Le CGLPL recommande que l’enfermement d’enfants soit interdit dans les CRA. Crédit : Reuters
Le CGLPL recommande que l’enfermement d’enfants soit interdit dans les CRA. Crédit : Reuters

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) a dénoncé dans un rapport rendu public jeudi, la présence "en constante augmentation" d’enfants placés dans les centres de rétention, en vue de leur expulsion avec leurs familles du territoire français.

Ils étaient 106 enfants enfermés dans les centres de rétention administratifs (CRA) en 2015, ils sont 304 en 2017. Un chiffre en "constante augmentation", déplore le Contrôleur général des lieux de privation et de liberté (CGLPL) dans un avis publié au Journal officiel, jeudi 14 juin.

Les centres de rétention permettent de détenir jusqu'à 45 jours les étrangers interdits de séjour afin de procéder par la suite à leur éloignement. Bien souvent, ils sont renvoyés dans leur pays d'origine.

Il existe à ce jour 25 centres de rétention administrative sur le territoire français. Le gouvernement d’Emmanuel Macron souhaite allonger la durée maximale de rétention à 90 jours. Une mesure qui suscite l’indignation de nombreuses ONG.

"Agité par les bruits des haut-parleur, le bébé ne se comportait pas normalement"

Pour le CGLPL, le placement en rétention des enfants est "contraire à leurs droits fondamentaux". "Malgré l'amélioration des conditions matérielles d'accueil, l'enfermement des enfants porte atteinte à leur intégrité psychique".

Dans le rapport, le CGLPL raconte : "[Les contrôleurs ont] rencontré lors d’une enquête sur place un jeune couple de parents et son bébé de vingt-deux mois, au lendemain de leur refus d’embarquer. Interpellés alors qu’ils se présentaient à la gendarmerie dans le cadre d’une assignation à résidence, ils avaient été acheminés en voiture vers le CRA, où ils venaient de passer une nuit. Dans l’espace réservé aux familles, leur angoisse et leur agitation étaient évidentes. Leur inquiétude la plus grande concernait leur enfant. Agité par le bruit, les appels incessants diffusés par les haut-parleurs, troublé par le séjour dans un environnement inconnu et hostile, il ne se comportait pas de façon habituelle. Les parents se disaient impuissants à le calmer et à le rassurer, et ce malgré la bienveillance des personnes qui les surveillaient, à l’évidence elles-mêmes mal à l’aise en présence d’un enfant retenu dans une atmosphère carcérale".

Traumatismes chez les enfants

Pour le CGLPL, "c'est le principe même de l'enfermement de ces enfants qui doit être remis en cause, en raison des traumatismes qu'il provoque chez de jeunes enfants et de ses conséquences délétères sur les relations entre parents et enfants".

"L’enfant ne comprend pas ce qu’il fait en centre de rétention. Il se demande ce qu’il a fait de mal pour se retrouver là. Il angoisse alors son corps s’exprime sous différentes formes. Certains bébés sont par exemple couverts d’eczéma lors de la détention", avait expliqué cet hiver à InfoMigrants Omar Guerrero, psychologue clinicien et psychanalyste au centre Primo Levi, spécialisé dans les traumatismes et les victimes des tortures.

De plus, rien n’est prévu pour les plus jeunes : pas de zones de jeux, ni d’accès à l’école. "Le centre de rétention renvoie clairement à l’univers carcéral. On considère les migrants comme des criminels", s'est également indigné Jean-Claude Mas, le secrétaire général de la Cimade, contacté par InfoMigrants au mois de mars.

Enfermer les enfants devrait "être interdit"

L'enfermement des enfants "est devenu pour quelques préfectures une pratique destinée à faciliter l'organisation de la reconduite", estime le Contrôleur. C'est pourquoi il "recommande que l'enfermement d'enfants soit interdit dans les CRA [...], seule la mesure d'assignation à résidence pouvant être mise en œuvre à l'égard des familles accompagnées d'enfants".

Plusieurs CRA ont mauvaise réputation. En février dernier, l’un des membres de la Cimade avait dénoncé les dysfonctionnements de chauffage dans le CRA du Mesnil-Amelot, en région parisienne. "M. Collomb, nous n’oublierons jamais votre inhumanité", avait-il écrit sur Twitter. La température atteignait 10 degrés dans certaines chambres.

Au centre du Canet, à Marseille, une enquête a été ouverte en décembre 2017 après le décès par pendaison d’un migrant albanais. L’homme - qui était sous le coup d’une Obligation de quitter le territoire français (OQTF) - est décédé, après avoir passé plusieurs jours à l’hôpital.

>> À lire sur InfoMigrants : Le CRA de Marseille, un centre de rétention administrative à la sinistre réputation


 

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