Transports, emplois, ordures : le vrai du faux du bilan de Gaudin

Transports, emplois, ordures :  le vrai du faux du bilan de Gaudin
Jean-Claude Gaudin (ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP)

Elu pour la première fois maire en 1995, Jean-Claude Gaudin espère, à 74 ans, rempiler. Pour y parvenir, il mise sur son bilan. Décryptage.

Par Fériel Alouti
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Jean-Claude "Toutvabien". C'est le surnom donné à Jean-Claude Gaudin par son adversaire socialiste Patrick Mennucci. Un surnom que le maire de Marseille ne supporte pas, comme il ne supporte pas le “Marseille bashing” qui consiste, selon lui, à dénigrer en permanence sa ville et, par la même occasion, à minimiser son action à la tête d'une ville qu'il dirige depuis 1995. Ce jeudi soir, lors de son dernier grand meeting de campagne, le maire sortant devrait pester une énième fois contre ce concept de "journaliste".  Mais après trois mandats, son bilan est évidemment un thème central de la campagne. Décryptage sur le mode vrai/faux de ce que le maire et son équipe annoncent avoir réussi. 

"Marseille n’est pas une ville profondément endettée"

Faux. Marseille est la ville la plus endettée parmi les villes de plus de 200.000 habitants, si l’on considère la dette par habitant, estimée en 2013 à 1,8 milliard d’euros, soit 2.103 euros/hab, largement au dessus de la moyenne nationale (1.080 euros/hab). Une somme à laquelle s’ajoutent, cette année, les 103 millions d'euros dus à la rénovation et l'agrandissement du stade Vélodrome. Le remboursement de la dette s’élève ainsi à 58 millions d’euros par an, soit 6% du budget municipal. Selon un rapport de la Chambre régionale des comptes (CRC), publié en octobre 2013, "le niveau élevé de charges financières et d’endettement constitue toujours un des problèmes majeurs de la collectivité". "La situation financière reste préoccupante en raison notamment de l'absence d'autofinancement, relève la CRC. La Ville continue d'investir au-delà de ses moyens financiers." Petite note positive, cette dette ne présente globalement pas de risque malgré trois emprunts bancaires.

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"Nous n’avons pas cessé de faire reculer le chômage et avons créé 40.000 emplois privés"

Vrai et faux. Depuis la première élection de Jean-Claude Gaudin en 1995, le taux de chômage a effectivement reculé. De 17,5% en 1999, il est tombé, selon l’Insee, à 13,3% au dernier semestre 2013 ce qui reste bien supérieur à la moyenne nationale (10,4%). A noter que ce taux concerne la zone d’emploi Marseille-Aubagne dans laquelle Marseille pèse deux tiers. Si l’on se réfère à la promesse électorale de Jean-Claude Gaudin faite en 2008 de "faire baisser graduellement le chômage sous la barre des 10%, puis 8% et encore moins", la crise étant passée par là, l’équipe sortante n’a pas atteint son objectif. Surtout que le pouvoir municipal a finalement peu de maîtrise direct sur le marché de l’emploi.
En ce qui concerne la création d’emplois, le maire sortant avance toujours les mêmes chiffres: depuis 1995, “40 000 emplois privés supplémentaires”, “20 000 entreprises nouvelles” dont “13 000 emplois créés avec les zones franches”. Mais, selon l’économiste Philippe Langevin, “la création d’entreprises ne signifie pas forcément la création d’emplois. Nombre de personnes en difficulté créent leur propre entreprise qui n’est souvent pas pérenne”.

"Le maire n'est responsable de l’enlèvement des ordures mais la communauté urbaine"

Vrai. Depuis la création de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole (MPM), en 2000, la gestion des déchets n’est plus gérée par la municipalité. Un changement de prérogative qui permet à Jean-Claude Gaudin de renvoyer la responsabilité de la mauvaise propreté de la ville à celui qui, depuis 2008, préside la communauté urbaine, à savoir le socialiste Eugène Caselli. Sauf que les rues de Marseille étaient aussi sales lorsque Jean-Claude Gaudin dirigeait MPM (2000-2008). "Vous pouvez tenir une grève de la RTM [les transports] pendant un mois, je l’ai fait, mais vous ne tenez pas huit jours sur l’enlèvement des ordures ménagères", se justifie-t-il. Que ce soit sous la droite ou la gauche, la communauté urbaine n’a jamais supprimé le "fini-parti". Cette pratique qui permet aux éboueurs marseillais de quitter leur travail une fois leur tournée de ramassage des ordures achevée est, pour beaucoup, la principale cause de saleté.

"A mon arrivée, il y avait 90 policiers municipaux, aujourd’hui, il y en a 435"

Vrai. Même si Jean-Claude Gaudin n’a de cesse de répéter que "ce n’est pas le maire qui est responsable de la sécurité des personnes et des biens mais l’Etat", l’élu a renforcé ses effectifs policiers. Le dernier renfort portait sur 100 policiers supplémentaires. Longtemps opposé à leur armement, l’année dernière, Jean-Claude Gaudin a finalement accepté d’équiper la police municipale d’armes non létales, type flash-ball et pistolet à impulsion électrique. Avec l’installation de 300 caméras en centre-ville, la municipalité mise également sur la vidéosurveillance et annonce équiper rapidement les noyaux villageois.

"Au total, nous avons 15.000 places en crèche"

Faux. Le rapport de la chambre régionale des comptes relève un “écart” entre les données communiquées par la Ville (14.772 places d’accueil disponibles au 31 décembre 2011) et celles recensées par la chambre (10.532 places pour les enfants de moins de trois ans). L’institution précise également que la "progression constante" de l’offre d’accueil entre 2008 et 2011 est essentiellement due à l’augmentation de la capacité des crèches associatives et privées. Les crèches municipales ont seulement accru leur capacité d’accueil de 65 places entre 2008 et 2012 et "laisse subsister de fortes disparités territoriales".
Plus globalement, le bilan de la municipalité en terme d’éducation est insuffisant. Le taux de non-diplômés parmi les plus de 15 ans ayant quitté l’école est, à Marseille, de 24% et atteint les 39% dans les quartiers nord. Selon l’OCDE, les problèmes d’éducation expliquent en partie le sous-emploi puisque le taux de chômage des jeunes est particulièrement élevé (20,8% des 15-29 ans). "Le problème est que les demandeurs d’emploi ne sont pas qualifiés alors que les offres le sont, indique l’économiste Philippe Langevin. A Marseille, la plupart des emplois occupés, notamment dans le secteur 'EuroMéditerranée', le sont par des gens de l’extérieur qui viennent de Paris, Lyon ou Bordeaux."

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"Sous ma présidence, nous avons réalisé 12,5 km de tramway et 3 km de métro"

Vrai. Mais l’offre reste insuffisante pour que la deuxième ville de France, deux fois et demie plus grande que Paris, rattrape son retard. La politique des transports ne favorise pas assez les liaisons entre le nord, le centre et le sud de la ville. L’objectif du projet de métropole Aix-Marseille, auquel souscrit Jean-Claude Gaudin, est également de développer l’offre de transports à l’échelle du territoire de la métropole pour favoriser la croissance de l’emploi. Car selon l’OCDE, "77% de la population habitant en zone péri-urbaine n’a aucun accès aux transports publics, 14% de la population a une accessibilité limitée et 2% seulement à une accessibilité élevée". Dans son bilan, le maire de Marseille souligne également la construction, depuis 1995, de cinq tunnel urbains pour fluidifier la ville la plus embouteillée de France.

"Il faudrait être aveugle pour ne pas voir comment Marseille s’est transformée"

Vrai. Et "Marseille, capitale européenne de la culture" y est pour beaucoup. Six millions de visiteurs, 400 événements culturels, plus de 600 millions d’euros d’investissements privés et publics en infrastructures et 12 équipements culturels rénovés ou construits tels que le désormais célèbre MuCEM. A l’époque, même si Jean-Claude ne croit pas vraiment en ce projet, le conseil municipal vote en 2004 pour présenter la candidature de Marseille. Même si la programmation des lieux culturels a parfois été jugée décevante, l’année "capitale" a indéniablement boosté l’image et l’offre culturelle de la deuxième ville de France.
Jean-Claude Gaudin aime également répéter l’importance jouée par “EuroMéditerranée” dans la transformation de la ville. Mais cet immense projet de rénovation urbaine n’a pas été lancé par sa municipalité mais par celle de Robert Vigouroux, en 1995 avec le soutien de l’Etat.

Feriel Alouticorrespondante du "Nouvel Observateur" à Marseille

Fériel Alouti
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