En 2018, déjà 77 enfants enfermés en centre de rétention administrative

Anaïs Condomines
Publié le 14 juin 2018 à 6h00
En 2018, déjà 77 enfants enfermés en centre de rétention administrative
Source : AFP / Illustration

DROITS DE L'ENFANT - Un avis de la Contrôleuse générale des lieux de privation et de liberté (CGLPL) rendu public jeudi 14 juin déplore l'augmentation constante du nombre d'enfants étrangers détenus temporairement dans des centres de rétention administrative (CRA). Et l'usage abusif de certaines préfectures d'une dérogation bien pratique.

Le constat est très sévère envers le gouvernement. Jeudi 14 juin, la Contrôleuse générale des lieux de privation et de liberté (CGLPL) publie un avis sur l'enfermement des enfants étrangers au sein des centres de rétention administrative (CRA), dans le cadre des procédures d'éloignement.

Et commence par une observation simple. Le nombre de familles avec enfants présents dans ces centres ne cesse d'augmenter depuis 2013. En quelques chiffres, voici la situation : en 2013, 41 enfants ont été placés en rétention. Dès 2014, ils étaient 45, puis 106 en 2015, 172 en 2016, pour atteindre le chiffre de 304 enfants en 2017. Et la tendance actuelle n'augure rien de bon puisque pour les seuls quatre premiers mois de l'année 2018, déjà 77 enfants ont été enfermés. 

Une dérogation bien pratique

Mais l'institution indépendante va plus loin. La Contrôleuse générale Adeline Hazan accuse en effet quelques préfectures d'enfermer des enfants "pour des raisons d'organisation ou de commodité pratique". En détail, pour recourir à la détention de mineurs, ces préfectures s’appuieraient sur un article du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA). Une dérogation bien pratique qui permet, "en considération de l’intérêt du mineur, le placement en rétention de l’étranger" et du "mineur qui l’accompagne" pour les préserver "des contraintes liées aux nécessités de transfert". 

Sauf que, "dans la pratique", constate le CGLPL, "cette mesure est surtout destinée à faciliter le travail de l’administration en vue de l’éloignement des familles, en ce qu’elle évite un déplacement au petit matin au domicile de la famille. L’examen des statistiques montre que son utilisation n’est pas liée au comportement des étrangers enfermés, a priori comparable sur tout le territoire national, mais bien à des pratiques professionnelles locales." Ce qui donne donc lieu à des situations assez visibles au niveau local. Et là encore, les chiffres parlent d'eux-mêmes : "Depuis le 1er janvier 2018, deux des onze CRA habilités, ceux de Metz-Queuleu et du Mesnil-Amelot, ont à eux-seuls reçu la quasi-totalité des familles avec enfants", respectivement 13 et 23 familles. "Cette situation était identique en 2017, ces CRA ayant hébergé 140 des 148 familles placées en rétention dans l'année." Et l'institution de terminer sur cette conclusion intraitable : "En 2017 et 2018, trois préfectures" - celle de Paris, de Moselle et du Doubs - "dont deux ne sont à l'évidence pas les plus exposées aux flux migratoires, ont été à l'origine de plus de la moitié des placements en rétention de familles".

Une atteinte aux droits fondamentaux

Or, les conséquences sur les enfants de cette détention - même temporaire - sont réelles. Le CGLPL évoque des "traumatismes chez les jeunes enfants" et des "conséquences délétères sur les relations entre parents et enfants". Il ajoute : "Il ressort des témoignages reçus que nombre des enfants exposés à un tel traitement ont ensuite nourri durablement des angoisses et subi des troubles du sommeil, du langage ou de l’alimentation."

Si des améliorations ont été notées dans les conditions de détention, ce n'est guère suffisant : "C’est le principe même de l’enfermement de ces enfants qui doit être remis en cause." Celui-ci est "contraire aux droits fondamentaux" des mineurs, poursuit encore l'institution, qui recommande l'interdiction pure et simple de l'enfermement des enfants dans les CRA. Le ministère de l'Intérieur prendra-t-il en compte ces observations ? Pour l'heure, le ministère n'a pas réagi auprès de la Contrôleuse. Sollicité par LCI, il n'a pas non plus donné suite. 


Anaïs Condomines

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