La France compterait 8 500 décharges sauvages. Parmi elles, celle de Dollemard, tout près du Havre. Pendant cinquante ans, des camions sont venus y déverser leurs bennes à flanc de falaise. Au total, 3 millions de mètres cubes de déchets sont ainsi venus se greffer dans la roche et menacent désormais de se déverser dans la Manche. La dépollution du site, très difficile d’accès, va faire l’objet d’une étude largement financée par l’État.

Des gravats, des blocs de béton, des transformateurs électriques, des poutres métalliques, des sacs plastique, et même des pierres tombales, à flanc de falaise. Autant de déchets qui pourraient sombrer dans la Manche d’ici quelques décennies. Au total, la décharge sauvage de Dollemard, à deux kilomètres seulement du Havre, a englouti 3 millions de mètre cubes de déchets. Principalement issus du BTP, ils ont été jetés du haut de la falaise pendant près de 50 ans, jusqu’à sa fermeture officielle en 2000.   
"Un gros coup de vent, un coefficient de marée élevé et une dépression très creusée pourraient entraîner des centaines de tonnes de déchets à la mer", alerte Jean-Philippe Lacoste du Conservatoire du littoral. Déjà, chaque année, de 30 à 80 mètres cubes de plastique se retrouvent au large. Et en 1998, un éboulement a emporté 50 000 mètres cubes de déchets directement dans la mer. "Mais depuis vingt ans, tout le monde détourne pudiquement les yeux", dénonce le délégué de Rivage Normandie.  
Des traceurs jusqu’à Dunkerque  
La décharge a été créée à la fin de la guerre lors de la reconstruction de la ville à une époque où la mer était considérée comme une poubelle. Elle a accumulé quelques 400 000 tonnes de déchets, principalement inertes, qui sont venus se déposer dans chacune des parties plates de la falaise et s’incruster dans la roche. Des propriétaires louaient l’accès à leurs terrains à des entreprises du BTP pour qu’elles puissent venir y décharger leurs déchets.  
Il y a eu jusqu’à une vingtaine de décharges de ce type dans le pays de Caux, du Havre à Étretat (Seine-Maritime), certaines municipalités fermant les yeux car elles estimaient que ces déchets pourraient combler les éboulements naturels des falaises. Dans les années 90, les Verts avaient tenté de porter plainte. Ils avaient photographié des camions et constitué des listes d’entreprises à épingler. En vain. L’amende encourue à l’époque était de 75 francs, soit un peu plus de 10 euros… pas de quoi dissuader les pollueurs.  

"Il y avait un fabricant de limonades au Havre qui consignait ses bouteilles, raconte Danièle Leroy, la présidente de l’association Écologie pour le Havre. On retrouve ses bouchons jusqu’à Dunkerque. Ils servent de traceur !" Son association s’est alliée à d’autres ONG telles que Surfrider, Sea Mer Asso ou encore SOS Mal de Seine pour appeler les pouvoirs publics à se saisir de la question. La tempête Eleanor de janvier dernier a réveillé les consciences en ramenant de nouveaux déchets sur les plages.  
Une décharge très difficile d’accès   
Localement un comité de pilotage vient également de se constituer. "La ville du Havre s’est toujours battue pour faire fermer cette décharge", assure un porte-parole de la municipalité. "Nous avons envisagé de retrouver les entreprises responsables, mais elles n’existent plus. De même, il est difficile de se retourner vers les propriétaires terriens qui seraient de toute façon bien en peine de financer la dépollution." En 2011, la ville avait commandité une étude pour dresser un état des lieux sur les risques sanitaires liés à la décharge et dessiner plusieurs scénarios de dépollution.
La remise en état avait alors été évaluée à une vingtaine de millions d’euros. Mais surtout les experts craignaient une déstabilisation de la falaise en cas d’excavation et un effondrement des déchets dans la mer. Une nouvelle étude va être lancée au 1er semestre 2019 pour envisager les solutions techniques à la dépollution du site et sa faisabilité opérationnelle. Le 29 mai dernier, le ministère de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, a fait savoir que l’État la financerait à hauteur de 70 %.  
Le Havre soutient également un chantier d’insertion, Aquacaux, qui se rend trois à quatre fois par mois à Dollemard pour ramasser – à dos d’homme – les déchets susceptibles de tomber dans la mer. Une à deux tonnes sont collectés chaque année. Car pour compliquer encore les choses, il est important de préciser que la plage – de galets – n’est accessible qu’à pied, après avoir marché 2,5 kilomètres par des chemins tortueux et glissants. "Il y aurait en France quelques 8 500 décharges sauvages mais aucune n’a la taille, le volume, ni les difficultés d’accès de celle de Dollemard", précise Jean-Philippe Lacoste.
Concepcion Alvarez, @conce1

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