La tentative de Virginie Calmels
Le problème est que Laurent Wauquiez, lui, ne peut pas s’empêcher de tuer. Et Virginie Calmels, sa vice-présidente limogée manu militari, vient de l’apprendre à ses dépens. Passée par la téléréalité et le groupe audiovisuel Endemol – donc familière des histoires fausses vendues à prix d’or – l’ex-femme d’affaires croyait possible le grand écart entre deux fidélités aux racines opposées. A Bordeaux, l’union avec Alain Juppé, ce grand blessé de la politique hexagonale dont elle demeure la première adjointe à la mairie. A Paris, le flirt poussé avec l’autre droite: celle des artisans, des petits commerçants, des notables des villes moyennes ulcérés de voir les patrons d’entreprises du CAC 40 se vautrer dans la Macronie.
L’impossible synthèse entre gaullisme et populisme
Virginie Calmels incarnait, par sa démarche, ce qu’elle croyait être indispensable pour Wauquiez face à un Emmanuel Macron résolu à occuper durablement le centre de l’échiquier politique et le créneau du libéralisme économique: une synthèse impossible entre gaullisme et populisme. Entre valeurs et colère. Entre le lobby ultra-catholique «Sens commun» et l’acceptation d’une nouvelle bourgeoisie française, diverse et multiculturelle.
Avec une bonne dose de cynisme, et en misant beaucoup (trop) sur la carte féministe, l’ex-cheffe d’entreprise pensait que son nouveau patron – élu à la tête des Républicains le 10 décembre 2017 – saurait jouer collectif et l’utiliser à sa juste valeur. Triple erreur. En dénonçant la ligne «populiste et identitaire» de l’élu auvergnat, Virginie Calmels a commis trois écarts inacceptables alors que la colère gronde parmi les élus locaux conservateurs. Elle a divergé de la ligne du chef. Elle a contesté son autorité. Et elle a, ce faisant, démontré le suicidaire isolement de ce dernier.
De victime à danger potentiel
Le résultat? Laurent Wauquiez est aujourd’hui politiquement nu. Licenciée sans préavis, jetée hors de son bureau et priée de venir récupérer ses affaires dans un carton à l’entrée du siège parisien des Républicains, «Corporate» Calmels permettait à l’homme fort de Rhone-Alpes-Auvergne de tisser un récit crédible d’efficacité et de modernité. Lui, le premier de classe, diplômé de l’Ecole normale supérieure, parmi les élèves les plus brillants de sa génération, pouvait garder ainsi le lien avec les dirigeants d’entreprise, conserver un semblant de vernis pro-européen, et espérer courtiser les déçus du quinquennat Macron.
Plus grave: le patron des «Républicains» a fait de son ancienne vice-présidente une victime, donc un potentiel danger. Alors que, jusqu’à l’affrontement de ces derniers jours, personne ou presque ne voyait en elle un quelconque recours.
Peut-on encore avoir confiance en Wauquiez?
La morale de l’histoire est simple, limpide, et Nicolas Sarkozy l’a bien compris: Wauquiez le «bad boy» perd pied dans la tempête. Sarko, à la tête des Républicains, n’en pouvait plus des sorties fracassantes de son ex-ministre Nathalie Kosciusko-Morizet, alias NKM, candidate contre lui lors des primaires de la droite. En privé, l’ancien chef de l’Etat raillait la facilité avec laquelle son ancienne ministre raillait des politiques qu’elle avait jadis actées, et approuvées, lors du quinquennat 2007-2012. «Dézinguer» NKM était devenu son passe-temps favori. Mais jamais Sarko n’avait pris le risque de l’affront public. Parce qu’il savait qu’in fine la victoire se joue toujours sur l’union de la droite. Ce que François Fillon n’a pas su obtenir.
Le sujet n’est pas le passé de Wauquiez, tueur politique patenté de ses anciens parrains, tel l’ex-commissaire européen centriste Jacques Barrot, lui aussi familier de la Suisse. La question est celle de son avenir: qui peut, demain, lui faire confiance? Qui peut croire, encore, à sa capacité de rassembler? Qui peut avoir envie de le rejoindre? La droite française est désormais celle de la peur. Engluée dans la disruption négative d’un leader toujours à la recherche d’un programme crédible. Et pris dans son propre étau.
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