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La neutralité d’internet est morte cette semaine

Depuis lundi, aux Etats-Unis, les fournisseurs d’accès à internet ont le droit de discriminer le contenu. Les consommateurs américains percevront les conséquences à moyen terme

La décision de la FCC avait provoqué des manifestations dans plusieurs villes américaines. Sans succès. — © Mary Altaffer / AP Photo
La décision de la FCC avait provoqué des manifestations dans plusieurs villes américaines. Sans succès. — © Mary Altaffer / AP Photo

Une «ordonnance pour rétablir la liberté sur internet». Voilà le titre de l’arrêté promulgué ce lundi par la Commission fédérale des communications (FCC). L’intitulé ne manque pas d’ironie. Car depuis cette semaine, c’est la neutralité d’internet – qui impose aux fournisseurs d’accès de ne pas discriminer les contenus – qui est morte aux Etats-Unis. La fin de ce principe aura des conséquences, à moyen terme, sur les consommateurs américains. Et, à long terme, cette vague pourrait toucher le reste du monde.

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Désormais, un fournisseur d’accès à internet américain peut exiger une taxe à des services de vidéo gourmands en bande passante. Il peut ralentir le flux de certains programmes. Voire, sous des prétextes techniques ou commerciaux, bloquer l’accès à des applications.

Démocrates esseulés

Désormais débarrassés d’une loi promulguée par Barack Obama en 2015, Verizon, Comcast ou encore AT&T ont désormais les mains totalement libres. Ils avaient vu d’un bon œil l’élection de Donald Trump, qui avait rapidement nommé à la tête de la FCC Ajit Pai, pourfendeur de la neutralité d’internet. En décembre dernier, par trois voix contre deux, la FCC cassait ce principe. Les partisans de la neutralité d’internet avaient repris espoir le 16 mai dernier, quand le Sénat s’opposait, lors d’un vote, à la fin de cette règle. La Chambre des représentants aurait dû, d’ici au 11 juin, voter elle aussi à ce sujet. Mais les démocrates, en minorité, n’ont pas réussi à provoquer un tel vote.

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Pourquoi tuer la neutralité d’internet? Dans une tribune publiée sur le site spécialisé CNET, Ajit Pai s’est expliqué. «Je soutiens un internet libre et ouvert», commence-t-il. «Notre (nouveau, ndlr) cadre protégera les consommateurs et favorisera un accès à internet meilleur et plus rapide et accroîtra la concurrence.» Selon le directeur de la FCC, suite à la décision de 2015, «les investissements dans les réseaux ont chuté de plusieurs milliards de dollars – une première, hors période de récession, sur le marché du haut débit». Ajit Pai veut ainsi permettre aux fournisseurs d’accès de faire ce qu’ils veulent, ce qui permettra, selon lui, de construire ensuite des réseaux ultra-rapides.

«Lentement, petit à petit…»

En face, les défenseurs d’un internet ouvert craignent le pire. Tout en sachant que ce pire n’interviendra pas demain. «Le plus malin, pour les fournisseurs d’accès, serait d’éliminer la neutralité du net lentement, petit à petit, en espérant que les consommateurs ne remarquent rien et cessent de s’y intéresser», écrivait cette semaine un responsable de l’Union américaine pour les libertés civiles (ACLU). Un exemple de ce qui pourrait se passer? En 2014, le fournisseur d’accès Comcast avait réussi à faire payer Netflix pour garantir à ses clients un service vidéo de haute qualité. Des accords de ce type pourraient se multiplier ces prochains mois, accords que pourront se permettre les grands acteurs du domaine, mais sans doute pas les plus petits. Et ce mouvement pourrait ensuite s’étendre en Europe.

Les fournisseurs d’accès ont d’autant plus intérêt à discriminer les flux qu’ils sont eux-mêmes, de plus en plus, des fabricants de contenu. NBCUniversal, groupe de télévision et de cinéma, appartient ainsi à Comcast. Et AT&T a annoncé ce jeudi la finalisation officielle du rachat du groupe de médias Time Warner.