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TURQUIE

"Nous avons été torturés" : des lycéens turcs victimes de violences policières lors d'une manifestation à Istanbul

Un des manifestants a eu le bras cassé lors de son arrestation par la police turque.
Un des manifestants a eu le bras cassé lors de son arrestation par la police turque.
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Dans une avenue passante d’Istanbul, 50 lycéens ont tenté de manifester contre le gouvernement, le 8 juin dernier. Dépourvus d’autorisation, ils ont été roués de coups par les forces de l’ordre et détenus plusieurs heures. Notre Observateur affirme que lui, et 20 de ses camarades arrêtés, ont subi des actes de torture. Filmées en direct par des témoins, ces violences policières font depuis scandale en Turquie.

Depuis la tentative de coup d’État du 15 juillet 2016, le droit de manifester a été considérablement restreint en Turquie. En outre, plus de 78 000 personnes ont été arrêtées, dont 319 journalistes, rapporte le site Turkey Purge, qui tient un registre sur les victimes des purges qui ont suivi. Alors que l'élection présidentielle du 24 juin approche et que le climat politique se tend, un groupe de jeunes a décidé de manifester contre le gouvernement et sa politique en matière d'éducation jugée injuste.

"Nous ne nous attendions pas à un tel déchaînement de violence"

Notre Observateur Mert Eryiğit, jeune lycéen stambouliote de 15 ans, membre de l’organisation Dev Lis (marxiste-léniniste), a co-organisé cette petite manifestation dans le district de Kadiköy, à Istanbul.

 

Nous avons organisé avec plusieurs groupes lycéens marxistes-léninistes et anarchistes cette manifestation contre le gouvernement, le jour où les jeunes reçoivent leur bulletin scolaire. Pour montrer que la jeunesse turque souffre et que le système éducatif est injuste.

"Nous demandons une éducation gratuite, en langue maternelle, égalitaire et basée sur la science", a détaillé un autre manifestant, Çağdaş Onur Ekinci, à la rédaction des Observateurs de France 24. Vidéo filmée en direct lors de la manifestation sur l'avenue Bahariye, devant l'opéra de Sürreyya.

Notre objectif était de marcher pacifiquement à travers Kadiköy, mais les policiers nous en ont empêchés. Ils sont devenus violents quand nous leur avons dit que nous marcherions dans tous les cas. Ils nous ont attaqués dans la rue et ont arrêté 21 d’entre nous, ainsi qu’un journaliste. La violence a décuplé une fois dans le fourgon, où nous sommes restés près de sept heures.

"J'estime que nous avons été victimes de torture"

"J’ai reçu plusieurs coups au visage et les policiers n’ont pas laissé mes amis m’aider. Ils nous disaient : "On va vous emmener à l’hôpital tout en vous électrocutant", a raconté Çağdaş Onur Ekinci. Dans cette vidéo publiée par l'avocat des manifestants, les coups de matraque portés aux jeunes sont clairement visibles.

J’ai reçu des coups de matraque et des électrochocs. Ils nous ont insultés, ont insulté nos mères et ont proféré des insultes racistes contre ceux d’entre nous appartenant aux minorités alévies [branche hétérodoxe de l’islam] et kurdes. Ils ont aussi essayé de fouiller intégralement une lycéenne mineure, en la déshabillant. Mais nous avons réussi à les en empêcher.

Un des manifestants est sorti de l'hôpital, puis du commissariat, avec le bras dans le plâtre.

Ils nous ont ensuite emmenés à l’hôpital, comme la procédure l’exige. Là, les docteurs ont soigné un camarade qui avait le bras cassé, ou un autre qui avait trois fractures au crâne. Je m’en suis personnellement sorti avec des contusions sur le dos. Nombre d’entre nous se sont évanouis et réveillés recouverts de sang. J’estime à ce titre que nous avons été victimes de torture.

L'arrivée des manifestants à l'hopital, filmée par des témoins.

La blouse que portait notre Observateur lors de la manifestation, ici couverte de nombreuses tâches de sang.

 

"Les policiers nous ont accusés d'appartenance à une organisation terroriste"

Nous avons ensuite été interrogés et détenus au commissariat. Là-bas, ils nous ont demandé qui nous avait "fait faire" cette manifestation. Nous leur avons répondu que nous l’avions organisée nous-mêmes, en tant que lycéens. Mais ils ne nous croyaient pas, ils nous ont accusés d’appartenir à une organisation terroriste.

Ils nous ont dit que nous ne changerons jamais le système et que nous devrions abandonner. Ils nous ont menacés et nous ont dit que si nous continuions à manifester, nous finirions en prison. Ensuite, nous avons été détenus pendant une heure avant d’être finalement libérés dans la soirée.

Photos des jeunes à leur sortie du commissariat, publiées sur Twitter par leur avocat.

En organisant cette manifestation, nous savions que les policiers n’allaient pas être sympathiques, mais nous ne nous attendions pas à un tel déchaînement de violence. Nous avons pris ce risque parce que nous voulions nous faire entendre. Je pense que si les policiers ont été si durs envers nous, bien qu’ils aient sûrement des enfants de notre âge, est qu’ils ont peur de nous. Parce que nous n’avons pas peur de les critiquer.

Sur les réseaux sociaux turcs, un hashtag de soutien aux lycéens, #KadıköydeİşkenceVar ["il y a de la torture à Kadiköy"], a été partagé plus de 170 000 fois.

L’organisation de défense des droits de l’Homme Amnesty international a par ailleurs demandé aux autorités turques de mener une enquête "rapide, impartiale, indépendante et efficace" sur ces allégations de torture et de poursuivre les policiers impliqués en justice. Ce mardi 12 juin, ce sont les lycéens arrêtés qui faisaient face au tribunal, accusés d’avoir enfreint la loi sur les réunions et manifestations publiques.

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