Ile-de-France : cette fois, Autolib’ c’est fini !

Catherine Baratti-Elbaz, présidente du syndicat Autolib’ Vélib’ Métropole, annonce son intention de mettre fin au contrat avec le groupe Bolloré le jeudi 21 juin.

 La Ville de Paris compte dénoncer le contrat Autolib'.
La Ville de Paris compte dénoncer le contrat Autolib'. LP/Tristan Saget

    Autolib' vit ses dernières heures. La présidente du syndicat Autolib' Vélib'Métropole (SAVM), Catherine Baratti-Elbaz, déclare ce vendredi qu'elle va proposer de mettre fin au contrat avec le groupe de l'industriel breton, lors du prochain comité syndical, le 21 juin.

    C'est donc la fin d'une aventure qui lors de son lancement, en 2011, constituait une première mondiale : un réseau de voitures électriques à louer en libre-service dans Paris et les communes limitrophes. Mais depuis quelque temps déjà, l'étoile Autolib' n'avait plus le même éclat : voitures sales ou hors d'état de marche, de moins en moins disponibles, et de plus en plus de plaintes d'abonnés estimant avoir été indûment prélevés de montants astronomiques.

    La goutte d'eau qui a fait déborder le vase, c'est ce courrier envoyé le mois dernier par le groupe Bolloré s'alarmant du déficit colossal d'Autolib', qui pourrait atteindre 293 millions d'euros (M€) à la fin du contrat, en 2023. Or, le groupe Bolloré estime que sur ce montant, seulement 60 M€ lui incombent, et que le reste, 233 M€, c'est au SAVM de les lui rembourser. Un montant « abracadabrantesque », selon Anne Hidalgo qui, dans la foulée, a réuni un aréopage de potentiels remplaçants à l'Hôtel de ville, pour évoquer « l'avenir de l'autopartage »… Ça sentait le divorce, il est désormais quasiment prononcé.

    Catherine Baratti-Elbaz : « Je vais proposer au comité syndical de résilier le contrat avec Bolloré »

    Catherine Baratti-Elbaz, maire PS XIIe arrondissement./DR.
    Catherine Baratti-Elbaz, maire PS XIIe arrondissement./DR. LP/Tristan Saget

    Vous allez proposer le 21 juin prochain à votre comité syndical de résilier le contrat qui vous lie à Bolloré sur le service Autolib'. Pourquoi ?

    Parce que le 25 mai dernier, le groupe Bolloré nous a adressé un courrier nous proposant une alternative : soit régler une facture astronomique et totalement inacceptable de 233 M€, soit résilier le contrat. Les communes que je représente n'ont évidemment pas les moyens de payer une telle somme. Je proposerai donc aux élus du syndicat de voter pour la résiliation du contrat. C'est la meilleure façon de défendre les contribuables.

    En dehors de ces désaccords financiers, avez-vous des reproches à formuler sur la qualité du service Autolib' ?

    Notre syndicat est aussi le porte-parole des abonnés. Or, ceux-ci estiment qu'Autolib' s'est nettement dégradé ces derniers temps : qu'il s'agisse de la propreté et de l'état des véhicules ou de leur disponibilité. D'ailleurs, le groupe Bolloré le reconnaît également.

    Et si le contrat est rompu, concrètement, ça va se passer comment pour les abonnés ?

    Cela reste à discuter et dépend en grande partie du groupe Bolloré, avec qui nous devrons établir un calendrier de retrait, fixer les modalités de remboursement des abonnés… En tant que syndicat, nous ferons tout pour que les usagers ne soient pas lésés. Je pense que les abonnés seront satisfaits de voir que les élus qui les représentent prennent leur défense. Cela réaffirme notre rôle de représentants de nos concitoyens.

    Si vous rompez le contrat, combien cela va-t-il coûter, et donc coûter à la collectivité ?

    Les experts du syndicat sont en train d'évaluer le montant précis, plusieurs dizaines de millions d'euros, mais ce sera assurément une somme bien plus réduite que les 233 M€ demandés par le groupe Bolloré.

    La mairie de Paris a rencontré cette semaine de potentiels « remplaçants » d'Autolib'. Bolloré sera-t-il remplacé par un opérateur unique ou par plusieurs ?

    Le contrat qui nous liait à Bolloré bloquait de fait l'arrivée d'autres opérateurs, alors qu'ils sont nombreux à nous adresser des propositions. Cette résiliation, c'est donc aussi une formidable opportunité qui s'offre à nous. Elle va permettre l'émergence de nouveaux services, de meilleure qualité. Nous partons sur l'idée d'avoir bientôt plusieurs opérateurs, sur le modèle de ce que font les acteurs du free-floating (Cityscoot, Ofo…). Ce sera beaucoup plus souple pour les usagers et ça fonctionnera sans fonds publics.

    Un meilleur service, sans aide publique, ça va donc coûter plus cher ?

    Il est trop tôt pour savoir quels seront les tarifs, mais nous serons attentifs à ce que les prix restent accessibles. La présence de plusieurs opérateurs fera jouer la concurrence. Cela devrait profiter aux usagers.

    Des études indépendantes ont démontré qu'Autolib' était structurellement déficitaire. Qu'est qu'un ou des nouveaux opérateurs vont changer à ça ?

    Les entreprises du secteur nous disent qu'il y a un formidable potentiel pour développer l'autopartage dans le Grand Paris. Je suis confiante sur le fait qu'elles trouveront un modèle économique bénéficiaire.

    Le changement d'opérateur pour Vélib'a tourné au fiasco intégral. Pouvez-vous garantir que le même scénario ne se reproduira pas avec Autolib' nouvelle version ?

    Oui, parce que nous ne signerons pas une nouvelle délégation de service public, ce qui veut dire qu'il n'y aura pas d'appels d'offres. Une ou des alternatives peuvent donc être mises en place très rapidement. Par ailleurs, si Bolloré reste propriétaire des voitures, les bornes de recharge, elles, deviennent la propriété des villes. Mais il y aura certains détails à discuter, comme la question du stationnement dans chacune des communes adhérentes, afin d'éviter les abus, ou de l'accès aux bornes de recharge.

    Le groupe Bolloré est-il au courant de votre intention ou va-t-il l'apprendre en lisant cette interview ?

    Ne m'en voulez pas, mais la façon dont je communique avec le groupe Bolloré ne vous regarde pas ! Je peux néanmoins vous dire que nous sommes évidemment en contact étroit et régulier.