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Agriculture urbaine: Kimbal Musk, frère d'Elon, à la conquête de la terre

Kimbal Musk, le frère du patron de Tesla et de SpaceX, a une obsession: combattre la malbouffe. Visite de Square Roots, petite oasis en plein cœur de Brooklyn, où les plantes poussent à la verticale dans des containers

Kimbal Musk en mai 2018 à New York. — © Michael Loccisano/Getty Images/AFP
Kimbal Musk en mai 2018 à New York. — © Michael Loccisano/Getty Images/AFP

A l'occasion de ses 20 ans, Le Temps braque durant un mois ses projecteurs sur les plus grands défis environnementaux actuels et sur les personnes qui se battent pour les relever.

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Il ne fait pas les gros titres pour avoir placé une Tesla en orbite autour de la Terre ou pour ses ambitions de coloniser Mars. Malgré le chapeau de cow-boy qu’il arbore en permanence, Kimbal Musk, 45 ans, est bien plus discret que son grand frère, le multimilliardaire Elon, patron de Tesla et de SpaceX. Mais lui aussi a une success-story à raconter. Son truc à lui, c’est l’alimentation saine et l’agriculture urbaine.

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Dix containers sur un parking

C’est à New York, dans le quartier de Brooklyn, dans une ancienne usine Pfizer, tout près de l’immeuble où a vécu le rappeur Jay Z, qu’il a installé Square Roots. But de son incubateur de start-up créé fin 2016 avec son complice britannique Tobias Peggs: aider de jeunes entrepreneurs à se lancer dans l’agriculture urbaine. L’idée est de promouvoir des produits locaux – herbes aromatiques et légumes – sans OGM ni insecticide toute l’année, en rentabilisant au maximum l’espace utilisé.

Ce 22 mai, plusieurs fermiers urbains présentaient fièrement leurs pousses à un groupe de curieux venus visiter les lieux. Les mini-fermes sont installées dans dix containers, de ceux qui voyagent sur les cargos. De l’extérieur, on ne voit que des boxes de métal peintes en blanc et noir, sur un parking. La magie se love à l’intérieur: des plants cultivés hors sol, en hydroponie – pas de terre, uniquement de l’eau enrichie de sels minéraux –, sous des LED. Du rose pétant, qui donne immédiatement la pêche. Ces LED reproduisent en fait les longueurs d’onde rouge et bleue de la lumière solaire.

Fermes verticales au cœur des villes

Les plantes sont disposées en colonnes. Les premiers fermiers, tous des millennials, ont été sélectionnés parmi plus de 500 candidats. Ils sont formés pendant douze mois avant de voler de leurs propres ailes. «Ces fermes verticales peuvent être installées en plein cœur des villes. Les entrepreneurs de Square Roots contournent l’impact négatif du transport dans la chaîne alimentaire industrielle, en faisant pousser de la nourriture saine en grande quantité, juste à côté des gens qui veulent la manger», expliquait Kimbal Musk, au moment du lancement du projet.

Si vous vous souvenez d’un incroyable légume mangé en Italie telle année, il est possible, en faisant des recherches, de recréer les mêmes conditions météorologiques en containers pendant plusieurs semaines pour avoir le même produit

Les containers font 30 m2 et peuvent offrir un rendement annuel qui équivaut à 2 ha de terrain. En utilisant 90% moins d’eau. Les prix, par contre, prennent un peu l’ascenseur: un petit sachet de kale – très à la mode aux Etats-Unis – se vend dans les 7 dollars. Square Roots espère disposer d’une vingtaine de campus de «fermes du futur» comme celui de Brooklyn, d’ici à 2020. Le coût le plus élevé de ces fermes reste pour l’instant l’électricité.

© MIKE SEGAR/REUTERS
© MIKE SEGAR/REUTERS

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Mardi, Tobias Peggs, enthousiaste malgré le temps pluvieux, a insisté sur l’aspect technologique de ces installations. Il contrôle tout via son téléphone portable. «Si vous vous souvenez d’un incroyable légume mangé en Italie telle année, il est possible, en faisant des recherches, de recréer les mêmes conditions météorologiques en containers pendant plusieurs semaines pour avoir le même produit», expliquait-il aux New-Yorkais et aux touristes venus découvrir Square Roots. Il n’a cessé de mettre l’accent sur l’importance du contact direct avec le client. «Un chef japonais a par exemple demandé à un de nos fermiers de lui faire pousser du shiso.»

Sensibiliser la jeune génération

Square Roots est le dernier bébé de Kimbal Musk, mais pas sa première expérience «verte». En avril 2004, il fonde avec deux amis The Kitchen Cafe, à Boulder, dans le Colorado, sa première chaîne de restaurants qui ne propose que des produits locaux. Soucieux de transmettre ses convictions écologistes, il développe sept ans plus tard des «jardins d’apprentissage» dans des écoles, pour sensibiliser la jeune génération à une alimentation saine, respectueuse de l’environnement, un projet baptisé «Big Green». Il existe aujourd’hui près de 300 de ces potagers éducatifs, à Chicago, Denver, Los Angeles et Memphis.

Avec Square Roots, Kimbal Musk ambitionne de poursuivre sa «révolution verte», pour imposer une nouvelle hygiène de vie. Si elle est la première à se lancer dans l’agriculture verticale dans des containers de cargo à New York, AeroFarms – 6500 m2 de surface, la plus grande ferme aéroponique du monde – se royaume dans le New Jersey voisin depuis 2015, sans toutefois la composante incubateur pour start-up.

Kimbal Musk tient beaucoup de sa mère, diététicienne. Mais avant de se lancer dans l’aventure agricole version tech, il travaillait lui aussi dans la Silicon Valley. Il a contribué à la création, avec son frère Elon, d’une application de localisation, Zip2, vendue pour 300 millions de dollars, puis tous deux ont lancé l’ancêtre de PayPal. Kimbal, qui siège au sein des conseils d’administration de Tesla, de SpaceX et de Chipotle Mexican Grill, a ensuite décidé de partir à New York pour vivre sa passion et suivre une école de cuisine au French Culinary Institute. Il la termine en été 2001, sans forcément avoir l’intention de poursuivre dans le domaine. Les attentats du 11-Septembre ont changé la donne: après avoir vu les tours jumelles s’effondrer, il travaille pendant six semaines comme cuisinier bénévole pour nourrir les pompiers chargés de fouiller les décombres. C’est ce qui lui a donné envie d’ouvrir son propre restaurant. Et de devenir une sorte d’avocat pour ce qu’il appelle la «real food».

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