Moyen-Orient Au Qatar, la ferme aux 10 000 vaches

Soumis au blocus de son voisin saoudien qui le fournissait en produits laitiers, le Qatar a décidé il y a un an de se lancer dans sa propre production. L’émirat gazier vise l’autosuffisance en lait.
À Umm Al-Hawaya, Qatar, Xavier FRERE - 10 juin 2018 à 05:00 - Temps de lecture :
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À « Baladna » (« notre pays ») il y a quelques jours. 45°C à l’extérieur, température clémente à l’intérieur pour les vaches.  Photo X. F.
À « Baladna » (« notre pays ») il y a quelques jours. 45°C à l’extérieur, température clémente à l’intérieur pour les vaches. Photo X. F.

Le Qatar, premier exportateur mondial de gaz naturel liquéfié – ce qui en fait l’un des États les plus riches du monde – pourrait-il devenir, dans quelques années, l’un des premiers producteurs de… lait au monde ? Ce n’est pas forcément un mirage. Le défi fou, lancé il y a un an à travers la ferme de Baladna, montre qu’aucune limite ne semble pouvoir freiner les investissements et projets qatariens (lire par ailleurs).

Le 5 juin 2017, le blocus imposé au Qatar par l’Arabie Saoudite, les Émirats Arabes Unis, le Bahreïn et l’Égypte a obligé le petit émirat à envisager des alternatives. En premier lieu, une indépendance, notamment pour son alimentation, importée à 80 %, et majoritairement de Riyad.

Des vaches de Hongrie et des États-Unis

Baladna, à 60 km au nord de la capitale Doha, n’est alors qu’une ferme qui accueille des chèvres. Un an plus tard, au cœur de cette langue désertique du golfe persique, se trouve un vaste empire laitier : 240 hectares, près de 10 000 vaches, avec l’objectif d’atteindre 20 000 têtes à la fin de l’année. Les premières sont arrivées de Hongrie par pont aérien, les suivantes des États-Unis, par voie maritime.

Les meilleurs spécialistes du monde

«  C’est désormais la plus grande ferme du Moyen-Orient, en un an seulement , décrit Peter Weltevrede, le directeur néerlandais de l’établissement. Mais plus qu’une ferme, c’est une expérience.  » Un défi à la nature, à l’environnement aussi. Le thermomètre atteint 45°C à l’extérieur. Dans les hangars, les bovins, aspergés d’eau, vivent à température « européenne ».

Puis loin, les engins de traite, hyperperformants et acheminés depuis l’Europe, tournent à plein régime jour et nuit : la production de lait quotidienne atteint 130 000 litres. Le Qatar n’a pas lésiné sur les moyens pour attirer les meilleurs spécialistes du monde dans le domaine de la nutrition et de la santé des bovins en milieu chaud et humide. «  Nos vaches sont vaccinées, doivent être bien nourries et se sentir à l’aise ici.  » Voici les trois règles d’or de Peter Weltevrede.

Les mesures d’hygiène, à travers des «  protocoles de bio-sécurité  », sont drastiques. Le nombre d’employés a grimpé en flèche : ils sont près d’un millier aujourd’hui, originaires d’Asie du Sud-Est et souvent accueillis dans des conditions précaires. Les mêmes travailleurs, à quelques kilomètres de là, bâtissent les futurs stades de la Coupe du Monde 2022.

Au sein de la ferme, qui va encore grandir en 2018 et se diversifier (yaourt, fromage…), Baladna, fierté nationale, accueille un parc de loisirs familial. De fausses vaches sont décorées. L’une d’elles arbore une robe de Superman. Comme le symbole d’un micro-État qui s’est élevé, diplomatiquement et financièrement, au rang de superpuissance.

130 000 C’est, en litres, la quantité de production de lait quotidienne. Sur un terrain de 240 hectares en plein désert, près d’un millier d’employés s’occupent des 10 000  vaches, avec l’objectif d’atteindre 20 000 têtes à la fin de l’année.