. Elle a formé le premier groupe de lesbiennes du pays en 1995 et a été élue au Congrès en 2015. Elle est très connue pour son fervent soutien aux droits des femmes, des femmes autochtones et des personnes LGBT au Guatemala. ONU Femmes appuie le leadership des femmes dans la politique et l’instauration de la paix au Guatemala par le biais d’initiatives diverses, y compris le programme phare Autonomisation politique et leadership des femmes. Mme Morán a été la première femme présidente du « Forum des députés » au Guatemala, une initiative qui a bénéficié de l’appui d’ONU Femmes, du National Democratic Institute for International Affairs, de l’Institut néerlandais pour la démocratie multipartite et de la fondation Konrad Adenauer Stiftung, ainsi que du généreux soutien financier de l’Agence suédoise de coopération internationale au développement (SIDA). Dans un entretien récent, Mme Morán relate son parcours dans le domaine politique et parle des lois qu’elle propose en vue de protéger les droits des femmes et des personnes LGBT.

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Les crimes haineux infligés aux lesbiennes ainsi qu’aux personnes gay et transgenres sont courants au Guatemala. Ces personnes sont confrontées à la discrimination dans les services de santé et d’éducation. Si vous êtes gay, vous risquez d’être renvoyé, et votre famille peut même vous déshériter. Le Guatemala dispose d’une loi contre la discrimination, mais il est très difficile de prouver qu’un licenciement est basé sur la sexualité.

J’ai fait partie du premier groupe de lesbiennes au Guatemala en 1995 et j’ai révélé ma sexualité lors d’un événement. L’invisibilité constitue également une forme de violence. C’est pour cette raison que j’ai décidé de faire une déclaration publique, pour montrer à la communauté LGBT qu’il est possible d’être lesbienne tout en siégeant au Congrès. Être la première femme ouvertement lesbienne à siéger au Congrès du Guatemala a été une immense responsabilité.

Une fois que j’ai été élue, on m’a envoyé des menaces de mort, et j’ai été attaquée sur les médias sociaux et par des campagnes publiques. Ma famille et mes amis m’ont soutenue, mais ils avaient peur. L’an dernier, en décembre, une discussion a été organisée pour former un nouveau comité exécutif au Congrès visant à lutter contre la corruption, mais les membres ont refusé de m’autoriser à m’inscrire sur la liste de candidats. Je pense qu’ils ne voulaient pas d’une personne qui défend les droits des personnes LGBT ou le droit à l’avortement au comité exécutif. La discrimination et le racisme sont des tactiques de pouvoir.

La violence politique contre les femmes est rarement abordée ou reconnue, mais elle existe bel et bien, et le Guatemala ne dispose pas encore d’une loi spécifique pour la condamner. Nous proposons une loi relative à la violence politique, qui couvrira les problèmes de harcèlement sexuel, de discrimination et de salaires inférieurs, et même le traitement des femmes candidates ou politiciennes. Avec le soutien d’ONU Femmes, j’ai fondé le Forum des femmes députées en septembre 2016 afin que les femmes siégeant au Congrès disposent d’un espace où partager leurs connaissances et se protéger les unes les autres. Le Forum comprend des femmes députées de tous les partis – 30 des 158 membres du Congrès sont des femmes.

J’ai également proposé des lois pour lutter contre la violence à l’égard des personnes LGBT et des femmes, y compris une loi contre la violence obstétrique [1] – au Guatemala, ce problème n’est pas encore reconnu comme une forme de violence. J’ai présenté un projet de loi sur l’identité de genre, qui permettrait aux personnes transgenres de choisir l’identité qu’elles préfèrent, et je promeus également une loi visant à protéger les droits des filles qui tombent enceintes suite à des violences sexuelles afin qu’elles puissent avorter. C’est la première fois que ces lois sont soumises au Congrès. Nous soutenons également des lois visant à faciliter l’autonomisation économique des femmes, pour assister les millions de Guatémaltèques qui émigrent, et une loi qui reconnaît les droits de propriété intellectuelle des personnes autochtones pour les textiles qu’elles produisent. Le Guatemala doit reconnaître les droits collectifs des femmes autochtones.

Aucune de ces lois n’a été adoptée. Cela dit, même si une loi n’est pas adoptée, il est important de la présenter. C’est la première étape pour influencer l’opinion publique et mobiliser la société civile. 

La lutte pour les droits des personnes LGBT et des femmes donne tout son sens à ma vie. Je sais que je peux contribuer à changer la situation, et je n’abandonnerai pas. La vie est courte, c’est pour cette raison que je continue, pour faire une différence.

À quoi ressemblera un Guatemala féministe ? À un pays où la politique publique favorise autant les femmes que les hommes ».

Notes

[1] La violence obstétrique désigne un manque de respect, des abus ou un traitement négligent des femmes en cours d’accouchement. [OMS]