Eric Tabarly. 20 ans après, un héritage profondément ancré

Philippe Eliès

Par Philippe Eliès

Il est et restera à jamais celui qui a mis la France entière sur un bateau. Qui a fait découvrir la voile et la course au large à toute une nation. La plaisance et les marins lui doivent beaucoup. Vingt ans après sa disparition, l’héritage d’Eric Tabarly est immense.

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Eric Tabarly, toute une vie dédiée à sa passion de la mer
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Eric Tabarly, toute une vie dédiée à sa passion de la mer
Photo Le Télégramme
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Photo François Destoc
Acclamé à la Trinité par 5000 supporters après sa victoire dans la transat anglaise
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Acclamé à la Trinité par 5000 supporters après sa victoire dans la transat anglaise

Il y a des jours et des années que la mémoire refuse d’effacer. C’était le 13 juin 1998, un samedi, en pleine Coupe du monde de foot, quelque part en mer d’Irlande à bord du fameux Pen Duick, la « petite tête noire» désignant la mésange, en breton. Quand on y repense, on se demande encore comment ça a pu lui arriver, surtout à lui, l’officier de marine qui disait : « Les gens qui tombent à l’eau n’ont pas leur place à bord ».

 

Sauf que voilà, ce maudit samedi, la mer était formée, courte, un coup de roulis dans la nuit, une corne qui balaie violemment le pont, la chute à la mer et puis…

Ce jour-là, la mer avait le goût des larmes, emportant avec elle le père de la voile moderne, celui-là même qui, bien avant Zidane et sa bande, avait défilé sur les Champs-Élysées après sa victoire dans la Transat anglaise en 1976, sorti de la brume à Newport, tel un fantôme alors qu’on le croyait perdu en mer.

 

Marie et « Pen Duick VI »


Il y a vingt ans, Éric Tabarly tirait donc son dernier bord. Mais il est toujours là. Au travers de cette flotte superbe des Pen Duick qui, grâce au soutien d’une grande banque, naviguent toujours. C’était son souhait. De là où il est, on peut l’imaginer sourire à l’idée que l’un d’entre eux, « Pen Duick VI », va repartir, début juillet de Lorient, pour un tour du monde avec escales, étalé sur quatre ans, avec, à la barre, sa fille Marie.

Pour autant, l’héritage Tabarly n’est pas visible qu’en Bretagne, à Lorient notamment avec sa Cité de la Voile. Il vit un peu partout en France où pas moins de 25 établissements scolaires portent son nom. On a également trouvé un pont à Nantes, une promenade à Paris, des places, des rues, des boulevards, des avenues et des allées à la pelle. Des complexes sportifs aussi.

Mais le plus célèbre des marins français, qui a poussé son pays à se tourner vers la mer, laisse surtout dans son sillage des choses indécelables à l’œil et pourtant bien réelles. De la noblesse dans l’effort, le sens du partage, la modestie, l’humilité face à la nature, une certaine image de la France maritime aussi et la fibre inventive surtout.

 

« Naviguer, c’est accepter les contraintes que l’on a choisies »


Innover, imaginer et concevoir des bateaux toujours plus rapides, c’était ça qui faisait avancer Tabarly. De Kersauson, à Colas, en passant par Lamazou, Pajot, Poupon, Desjoyeaux, Le Cam, Jourdain, et tant d’autres, le père de la voile moderne a aussi entraîné derrière lui des apprentis marins qui ont tous fait des carrières exemplaires.

Tabarly, c’était l’université de la course au large avant l’heure. Avec un précepte qu’il résumait ainsi : « Le bateau n’est pas une liberté. Naviguer, c’est accepter les contraintes que l’on a choisies ».

Les contraintes, Tabarly a fait avec. « À l’époque, la technologie ne permettait pas de faire certaines choses mais Éric avait déjà compris qu’un jour, les bateaux voleraient », se souvient l’architecte vannetais Vincent Lauriot-Prévost. En 1976, Tabarly faisait déjà voler un petit catamaran équipé de foils. Il fut ensuite à l’origine du trimaran volant, l’Hydroptère, projet relancé par Alain Thébault qui rêve aujourd’hui de commercialiser les SeaBubbles, petits taxis volants sur la Seine, à Paris.

 

« Il a démocratisé la voile en France »


Forcément, Tabarly a marqué plusieurs générations de marins. Seul équipier à avoir osé l’engueuler après un chavirage - « T’es fier de ce que tu as fait ? » -, Jean Le Cam en parle avec respect et nostalgie : « Son héritage est énorme. Éric a démocratisé la voile en France, il a fait connaître notre sport au grand public. Si, aujourd’hui, nous sommes devenus des professionnels de la voile, quelque part, on le lui doit. Il n’est pas le seul à avoir creusé le sillon mais Éric a creusé beaucoup plus profond que les autres ».

Si, aujourd’hui, les jeunes skippers ont Gautier, Cammas, Le Cléac’h, Coville ou Gabart comme références, les anciens, ceux qui ont viré le cap de la cinquantaine, n’ont pas oublié ce qu’ils doivent au maître.

« Sans s’en rendre compte, Tabarly a été le promoteur d’une véritable culture du solitaire unique au monde, analyse Michel Desjoyeaux, double vainqueur du Vendée Globe. Il a aussi fait naviguer beaucoup de marins, à une époque, où il fallait du personnel sur ces gros et lourds bateaux. Forcément, ça forge ! » Et ça laisse des traces indélébiles.

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