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"Crucifier les laïcards" ? Pour Bianco, "Charlie Hebdo" dit "bien pire"
Jean-Louis Bianco est revenu ce vendredi sur la tribune qu'il a co-signée avec le rappeur Médine. SIPA et capture d'écran Youtube

"Crucifier les laïcards" ? Pour Bianco, "Charlie Hebdo" dit "bien pire"

Laïcité

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Invité ce vendredi par la matinale de France Culture pour “vider la querelle” sur la laïcité, Jean-Louis Bianco a remis dix sous dans la machine, en comparant les dessins de "Charlie Hebdo" sur les religions à cette phrase du rappeur Médine dans sa chanson “Don’t Laïk” : “Crucifions les laïcards comme à Golgotha”.

Relativiser, c'est excuser. Manuel Valls aurait pu décliner sa philosophie en écoutant Jean-Louis Bianco ce vendredi matin sur France Culture. Le président de l’Observatoire de la laïcité était invité par la matinale pour “vider la querelle”, selon la terminologie utilisée par le journaliste, qui agite la gauche depuis plusieurs semaines. Elisabeth Badinter vs Nicolas Cadène, propos de Pascale Boistard sur les droits des femmes... les deux sont donc revenus longuement sur les différents épisodes de la polémique.

Premier sujet abordé : la fameuse tribune “Nous sommes unis”, que Jean-Louis Bianco a cosignée au lendemain des attentats du 13 novembre dans Libération, dont plusieurs signatures ont fait polémique jusqu’à provoquer ce rappel à l’ordre de Manuel Valls le 18 janvier : “On ne peut pas signer des appels, y compris pour condamner le terrorisme, avec des organisations que je considère comme participant d'un climat (nauséabond), ça n'est pas possible”.

Sur France Culture, Jean-Louis Bianco est interpellé sur un signataire en particulier : le rappeur Médine. Dans sa chanson “Don’t Laïk” celui-ci prononce notamment cette phrase : “Crucifions les laïcards comme à Golgotha. Réaction du président de l’Observatoire de la laïcité, une fois précisé qu’il ne connaissait pas le chanteur avant de signer cette tribune : “Ce qu’il dit là ne me plaît pas, me choque". Ouf. Et de répéter son argument fétiche à ce sujet : “L’intérêt c’est d’avoir une tribune où des tas de gens, y compris qui sont loin de ce que moi, par exemple, je pense, disent : 'on est contre le terrorisme'”. Soit.

"Charlie Hebdo dit bien pire pour les catholiques, pour les musulmans, pour les intégristes"

Sauf que le discours se gâte sérieusement ensuite, quand le journaliste suggère que les propos de la chanson pourraient éventuellement être délictueux. Réponse : “Si on estime que c’est condamnable… 'Charlie Hebdo' dit bien pire, 'Charlie Hebdo' dit bien pire pour les catholiques, pour les musulmans, pour les intégristeset ils ont bien le droit de le dire on est dans un régime de libertés”. Le journaliste tente tout de même : “Cette chanson est en quelque sorte un appel à la haine...” “Ecoutez, je ne le crois pas”, tranche le président de l’Observatoire de la laïcité.
Problème : si Charlie Hebdo s’en est effectivement toujours donné à coeur joie pour tourner en dérision les religions et dénoncer les extrémismes, Médine va plus loin en appelant à "crucifier les laïcards". Ce dont il s’explique en ces termes sous son clip sur YouTube : “Ici, il est important de distinguer Laïcisme de Laïcité. Le Laïcisme est une version dévoyée de la laïcité. Ma critique s’adresse à cette dérive exclusive, qui se drape dans la notion d’égalité en stigmatisant le religieux”. Dont acte. Mais le rappeur en faisant cette distinction, et Jean-Louis Bianco en ne le condamnant pas, oublient simplement un petit détail : c’est justement parce qu’ils étaient considérés par des illuminés comme de dangereux "laïcards", dévoyant la laïcité pour stigmatiser l’islam, que les dessinateurs de Charlie ont été crucifiés. A la kalach.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne