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Migrants et passeurs : l'exil en Smartphone

Ils sont arrivés en Europe quasiment sans bagages, juste équipés d’un portable. Leur souci permanent : trouver un chargeur et du réseau.
Ils sont arrivés en Europe quasiment sans bagages, juste équipés d’un portable. Leur souci permanent : trouver un chargeur et du réseau. © Fabrice Karra
La Rédaction

Vous voulez quitter votre pays en guerre ? Connectez-vous sur la Toile. Du « meilleur » passeur à l’itinéraire « idéal » avec les frontières « faciles », en passant par les prix des bateaux et les « bonnes » cartes Sim, vous obtenez, en temps réel, le coût de votre voyage. Un ingénieur en management a interrogé des dizaines de réfugiés sur l’île de Kos, en Grèce, calculé le rapport de ce juteux commerce pour les passeurs et leurs fournisseurs. Le résultat : un chiffre d’affaires de 1 milliard d’euros pour ce business du trafic humain. Rencontre avec un observateur actif qui veut garder l’anonymat.

Facebook, Viber, WhatsApp... les sésames de la fuite

Alors que le réseau de Mark Zuckerberg est accusé de siphonner nos données personnelles , sait-on qu’il permet aussi à des mafieux de s’enrichir sur la misère humaine ? D’un simple clic, on peut y trouver des annonces de passeurs proposant leurs prestations pour candidats à l’exil des côtes turques à l’Europe. Toutes sortes de bateaux, à toutes conditions, à tous les prix. Avec, parfois, des réductions pour enfants. Voilà ce qu’a découvert fortuitement un ancien consultant en management, parti en Grèce se livrer à l’une de ses passions, la photo. Devant la masse des réfugiés débarquant sur la petite île de Kos en cette fin d’été 2015, il a voulu savoir comment ces milliers d’hommes et de femmes s’y étaient pris. Beaucoup lui répondaient : « Facebook. » L’homme n’est pas journaliste, et préfère garder l’anonymat – la mafia des smugglers (passeurs, contrebandiers d’êtres humains) n’ayant rien d’enfants du bon Dieu. Mais interpellé par l’hallucinante facilité du système et sa totale impunité, il a pris le temps d’y regarder de plus près une fois de retour chez lui. En tant qu’intervenant régulier en fac d’économie, il s’est intéressé à l’aspect financier du système : juteux. En tant que citoyen, il a tout naturellement été choqué. Mais était-ce à lui de lever le lièvre ? Les récentes révélations sur Facebook l’ont décidé à nous raconter ce qu’il a observé, preuves à l’appui. Si le célèbre réseau veut vraiment se refaire une virginité, il lui reste beaucoup à accomplir.

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DES PUBS COMME UNE AGENCE DE VOYAGES Les passeurs donnent leurs tarifs. Un vol d’Athènes en Europe : 5 000 euros !
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Paris Match. Comment avez-vous approché ces migrants partis de Turquie ?
De nuit car, dans la journée, il ne se passe rien. Les touristes bronzent sur les plages nettoyées par le personnel des hôtels. Mais de minuit à 8 heures du matin, c’est un flot – du moins à cette période – ininterrompu de réfugiés qui y débarquent.

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Vous parlez de 200 à 300 personnes par nuit...
Au minimum. Mais ça peut aller jusqu’à 800. Ça dépend de beaucoup d’aléas, dont bien sûr la météo. Ces gens ont fait la traversée sur des bateaux fournis par des passeurs. Ceux-ci les regroupent dans les environs de Bodrum, les font monter à bord en remplissant un maximum les embarcations – beaucoup doivent abandonner sacs et valises –, leur montrent rapidement comment actionner le moteur et vers où se diriger. Autant dire qu’il y en a qui mettent deux heures, d’autres, douze heures parce qu’ils se sont paumés, que le moteur est tombé en panne, qu’il a fallu ramer... Sans oublier que, la plupart du temps, ils sont entassés à 50 sur des canots conçus pour 10, ce qui ne facilite pas la progression.

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Quand ils touchent la terre de Kos quelle est leur réaction ? La peur d’être refoulés ?
Non ! Le soulagement. Trois mille personnes sont mortes dans ces eaux, et eux sont vivants ! Ils sourient, j’en ai même vu se prendre en selfie, car le Smartphone est l’incontournable viatique de cette épopée. D’autres, éprouvés par la traversée, s’étendent, se reposent, réalisent – “Ouf, je suis arrivé” – ou remercient Dieu. Pour certains, ils découvraient la mer. Une nuit, j’ai vu un homme embrasser son téléphone en arrivant. Il fuyait Raqqa, occupé par l’Etat islamique, où il était taxi. En fond d’écran, il avait mis l’image de son frère, kurde, tué à la bataille de Kobané contre Daech quelques mois auparavant. Il lui a dédié sa traversée réussie.

Ensuite, connaissent-ils la procédure ?
Oui, d’autres leur ont transmis les infos par WhatsApp. Ils savent qu’ils doivent se faire enregistrer auprès des garde-côtes grecs, une cahute située dans le port de Kos, où leur sera donné un numéro d’arrivée. Procédure mise en place par la police grecque, noyée sous l’afflux des réfugiés, en attendant une enquête plus fouillée qui, elle, durera trois jours, et leur permettra d’obtenir, ou non, le papier les autorisant à acheter un billet pour prendre le ferry pour Athènes. A Kos, tous les soirs vers 19 heures, entre 300 et 400 réfugiés font la queue, prêts à prendre le ferry. Une fois à Athènes, ils fileront vers l’Allemagne via les Balkans.

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Tout est sur Facebook

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Donc vous êtes là avec votre appareil, vous leur parlez ?
Je prends des photos, je leur apporte aussi des bouteilles d’eau, des biscuits, j’essaie de me rendre utile à ma petite échelle, même si des bénévoles, des ONG, sont là pour leur fournir ce dont ils ont besoin. Une nuit où j’accompagne un groupe de Syriens vers la cahute des garde-côtes, je discute avec eux. Il y en a toujours un dans chaque groupe, que ce soit des Irakiens, des Afghans ou des Syriens, qui parle anglais. Je leur demande comment ils ont trouvé leur passeur. Réponse : “Tout est sur Facebook.” Je leur rétorque : “Comment ça, tout ?” Ils poursuivent : “Les annonces pour les bateaux, les pubs des smugglers… On communique avec eux sur Facebook et WhatsApp. Tu peux tout trouver sur Facebook. Même des commentaires pour indiquer aux réfugiés suivants si tel ou tel smuggler est fiable ou pas.”

Comme pour une location sur Airbnb ?
Oui. Je suis interloqué. Trois semaines plus tard, je rentre à la maison et décide de vérifier leurs dires. Je me rends sur Facebook et, à ma grande surprise, moi qui ne parle pas un mot d’arabe, j’arrive en moins de trente minutes à tomber sur ces annonces. Un jeu d’enfant. Sûrement plus aisé encore pour qui n’a pas besoin d’en passer, comme j’ai dû le faire, par la traduction informatique. Je trouve des groupes ouverts, des posts publics, des numéros de smugglers, dont certains, depuis 2015, postent des annonces plusieurs fois par semaine. Je vérifie sur plusieurs mois et constate que les “annonceurs” les plus réguliers ne prennent même pas la précaution de changer de temps en temps leur numéro de téléphone. Ils ne sont pas du tout inquiétés. Tout est clair. L’essentiel des annonces porte sur du smuggling [contrebande] par bateau ou par routes terrestres, voire aériennes, mais il y a aussi des marchands de faux passeports, de faux visas, de faux diplômes, etc. Le tout largement illustré de photos de bateaux, de réfugiés, de passeports... C’est un business en ligne qui ne se cache pas. Les passeurs font même des promos, soit pour les enfants, soit quand la météo est mauvaise, baissant leurs prix pour favoriser le remplissage, comme le ferait une compagnie aérienne.

Mais après les accords de l’Europe avec la Turquie du printemps 2016, n’y a-t-il pas eu un changement ?
Fin mars 2016, quand Angela Merkel a passé un accord avec Erdogan pour qu’il limite le flot de migrants en échange de moyens pour financer les camps de réfugiés en Turquie, les flux via la Grèce se sont quasiment arrêtés. Mais les passeurs ne sont pas restés les bras croisés. Deux jours après, ils proposaient déjà, toujours via Facebook, des traversées directes vers l’Italie. Certains récapitulaient même dans leurs posts les différentes façons terrestres et maritimes de passer en Europe – via la Grèce, la Bulgarie, l’Ukraine ou l’Italie – avec des prix différents selon les routes. Dans la solution “numéro 12”, par exemple, ils proposaient depuis Mersin, port turc proche de la Syrie, un passage en cargo de 110 mètres de long – rassurant pour les réfugiés qui n’ont jamais pris la mer et craignent de se noyer –, avec médicaments, nourriture et billet de train à l’arrivée. Coût : 4 500 euros par personne… La chute soudaine du trafic de la Turquie vers la Grèce après l’accord prouve par l’absurde que les autorités laissaient faire avant.

Et cela a continué ensuite ?
Si le flux n’a plus été aussi important que durant le pic des années 2015-2016, il ne s’est jamais complètement tari. En ce début 2018, il y a moins d’annonces de passeurs sur Facebook mais elles sont toujours “en clair” comme avant, et régulières.

Un trafic juteux

En professionnel de l’économie, vous avez voulu comprendre combien ce trafic rapportait aux contrebandiers…
J’ai essayé d’évaluer les profits réalisés par ces smugglers en tenant compte de trois choses : 1. Les nombreuses discussions que j’ai eues à Kos avec des dizaines de réfugiés pour savoir combien ils avaient payé, pour quelles “prestations”, combien de gens les prenaient en charge, etc. 2. Une enquête sur Internet pour “sourcer” les bateaux pneumatiques – dont j’avais les photos – et estimer leur prix (notamment en me promenant sur le site chinois de ventes en ligne, Alibaba). 3. En m’aidant de mon habitude de réaliser des business plans pour les entreprises, j’ai pu calculer le “chiffre d’affaires” (1 milliard d’euros) et les profits (850 millions) de la mafia, juste pour l’année 2015 et le trajet Turquie-Grèce en bateau. C’est fiable. J’estime ma marge d’erreur à 20 %.

Et quelle est la part de Facebook dans ce juteux trafic ?
Il faut comprendre que les réfugiés sont une population jeune et faisant partie de la classe moyenne de leur pays d’origine. Ils possèdent quasiment tous des Smartphone, plus indispensables qu’une valise. J’ai vu des gens arriver pieds nus avec pour seul bagage – pour l’exil de leur vie ! – un sac en plastique de supermarché et leur Smartphone. C’est le couteau suisse du réfugié : il permet de communiquer avec la famille restée au pays, d’échanger des tuyaux avec les amis les ayant précédés, de contacter les passeurs. De se repérer sur une carte. De traduire. De revoir les photos de famille. De s’informer pour savoir quelle frontière s’ouvre ou se ferme. C’est une population connectée qui sait manier Facebook, Viber, WhatsApp et en fait un usage important dès lors qu’elle peut recharger et avoir du WiFi.

Et comme les passeurs aussi sont connectés…
Des enquêtes de l’UNHCR (l’Agence des Nations unies pour les réfugiés) montrent que les médias sociaux sont la troisième source pour l’organisation de l’exil (pour 28 % des Syriens). Donc, en appliquant de façon prudente une fourchette basse (soit 10 %) à ce milliard d’euros de revenus, on peut estimer que le “canal de distribution” digital (essentiellement Facebook) a généré au minimum 100 millions d’euros de revenus pour les smugglers, rien que pour ces passages Turquie-Grèce de l’année 2015.

DES MIGRANTS DE LIBYE Ils traversent la Méditerranée sur une barque. Ceux-ci seront sauvés par une ONG.
DES MIGRANTS DE LIBYE Ils traversent la Méditerranée sur une barque. Ceux-ci seront sauvés par une ONG. © Reuters

Ces contrebandiers ont des frais : achat du bateau, gilets de sauvetage, etc.
D’après les photos de bateaux, j’ai pu les évaluer via Internet. Un canot de 9 mètres coûte entre 800 et 1000 dollars. Or c’est le prix que paie un seul passager. Le moteur qu’ils doivent acheter en plus, dans les mêmes prix, est lui aussi rentabilisé par un seul passager. Si vous considérez les quelque 15 000 pneumatiques de 9 mètres qui ont débarqué sur les côtes de Grèce en 2015, vous imaginez le profit… Et je compte large : je me base sur le prix de bateaux et de moteurs neufs, ce qui n’est pas toujours le cas. Et mes prix sont à l’unité : vu l’importance de leurs commandes, les passeurs doivent les avoir à beaucoup moins cher.

Vos photos montrent qu’il y a toutes sortes de bateaux, des caïques, des Chris-Crafts, des petits pneumatiques aussi…
Oui, quantité de petits pneumatiques, comme ceux de nos enfants, qui normalement sont prévus pour 3 personnes maximum mais sur lesquels ils sont jusqu’à 8-9 adultes. Là, c’est environ 300 euros par tête. C’est le passage “low cost”, mais qui rapporte de gros profits aux smugglers : 2 400 euros pour un canot qui leur a coûté moins de 150 euros. Sans compter qu’ils leur vendent parfois aussi le moteur. Comme ce dernier est souvent défectueux, les migrants sont obligés de se débrouiller à la rame. Et ils doivent aussi acheter un gilet de sauvetage. Les passeurs n’ont pas forcément envie qu’on retrouve des cadavres, ça fait désordre. Et les réfugiés, qui souvent ne savent pas nager et se font un monde de cette traversée, préfèrent se protéger. Il y en a même qui achètent en plus des bouées et des brassards pour leurs enfants. Les brassières, ils doivent les payer entre 30 et 50 euros dans les boutiques en Turquie. Mais ils se font avoir. La marque originelle de gilet de sauvetage c’est Yamaha, mais on leur refile parfois une contrefaçon Yamaxa qui ne flotte pas… J’ai même appris que la police turque avait arrêté le patron d’un atelier de fausses brassières qui faisait travailler des enfants de réfugiés. Un comble.

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Les drames surviennent non pas à cause de l'état de la mer, mais de l'entassement des gens sur les canots

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Donc ces smugglers n’ont aucun souci des vies humaines…
Aucun. Ce n’est pas l’état de la mer qui explique les noyades des réfugiés de l’été 2015 en mer Egée mais la cupidité des smugglers à entasser les gens sur des canots. A plus de 50 sur un canot gonflable de 9 mètres, il suffit d’un mouvement collectif mal maîtrisé, du dégonflement d’un des boudins ou du croisement de la vague d’étrave d’un ferry pendant la nuit pour qu’un drame survienne.

Les smugglers récupèrent leurs biens à l’arrivée ?
Non. D’ailleurs les bateaux ne sont pas récupérables, il faut voir leur état à l’arrivée. Et, vu leurs profits, ils peuvent en racheter d’autres ! En revanche, à chaque fois qu’un canot arrivait à Kos, des petits malfrats grecs locaux venaient récupérer les moteurs, les restes… Je suppose que les moteurs étaient renvoyés en Turquie pour être réutilisés, même si je n’en ai pas la preuve formelle. En tout cas, le réseau de collecte était bien en place, j’ai vu les mêmes personnes les prélever chaque nuit.

Personne n’a l’air de condamner cet incroyable trafic…
C’est d’autant plus étonnant qu’il s’agit d’humains. Procurer un passage à des gens dans l’Union européenne et l’espace Schengen sans contrôle de passeport ou de visa, c’est de la complète illégalité. En plus dans des conditions de sécurité épouvantables qui coûteront la vie à de nombreuses personnes, y compris des enfants. Sans compter que dans ce flux d’honnêtes réfugiés, se glissent aussi des terroristes. Les passeurs le font en toute impunité, mettent leur visage en clair sur les annonces. Peut-être les photos sont-elles fausses, mais je ne pense pas, vu que personne ne les inquiète. Il y en a même qui illustrent leur pub avec deux randonneurs sur fond de paysage irlandais ou norvégien : c’est d’un incroyable cynisme !

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Pourquoi Facebook n’a rien pour repérer la vente de faux papiers ou le trafic d’êtres humains

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Les smugglers ont-ils des frais de bakchich ?
On peut sans mal imaginer qu’ils doivent verser des bakchichs à des intermédiaires (policiers, douaniers…) : le moyen de faire entrer 15 000 bateaux pneumatiques en Turquie sans ce que cela se voie... Mais l’affaire reste très lucrative. Prenez un bateau de 50 personnes, soit une somme globale de 65 000 euros pour les passeurs. Si l’on compte le petit personnel chargé de rassembler les migrants, porter les canots, les guider, si l’on ajoute le bakchich au flic local, au garde-côte, etc., soit, en comptant large, 7 000 euros à distribuer, il leur reste tout de même 58 000 euros pour un seul canot. Et encore, je compte une embarcation avec 50 personnes, mais parfois ils étaient 70 dessus !

Et maintenant en 2018, cela tient-il toujours ?
Toujours. J’ai vérifié. Sans doute avec une moindre fréquence qu’en 2015, mais Facebook n’a rien arrêté. Quand je pense que si on met une photo de poitrine dénudée, on est détecté en deux heures ! Souvenez-vous de ce qui est arrivé à la Première ministre de Norvège, Erna Solberg : Facebook a retiré la photo qu’elle venait de poster . Horreur, une enfant nue ! C’était la célèbre photo de la petite Vietnamienne brûlée au napalm… Si une “routine logicielle” est capable de détecter cela, on peut s’étonner que Facebook n’ait rien pour repérer la vente de faux papiers ou le trafic d’êtres humains. Il serait temps que le réseau fasse un vrai ménage pour priver les mafias de ce moyen indécent, et scandaleusement trop facile, de s’enrichir sur le malheur des réfugiés.

Lire aussi. Migrants : la traversée infernale

Olivier Jobard, photographe, réalisateur

Ahmad le Syrien a géré la migration familiale juste avec son téléphone

Paris Match. A l’été 2015, vous avez accompagné une famille de Syriens de la Grèce jusqu’en Suède*. Utilisaient-ils les réseaux sociaux ?
Olivier Jobard. Sans arrêt. C’est un changement en deux ans : j’avais suivi des Afghans qui n’avaient qu’un téléphone classique, avec une puce ne permettant de joindre que les gens sur place, pas à l’étranger. Ce qui les rendait plus tributaires des passeurs.

Grâce aux réseaux sociaux, votre famille syrienne se débrouillait seule ?
Oui. Ahmad, le chef de famille, était sans arrêt branché sur son Smartphone. Un vrai addict. Il se connectait en particulier sur WhatsApp, ce qui lui permettait de suivre d’heure en heure l’évolution des routes, des contrôles. Au dernier moment, par exemple, il a modifié un parcours pour déjouer la construction d’une barrière demandée par Viktor Orban sur la frontière hongroise. Grâce son téléphone et son GPS, on a longé une rivière, et on a trouvé le passage recommandé : un simple poteau électrique en béton qu’on aurait bien été en peine de trouver sans ce coup de pouce informatique. Ahmad décidait, seul, de tout, sans autre consultation que son téléphone.

Un migrant 2.0 en quelque sorte…
Complètement. Pendant notre passage en Serbie, Ahmad savait exactement le nom du réseau, comme la marque de la puce bien particulière qu’il fallait acheter pour avoir la 3G gratuite durant une semaine. De même, entre Nuremberg et Hambourg, au lieu de prendre un TGV direct avec tous les risques de contrôle, Ahmad avait déniché une offre promotionnelle famille qui permettait pendant vingt-quatre heures de prendre autant de liaisons qu’ils le désiraient. On a changé huit fois de train : moins cher et moins de contrôles.

Et Facebook ? En avez-vous entendu parler comme aide aux smugglers ?
Non, du tout. Mais c’est grâce à Facebook, en revanche, que je reste en lien avec l’un des Afghans que j’avais suivis. Expulsé de Grèce, il est en prison dans son pays. Il a un Smartphone, nous restons ainsi en contact.
* Documentaire diffusé sur France 2, le 3 avril dernier : « Tu seras suédoise, ma fille », coréalisé avec Claire Billet, Production Squaw.

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