L’huile de palme disparaîtra des transports européens d’ici 2030

Une élimination totale de l’huile de palme des biocarburants européens se profile. [shutterstock]

L’utilisation de l’huile de palme comme carburant devrait disparaître en Europe d’ici 2030 dans le cadre d’une réforme des lois sur les énergies renouvelables. Une avancée « timide », selon les ONG.

À partir de 2020, les obligations en matière d’énergie renouvelable des États membres ne comprendront plus les agrocarburants issus des cultures vivrières. Cela fait des années que les militants réclament cette modification de la loi, qui monopolise les cultures vivrières et nuit à l’environnement en créant un marché artificiel pour les agrocarburants en Europe.

En outre, le changement d’affectation des terres lié à ces combustibles génère plus d’émissions que n’en économise leur utilisation à la place des carburants traditionnels dans le transport.

Le Parlement et le Conseil sont tombés d’accord sur un objectif de 14 % d’énergies renouvelables dans les transports d’ici 2030, dans le cadre d’un objectif global de 32 % de renouvelables.

Les États membres peuvent continuer à utiliser des agrocarburants d’origine alimentaire pour atteindre leurs objectifs en matière de transport renouvelable, sans pour autant dépasser les volumes utilisés en 2020, avec un maximum de 7 %. Le reste devra être couvert par l’électricité ou les biocarburants avancés qui ne sont pas fabriqués à partir de cultures vivrières.

Des restrictions supplémentaires seront imposées aux agrocarburants à base d’huile de palme et de soja, dont la consommation ne pourra pas dépasser son niveau de 2019 dans chaque pays. Cette politique devrait entraîner une diminution progressive de l’utilisation de l’huile de palme à partir de 2023, jusqu’à son élimination en 2030.

Bas Eickhout, l’eurodéputé Vert néerlandais engagé dans les négociations sur les agrocarburants, estime que la suppression des incitations actuelles permettra de débarrasser les transports européens de l’huile de palme.

« Nous avons réussi à faire en sorte qu’il n’y ait plus d’encouragement européen direct pour l’utilisation de ce type de carburants, en supprimant l’excuse principale des gouvernements pour continuer à subventionner leurs agriculteurs au détriment du climat », a-t-il déclaré.

« Il n’y a pas de précédent pour l’élimination progressive de l’utilisation de cultures spécifiques. Les réserves exprimées par la Commission montrent bien l’importance de cette disposition [sur l’huile de palme et le soja]. Apparemment, il y a des DG où les accords commerciaux avec l’Indonésie et la Malaisie sont plus importants que l’environnement », a-t-il ajouté.

«La Malaisie ripostera à l'interdiction de l’huile de palme»

L’interdiction de l’huile de palme, le principal produit d’exportation de la Malaisie, est « discriminatoire » et Kuala Lumpur est prête à la riposte commerciale, a déclaré le ministre malaisien, Datuk Seri Mah Siew Keong.

Des groupes de représentation des agriculteurs se sont en effet plaints que la DG Agri ait été mise à l’écart dans les discussions et ont demandé à la Commission de s’opposer au nouveau régime.

« L’UE a supprimé le principal moteur de l’expansion des agrocarburants alimentaires en Europe : l’infâme objectif de transport », s’est félicité Laura Buffet, responsable des carburants propres au sein du groupe de campagne Transport & Environment (T&E).

Déception

Le compromis ne va pourtant pas aussi loin que les défenseurs de l’environnement l’avaient espéré : une interdiction totale à partir de 2020. Elle a toutefois ajouté que l’élimination progressive est encore beaucoup trop lente. « C’est une honte que les Européens puissent brûler de l’huile de palme pendant encore 12 ans et c’est très triste de voir la Commission européenne jouer un rôle aussi obstructif dans les négociations finales », nuance Laura Buffet

« Les États membres de l’UE seront toujours autorisés à brûler des quantités massives de nourriture », regrette aussi Marc-Olivier Herman, responsable de la politique de justice économique de l’UE au sein du groupe de campagne contre la faim Oxfam. « Les agrocarburants fabriqués à partir d’huile de palme, de colza et d’autres cultures vivrières détruisent les forêts, poussent les gens à quitter leurs terres et pourraient alimenter la prochaine flambée des prix des aliments. Il ne s’agit pas d’une réponse au changement climatique, mais d’une partie du problème. »

Une position partagée par Greenpeace France, qui parle du « timide pas en avant » que constitue la reconnaissance du caractère nocif des agrocarburants de première génération. Pour autant, la date de 2030 est bien trop lointaine, estime l’organisation dans un communiqué : « des millions d’hectares de forêts tropicales essentielles pour la régulation du climat auront disparus entre temps ».

L’ONG souligne néanmoins que l’accord entrouvre une porte de sortie pour les pays les plus « responsables ». « La France a désormais la possibilité de s’engager vers une sortie claire des agrocarburants de première génération sur son territoire. Nicolas Hulot peut et doit programmer cette sortie, en saisissant l’opportunité de la Stratégie Nationale sur la Déforestation Importée, qui doit être adoptée en juillet. » Juste avant la décision européenne, Paris a autorisé Total à importer 300 000 tonnes d’huile de palme.

Les eurodéputés socialistes français se sont d’ailleurs réjouit d’un résultat qui « désavoue » Total et le gouvernement français. « Cette victoire émane aussi de la mobilisation des agriculteurs français que nous souhaitons aujourd’hui saluer pour leur combat. Le Gouvernement français doit maintenant revenir sur l’autorisation donnée au groupe Total. »

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De son côté, le Réseau Action Climat fait remarquer que la nouvelle législation laissera « les vannes ouvertes pour les autres agrocarburants issus de cultures alimentaires, comme le colza, pourtant plus néfastes que les carburants fossiles pour le climat ».

Les législateurs européens se défendent en indiquant qu’une interdiction totale de l’huile de palme pourrait être contraire aux règles de l’Organisation mondiale du commerce. La Commission doit encore proposer une méthodologie d’ici 2019 pour rendre la suppression progressive opérationnelle.

Régime viable

L’industrie des biocarburants avancés trouve la décision européenne acceptable. « Le compromis contient des éléments positifs ; il y a un objectif obligatoire pour les énergies renouvelables dans les transports et nous nous félicitons du premier objectif contraignant de l’UE pour les agrocarburants avancés avec une trajectoire stricte, qui commence en 2022 et augmente jusqu’en 2030 », explique Tina Sejersgård Fanø, vice-présidente exécutive pour l’agriculture et la bioénergie chez Novozymes.

Emmanuel Desplechin, secrétaire général de l’association européenne d’éthanol renouvelable ePURE, a qualifié l’accord de « pas dans la bonne direction », car il « permettra encore aux États membres d’utiliser des biocarburants durables dans la lutte contre le changement climatique », même si ce n’est « pas une solution parfaite », puisqu’elle pénalise injustement des solution comme l’éthanol renouvelable européen, estime-t-il.

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