"Marion Maréchal, c'est la Macron de la droite" : ces jeunes LR tentés par un rapprochement avec l'ex-FN
ENQUETE - Ignorant les digues érigées par leurs aînés, de nombreux jeunes militants du parti souhaitent un rapprochement avec l'extrême droite. Marion Maréchal est pour eux un puissant pôle d'attraction.
De nombreux jeunes militants des Républicains souhaitent un rapprochement avec l’ex-FN, rebaptisé Rassemblement national. La nièce de Marine Le Pen, Marion Maréchal , est pour eux un puissant pôle d’attraction au sein du parti d’extrême droite. Le Journal du Dimanche a enquêté sur ces jeunes. "La droite ne pourra pas faire sans Marion Maréchal demain", dit Erik Tegnér, adhérent LR, ancien président des Jeunes avec Calmels. "On a plus de points communs que de différences. On est de la même rive", complète Manon Bouquin, membre du conseil national du Rassemblement national.
Il croit à un "grand remplacement culturel" - "mais pas à la thèse complotiste", précise-t‑il -, voit dans le chancelier autrichien Sebastian Kurz, conservateur allié à l'extrême droite , un modèle de "ce qu'il faut faire", et estime que "la droite ne pourra pas faire sans Marion Maréchal demain". Et il le dit ouvertement, installé ce matin-là à une terrasse de café du 15e arrondissement de Paris. Erik Tegnér, 24 ans, n'est pas un militant du Front national (FN), récemment rebaptisé Rassemblement national. Cheveux châtains fraîchement coupés, barbe rasée de près, il est adhérent des Républicains (LR) et compte bien le rester. "J'ai confiance dans Wauquiez", se sent-il obligé de préciser. Jusqu'à récemment, il présidait les Jeunes avec Calmels et appelait même la droite, dans une tribune datée d'août 2017, à "refuser toute alliance avec le FN". En tant que proche de la numéro 2 du parti, il espérait décrocher en septembre un poste de salarié des Républicains. Virginie Calmels le lui avait promis.
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C'était avant qu'il claque avec fracas la porte des Jeunes avec Calmels, le 9 mai. Finalement, il juge sa championne trop "modérée", sur le sujet de l'immigration en particulier. Et trop prompte à condamner les propos de Thierry Mariani sur un nécessaire rapprochement avec le FN. Depuis, il a signé comme l'ancien ministre des Transports l'"appel d'Angers" en faveur d'une "union des droites" – de LR au FN en passant par le mouvement Debout la France! (DLF). Il a déjeuné avec le président de DLF, Nicolas Dupont-Aignan, vu le porte-parole du Rassemblement national (RN) Sébastien Chenu et "pris un café avec le couple Ménard". Il jure aussi avoir reçu une avalanche de messages de félicitations de militants et d'élus LR pour sa prise de position. "En tant que libéral-conservateur, j'ai plus de points communs avec Marion Maréchal qu'avec un souverainiste social comme Julien Aubert [secrétaire général adjoint de LR], dit-il. Et je ne vois pas pourquoi on ne parlerait pas à Nicolas Dupont-Aignan."
L'exclusion des Républicains?
Mercredi, il participait à un débat organisé à Paris par les jeunes frontistes du FNJ sur le thème "Que reste-t‑il de la droite aujourd'hui?". Trois membres des Républicains l'accompagnaient ce soir-là dans les petits locaux du RN de Paris, dans le 13e arrondissement. Parmi eux : le collaborateur d'un élu UDI en Île-de-France et un ancien membre de l'équipe de campagne du candidat LR aux législatives dans l'Oise, Alexis Mancel. Pendant une heure, devant un parterre hétéroclite coincé entre deux murs couverts de livres – ici un ouvrage sur René Bousquet, là un autre intitulé B. A. Ba du Coran –, Erik Tegnér disserte sur les convergences – nombreuses, à l'entendre – et les divergences entre son parti et celui présidé par Marine Le Pen. Et devise sur l'islam et sa progression en France. "Il faut aborder cette question en termes démographiques, dit-il. Les musulmans en France sont jeunes. Mais si on est capables d'avoir un bonne politique nataliste, on sera capables d'arrêter le mal à la source." Le jeune homme est à l'aise, l'auditoire plutôt convaincu. L'orateur a la dent dure contre sa propre famille politique. "LR est devenu un syndic de défense des élus locaux. On ne nous entend que sur la hausse de la CSG, parce que notre électorat est âgé."
Les Républicains envisagent-ils de sanctionner un militant qui plaide ouvertement pour un rapprochement avec le RN et participe à un débat organisé dans des locaux du parti d'extrême droite? Un proche de Laurent Wauquiez répond d'un lapidaire : "jurisprudence Mariani." À savoir : "Chacun peut exprimer une opinion, mais s'il passe aux actes, il ne fera pas partie des Républicains", comme l'avait expliqué Laurent Wauquiez à ceux qui réclamaient, il y a quelques semaines, l'exclusion de Thierry Mariani.
"Les jeunes ont besoin qu'on les fasse rêver. C'est ce qu'a bien compris Marion Maréchal avec son projet métapolitique
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Un proche de Virginie Calmels l'assure : Erik Tegnér n'est qu'un jeune ambitieux, issu d'une famille frontiste et anciennement encarté au FN – ce qu'il confirme volontiers –, en mal de publicité et très déçu de ne pas avoir intégré la direction provisoire des jeunes LR. "Il faisait tout pour être le président des jeunes LR", explique-t‑il. Et de s'interroger tout haut : "Ces gens-là sont très organisés et ont une logique d'infiltration. Dans quelle mesure était-il infiltré?" L'intéressé réplique : "J'étais proche de la numéro 2 du parti. Quel est l'intérêt de faire ce que j'ai fait à part défendre mes idées? Parce que concrètement, là je n'ai plus de job."
"Il a été déçu par Calmels et il est parti en vrille, mais il ne représente que cinq ou dix jeunes, pas plus", affirme un ancien responsable des jeunes LR. Il ne serait donc qu'un mouton noir. Lui l'assure : il est loin d'être une exception. "Les jeunes ont besoin qu'on les fasse rêver avec un projet de société, dit-il. C'est ce qu'a bien compris Marion Maréchal avec son projet métapolitique."
L'effacement du clivage
De fait, lors de la soirée "Débranchons Mai-68" organisée le 31 mai à Paris par le magazine conservateur L'Incorrect autour de Marion Maréchal, nous avons pu échanger avec une dizaine de jeunes militants LR présents. Tous se réfugient derrière un prudent anonymat et s'amusent à s'inventer de faux prénoms. Ils craignent des sanctions si l'on découvrait leur présence aux côtés des frontistes, de la part de leur parti ou plus sûrement de leur employeur. Mais en "off", ils sont intarissables sur "Marion" et l'effacement du clivage entre "les droites". Adrien, "sarkozyste" et encarté LR depuis 2012, ne voit tout simplement "aucune différence idéologique entre Laurent Wauquiez et Marion Maréchal". Mais il voit bien une différence de style : "Si on veut gagner, Marion sera meilleure que Wauquiez."
Ces encartés Républicains éblouis par la petite-fille de Jean-Marie Le Pen échangent avec leurs supposés adversaires. On rit, on blague, on boit et on mange ensemble, champagne pour les uns, petits fours pour les autres. L'heure avançant, certains se mettent à rêver tout haut à la mise en place d'un "En marche de droite" et imaginent Marion Maréchal comme la Némésis qui viendra châtier Emmanuel Macron.
À les entendre, la digue patiemment bâtie par leurs aînés entre la droite républicaine et l'extrême droite n'a plus de sens, pas plus que les consignes répétées avec obstination par le président de leur parti, Laurent Wauquiez, et leurs élus : "Pas d'alliance avec le FN." Selon Henri, encarté depuis 2011, "il y a un énorme décalage entre les cadres du parti qui ont été biberonnés à une tradition politique où il y a des lignes à ne pas franchir" et cette génération : "Les jeunes n'ont aucun tabou. Je m'occupe des 16-30 ans dans une circonscription d'Île-de-France, et l'immense majorité est favorable à une union des droites, dit-il. Il y a beaucoup plus de choses qui nous rassemblent que de choses qui nous différencient." "Les jeunes s'en fichent un peu de la direction de LR, confirme Hervé, lui aussi adhérent à LR depuis sept ans. Il n'y a plus ce tabou aujourd'hui avec l'extrême droite… enfin, ce qu'on appelle l'extrême droite."
"On sait depuis le débat de l'entre-deux-tours que Marine Le Pen ne pourra jamais être présidente de la République
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"La majorité des militants est d'accord avec une alliance Wauquiez - Dupont-Aignan - Marion", croit savoir Adrien. Mais "pas avec [Marine] Le Pen", précise-t‑il. Et pas question de quitter Les Républicains pour le Rassemblement national. Parce qu'"on sait depuis le débat de l'entre-deux-tours que Marine Le Pen ne pourra jamais être présidente de la République", dit Louis, sympathisant LR. Parce que "le FN est mort", renchérit Bernard, encarté depuis 2015 et membre du cabinet d'une commune LR d'Île-de-France. À l'entendre, d'ailleurs, son parti ne se porte pas mieux : "C'est malheureux à dire, mais la machine LR est morte, clairement."
"Marion, c'est la Macron de la droite", s'emballe de son côté Aurélie, militante LR parisienne. Comprendre : une personnalité hors parti qui rebat les cartes et transcende le clivage droite-extrême droite. À côté de ceux, nombreux aussi, qui sont séduits par Emmanuel Macron, "une partie des jeunes de droite ont cristallisé sur Marion tous leurs désirs politiques, constate Paul, encarté LR depuis 2007. Elle est vécue comme une héroïne politique. Il faut dire qu'elle est plus sexy que Wauquiez…"
Des contacts "en sous-marin"
Une fascination qui n'a pas échappé aux troupes de Marine Le Pen, qui voient dans ces jeunes autant de recrues potentielles. Manon Bouquin, membre du conseil national du Rassemblement national, confie ainsi que la direction de son parti l'encourage à rencontrer et à parler à ces jeunes LR. "On a beaucoup plus de points communs que de différences, répète-t‑elle comme un mantra. On est de la même rive." "Il n'y aura pas de fusion des partis, mais il faut qu'on parle avec la base des Républicains. On peut en absorber une partie", se prend à rêver Jordan Bardella, directeur national du FNJ et porte-parole du Rassemblement national.
Et les barrières tombent d'autant plus facilement que, discrètement – "en sous-marin", disent-ils –, des contacts informels se nouent déjà depuis plusieurs années entre jeunes FN et jeunes LR. "À chaque afterwork où on parle de politique, il y a des gens LR et des gens FN, témoigne Bernard. C'est un mouvement qui se construit par la base." Collaborateur d'un député LR, Jacques évoque son "amitié" avec ses homologues RN. "On a les mêmes envies, les mêmes ambitions." Ils lisent Valeurs actuelles, sont amis sur Facebook et "likent" les mêmes articles. "L'aspect générationnel rend la discussion beaucoup plus facile : on fréquente les mêmes bars, on va aux mêmes soirées, on étudie aux mêmes endroits, on a les mêmes livres de chevet", souligne Jordan Bardella.
En 2015, un réveillon organisé chez une militante frontiste en présence de militants des deux partis avait déjà défrayé la chronique. "Les gars de l'UMP étaient très virulents. Certains faisaient des saluts nazis. On avait dû leur demander d'arrêter", se souvient l'une des participantes. Jordan Bardella et Florian Philippot, à l'époque vice-président du FN, célébraient alors la nouvelle année avec notamment Pierre Gentillet, proche de Thierry Mariani et désormais président du cercle Pouchkine, un groupe d'influence prorusse. "Pierre Gentillet? Il est toujours dans les environs", s'amuse aujourd'hui un jeune frontiste. S'il a quitté l'UMP en octobre 2015, il joue toujours le rôle d'intermédiaire entre les deux camps.
Porosité et ambiguïtés
Aujourd'hui, les jeunes LR et RN parisiens se côtoient dans les mêmes bars : au Pub Saint-Michel, à la Cave Saint-Germain et au Chai Antoine, dans les 5e et 6e arrondissements. "On passe des soirées ensemble, entre amis. On sort dans des bars identifiés comme étant de la sphère patriote. Si on va dans ces endroits-là, on sait que l'on va forcément croiser des jeunes LR ou FN", explique un ex-cadre des jeunes frontistes. "Il y a souvent des soirées, confirme une ancienne militante FN. Parfois, il y a même l'Action française qui se joint au groupe."
C'est d'ailleurs au Pub Saint-Michel, quartier général du FNJ, qu'a été organisée le 8 novembre la soirée de lancement des Jeunes avec Wauquiez (JAW). Le mouvement mené par Aurane Reihanian, poulain et conseiller technique de Laurent Wauquiez au conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes, avait privatisé le premier étage. Au même moment, des jeunes du FNJ occupaient le rez-de-chaussée. De quoi faire râler l'organisateur, l'avocat Paul Nafilyan, responsable à l'époque des JAW de Paris, inquiet que cette proximité soit épinglée par la presse. De fait, elle fut repérée par les caméras de Quotidien, l'émission de la chaîne TMC. Six mois plus tard, le jeune avocat, déçu, a pris ses distances avec le militantisme. Mais lui aussi plaide pour un "dialogue" avec le RN. "Je ne comprends pas le discours du “oui mais non” : oui, on dit que l'immigration est un sujet primordial, mais, non, on ne veut pas dialoguer avec d'autres partis qui le disent aussi. Ce n'est pas cohérent, estime-t‑il. Nous partageons certains combats et pouvons avoir les mêmes propositions. Pourquoi ne pas échanger?" Un point de vue largement partagé selon lui : "Il y a bien la moitié des jeunes qui ne portent pas sur Marion Maréchal un jugement défavorable", évalue-t‑il.
"Le FN est aux antipodes de nos valeurs
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"Je suis et j'ai toujours été opposé à une alliance avec le FN. C'est la position de LR et elle nous honore, car le FN est aux antipodes de nos valeurs", affirme de son côté Aurane Reihanian lorsqu'on l'interroge sur cette porosité entre jeunes RN et jeunes LR. À 25 ans, il est aujourd'hui membre de la direction provisoire des Jeunes LR nommée le 25 avril par Wauquiez. Il est surtout considéré comme favori pour l'élection du nouveau président des Jeunes qui se tiendra en octobre. En décembre, il avait pourtant provoqué un tollé après avoir évoqué dans Libération ces enfants nés de PMA qui "ne devraient même pas exister", puis déclaré dans Mediapart : "La première génération de musulmans, ils ont bossé. Ils ne brûlaient pas des voitures comme leurs enfants." Depuis, il s'est excusé et est rentré dans le rang. "À titre personnel, [le RN] est à l'opposé de ce que je suis – un enfant d'immigré – et de ce que je défends – le mérite républicain", explique-t‑il.
Il y a quatre ans pourtant, il semblait dans un tout autre état d'esprit, selon Gaëtan Dussausaye, porte-parole en 2014 du candidat FN Wallerand de Saint Just pour les municipales à Paris et tête de liste FN dans le 11e arrondissement. "Il avait pris contact avec moi fin 2013. Il avait formulé le souhait d'être investi tête de liste FN à Paris pour les municipales, affirme-t‑il. Mais il n'était pas FN, il sortait un peu de nulle part, on a refusé." Interrogé, Aurane Reihanian dément : "C'est totalement faux et je ne l'ai jamais envisagé." Finalement, l'étudiant en droit à l'université de Panthéon-Assas convaincra le candidat UMP dissident Charles Beigbeder de lui confier la tête de liste de son mouvement Paris libéré dans le 13e arrondissement. Score : 1,74%. Le soir de sa défaite, il se félicitera dans un tweet d'avoir "fait reculer le Front national" dans son arrondissement.
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