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Breel Embolo: «Ma génération n’a peur de rien»

A 21 ans, Breel Embolo est encore jeune mais il passe pour un taulier de l’équipe de Suisse. Il est surtout l’icône d’un football suisse qui a achevé son processus de décomplexion. Ses paroles, alors que la Suisse entre ce dimanche soir dans l'arène mondiale

Breel Embolo lors du match contre le Japon, vendredi dernier à Lugano. — © Samuel Golay / Keystone
Breel Embolo lors du match contre le Japon, vendredi dernier à Lugano. — © Samuel Golay / Keystone

Breel Embolo venait d’avoir 18 ans le 31 mars 2015, au moment de sa première sélection en équipe de Suisse de football. Depuis, il a été transféré du FC Bâle à Schalke 04 en Bundesliga, il s’est imposé comme un incontournable du cadre de Vladimir Petkovic et il est devenu le chouchou du public grâce à sa bonne attitude.

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De son âge, ils sont aujourd’hui plusieurs en Russie, tous aussi ouverts et décomplexés les uns que les autres, sans doute davantage que les footballeurs suisses ne l’ont jamais été. Breel Embolo incarne parfaitement cette génération au sourire et à l’horizon larges, qui «espère que la Suisse gagnera la Coupe du monde», comme il le confiait à un confrère avant de s’entretenir avec Le Temps, il y a quelques semaines à Feusisberg.

Le Temps: Vous n’avez que 21 ans mais vous n’êtes déjà plus vraiment le petit jeune qui débarque en équipe de Suisse. Quel statut y avez-vous?

Breel Embolo: Dur à dire. Je crois qu’aujourd’hui les autres savent ce que je peux apporter, sur le terrain comme en dehors. Je suis quelqu’un de calme, mais en même temps j’amène mon côté blagueur et ma joie de vivre. Ce qu’il y a de bien, dans cette équipe, c’est que chacun se sent libre d’être lui-même, de s’exprimer, d’apporter ses idées. Nous nous connaissons bien et cela nous est utile même lors des matches.

Ce que vous connaissez bien aussi, c’est la hiérarchie établie au sein du groupe: il n’y a pas de grosses interrogations quant aux onze joueurs qui commenceront contre le Brésil. Est-ce une force ou une faiblesse?

Un peu des deux, sans doute, mais je le vois plutôt comme une force. Cette équipe tourne depuis deux ou trois ans avec une certaine stabilité, ce qui permet de développer des automatismes. Mais à mon avis, tout n’est pas aussi clair qu’on veut bien le penser. Manuel Akanji sort d’une superbe saison, Denis Zakaria aussi. Ces joueurs n’étaient pas titulaires il y a deux ans, aujourd’hui ils peuvent y prétendre. Mais c’est vrai aussi que le coach a prouvé à plusieurs reprises qu’il pouvait continuer d’accorder sa confiance à un joueur qui traverse une période difficile.

Cela a été votre cas cette année, avec une longue absence sur blessure… Se sentir désiré, attendu en équipe nationale, c’est un moteur pour revenir?

Oui. Effectivement, j’ai vu que le coach ne m’oubliait pas. Même quand j’étais blessé, nous avons beaucoup échangé. Son soutien m’a aidé à aller de l’avant. Et puis quand j’avais peu de temps de jeu en Bundesliga, il m’en a donné avec la Nati, c’est bon pour le moral.

Concrètement, que fait Vladimir Petkovic? Il vous appelle?

Oui, c’est ça. Il te demande comment tu vas. S’il a vu ton match, il te pose des questions pour affiner son analyse. Il vient aussi avec des idées à échanger, des conseils à donner. Si tu es dans une bonne période, il va te dire ce que tu aurais pu faire de plus, de mieux. Vraiment, l’équipe nationale, ce n’est pas seulement les rassemblements. Les membres du staff nous rendent visite dans les clubs. Ils discutent avec nos responsables. Et ils ne parlent pas que du «projet Coupe du monde»: ils s’intéressent au «projet Breel Embolo», au «projet Denis Zakaria». Ils essaient de te pousser pour qu’ensuite tu puisses pousser l’équipe de Suisse.

© LAURENT GILLIERON / Keystone
© LAURENT GILLIERON / Keystone

Vous, Denis Zakaria ou encore Manuel Akanji donnez l’impression d’être encore plus décomplexés que les joueurs suisses de la génération précédente, qui l’étaient déjà moins que ceux d’avant…

(Il réfléchit.) Je vois deux raisons à cela. La première, c’est que le football évolue. On voit aujourd’hui dans les grands championnats que beaucoup de matches ne se passent pas comme prévu, que des surprises surviennent. C’est la raison pour laquelle je disais tout à l’heure que j’espère que la Suisse va gagner la Coupe du monde.

Notre portrait de Breel Embolo en 2016: Simplement le meilleur

La deuxième chose, c’est que nous avons grandi avec les tactiques et les idées les plus modernes. Notre génération a profité des progrès réalisés ces dernières années par le football suisse. Aujourd’hui, il peut y avoir quatre Suisses titulaires en même temps au Borussia Mönchengladbach. A 21 ans, un Nico Elvedi a disputé plus de 100 matches de Bundesliga. Et derrière, cela suit. Outre ceux qui sont à la Coupe du monde, il y a des Edimilson Fernandes, Djibril Sow ou Dimitri Oberlin derrière, avec le même état d’esprit.

Au-delà du bagage foot, vous partagez quelque chose, non? Vous êtes… cools?

Je crois que nous ne sommes pas centrés que sur nous-mêmes. On s’intéresse sincèrement à l’autre, et le fait d’être toujours connectés via Facebook ou Instagram renforce peut-être ce côté «génération». Après, nous avons aussi le point commun de n’avoir peur de rien, surtout pas de faire des erreurs. On ne joue pas au foot pour se cacher. On veut essayer des trucs.

A 21 ans, vous aurez connu un Euro et une Coupe du monde, vous avez été transféré pour plus de 20 millions de francs… Cela ne vous donne pas le vertige?

Un peu, parfois, mais croyez-moi: ça passe vite. Au football, ce que tu as fait il y a deux semaines n’intéresse plus personne. Tu passes à côté d’un match? C’est oublié le week-end suivant si tu réussis un doublé. L’inverse est vrai aussi. Rien n’est jamais acquis.

Vous allez aussi être papa, tout prochainement. N’avez-vous pas peur de vous ennuyer pendant le reste de votre vie?

(Rires.) Non… j’ai encore faim! J’ai envie de progresser, de faire de belles choses avec mon club et mon pays, et ce n’est pas près de s’arrêter.

© Patrick Huerlimann / Keystone
© Patrick Huerlimann / Keystone

Pour des footballeurs habitués à disputer tous les week-ends des matches importants dans des stades pleins, qu’est-ce qu’une Coupe du monde a de spécial?

C’est le tournoi le plus important du monde. Quand tu es ado, c’est celui dont tu rêves. Et c’est particulier, car toutes les équipes qui s’y retrouvent ont bataillé durant deux ans pour y parvenir. C’est en même temps la fin et le début de quelque chose. C’est comme à l’école: tu travailles pendant deux mois sur un sujet mais le jour de ton exposé, il faut encore répondre présent.

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L’efficacité offensive est souvent pointée comme la faiblesse de l’équipe. Comment le vivez-vous, en tant qu’attaquant?

Ça va. Je reste calme avec ça. Si on n’avait vraiment pas assez marqué, on ne serait pas à la Coupe du monde. Cela ne veut pas dire qu’il faut se reposer: je pense que la solution pour améliorer notre efficacité offensive, c’est de nous créer davantage d’occasions. Et ça, c’est le boulot d’une équipe de onze joueurs, pas juste des attaquants.

Comment acceptez-vous la critique, notamment celle des médias?

Bon, je n’ai pas d’appli d’information sur mon téléphone. Insta me prend déjà beaucoup de temps. Après, c’est toujours intéressant de savoir ce que les gens, journalistes ou pas, ont pensé de ta prestation. Mais à la fin de la journée, en général, si tu as quelque chose à te reprocher, tu es le premier à le savoir. Après, il faut accepter les reproches pour progresser. Les prendre en compte. Un Mohamed Salah, il s’est fait déchirer par la critique quand il jouait à Chelsea, avant de réussir à arriver là où il est, à force de travail.

Breel Embolo en dates

1997 Le jour de la Saint-Valentin, naissance à Yaoundé.

2003 Déménagement en Suisse avec sa mère.

2014 Premier match professionnel au FC Bâle, premiers buts en Ligue des champions, naturalisation suisse.

2015 Première sélection en équipe nationale.

2016 Transfert à Schalke 04.

En vidéo: la chronique de notre envoyé spécial.