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Donald Trump signe un décret pour réunir les familles de migrants... sans s'occuper des 2300 enfants déjà séparés
Le décret signé par Donald Trump pose de nouvelles questions juridiques.
WIN MCNAMEE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Donald Trump signe un décret pour réunir les familles de migrants... sans s'occuper des 2300 enfants déjà séparés

Nice try

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Critiqué de toutes parts, le président a signé un décret pour mettre fin à la séparation des familles de migrants. Il propose désormais de détenir les familles ensemble, ce qui devrait entraîner un bras de fer juridique. Et le décret n'étant pas rétroactif, les 2300 enfants déjà séparés de leurs parents depuis avril n'ont toujours pas de solution.

Devant l'indignation générale, Donald Trump a fini par céder. Le président américain a signé ce mercredi 20 juin un décret mettant fin à la séparation des familles de migrants. Elles seront désormais détenues ensemble. Mais ce nouveau texte risque de poser de gros problèmes juridiques à l'administration Trump. Et il ne donne aucune indication sur le futur des plus de 2.300 enfants séparés de leurs parents depuis le mois d'avril.

Avec ce nouveau texte, Donald Trump maintient sa politique migratoire dite de "tolérance zéro", mise en place depuis le 6 avril. Les migrants traversant illégalement la frontière feront donc toujours face à des poursuites judiciaires et seront placés dans les centres de rétention en attendant leur jugement. Différence notable avec les semaines précédentes, les familles seront ensemble dans les camps de rétention à la frontière des Etats-Unis et du Mexique. Mais ce décret entre en contradiction avec une décision judiciaire, dite "de Flores", datant de 1997. Selon cette dernière, il est en effet interdit de détenir un mineur sans-papiers plus de 20 jours. L'administration Trump a indiqué vouloir demander à une cour californienne de modifier ce texte afin de prolonger la durée de rétention légale des mineurs.

Pas "d'effet rétroactif du décret" pour les mineurs déjà séparés de leurs parents

Mais il est loin d'être certain que les juges américains acceptent ce changement. Cela risque d'entraîner un bras de fer juridique entre les magistrats et les associations de défense des droits de l'Homme d'un côté, et l'administration Trump de l'autre. "Je ne pense pas que quiconque ait envie de voir des petis enfants détenus pendant un long moment, a déclaré Lee Gelernt, de l'Union américaine des libertés civiles au New York Times. S'ils commencent à détenir des familles et des enfants sous des tentes ou ailleurs, je pense que ça va immédiatement entraîner des poursuites".

Autre problème majeur du décret : il ne dit rien sur le sort réservé aux plus de 2.300 enfants séparés de leurs parents depuis le mois d'avril. Un fonctionnaire du département de la Santé et des Services sociaux aux Etats-Unis a annoncé qu'aucun effort supplémentaire ne serait fait pour réunir les familles : "Il n'y aura pas d'effet rétroactif du décret", a-t-il affirmé lors d'une conférence de presse.

Un ancien chef des services de l'immigration, John Sandweg, a également confié que des centaines d'enfants ne reverraient sans doute jamais leurs parents : "Le gouvernement fédéral n'est pas très doué pour garder la trace des enfants et des parents. (...) Souvent, les parents sont renvoyés plus vite dans leurs pays d'origine, puisque la loi est différente pour les adultes, alors que les mineurs restent pendant des années aux Etats-Unis".

Donald Trump en appelle au Congrès

Pour résoudre cet problème inextricable, Donald Trump se tourne vers les parlementaires. Le message du décret est limpide : le président rejette la faute sur les élus américains. "Il est malheureux que l'incapacité à agir du Congrès et des décisions de justice aient mis l'administration dans la position de devoir séparer des familles étrangères pour pouvoir, de fait, appliquer la loi". "Le Congrès doit désormais fournir une solution permanente à cette situation", a insisté Gene Hamilton, conseiller du ministre de la Justice.

Les membres de la Chambre des représentants vont ainsi devoir se pencher ce jeudi 21 juin sur deux réformes de l'immigration. Selon les républicains, ces votes doivent non seulement mettre fin aux "failles" du système actuel, mais aussi résoudre le problème des "Dreamers", les jeunes arrivés sans papiers aux Etats-Unis alors qu'ils étaient encore mineurs. Leur statut, remis en cause par Donald Trump, est depuis des mois l'objet d'une âpre bataille entre l'administration et les démocrates. Mais le succès de ce vote est loin d'être assuré : les deux projets de loi, rédigés par la majorité républicaine, ne font même pas l'unanimité au sein du parti présidentiel. Et les démocrates ont d'ores et déjà annoncé qu'ils ne voteraient pour aucun des deux textes.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne