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Syrie

Le groupe EI compterait toujours 7000 jihadistes dans le désert syrien

Depuis quelques semaines, le groupe Etat islamique multiplie ses opérations contre l’armée syrienne et ses alliés. L’intensité des attaques et le mode opératoire utilisé prouvent que l’organisation jihadiste, que l’on disait anéantie, dispose toujours d’une grande capacité de nuisance.

Des membres des forces favorables au régime syrien, photographiés en novembre 2017 à la frontière irakienne, dans l'est du pays sur l'Euphrate, à Boukamal.
Des membres des forces favorables au régime syrien, photographiés en novembre 2017 à la frontière irakienne, dans l'est du pays sur l'Euphrate, à Boukamal. STRINGER / AFP
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De notre correspondant à Beyrouth

Après avoir chassé, fin 2017, le groupe Etat islamique de toutes les villes de l’est de la Syrie, le gouvernement de Damas et le chef de la brigade al-Qods des Gardiens de la révolution iranienne, le général Kassem Suleimani, ont proclamé la défaite des jihadistes. Un peu trop hâtivement. Cinq mois plus tard, l’organisation d’Abou Bakr al-Baghdadi refait parler d’elle.

A partir du mois de mars 2018, le groupe a lancé des attaques sporadiques contre des avant-postes de l’armée syrienne et de ses alliés russes, iraniens, libanais, irakiens et afghans. En mai, l’intensité des attaques a sensiblement augmenté dans une vaste région désertique s’étendant de Humaymah, au nord-est de la province de Homs, à Soueida, au sud-est de la Syrie, en passant par la ville d’al-Mayadine, à l’est, Boukamal, à la frontière avec l’Irak, et la station de pompage de pétrole dite T3,à 14 kilomètres de Palmyre, dans le centre.

Attaque massive de l’EI contre Boukamal

L’attaque la plus meurtrière a visé, jeudi 8 juin, la ville de Boukamal. S’engouffrant dans une brèche ouverte dans les lignes de défense par une dizaine de kamikazes, des vagues de jihadistes, appuyées par des cellules dormantes activées à l’intérieur de la ville, se sont emparées de plusieurs quartiers périphériques. L’armée syrienne et son allié russe ont dû mobiliser l’aviation et les chars pour les en déloger, 48 heures plus tard.

Le 24 mai, deux jours après avoir évacué Hajar al-Aswad et le camp palestinien de Yarmouk, leurs derniers bastions à Damas, les combattants de l’EI ont attaqué et occupé des positions gouvernementales au nord-est de la province de Soueida. La contre-offensive lancée par l’armée syrienne est toujours en cours. Les troupes loyalistes progressent au milieu de combats acharnés.

Depuis la mi-mai, les jihadistes ont mené pas moins de sept attaques d’envergure, qui ont fait plus de 200 morts dans les rangs de l’armée syrienne et de ses alliés, y compris quatre militaires russes.

La simultanéité de certaines attaques, éloignées parfois de plusieurs centaines de kilomètres, et l’importance des effectifs engagés par les jihadistes montrent que le groupe Etat islamique dispose toujours d’une chaîne de commandement parfaitement opérationnelle. Le régime et ses alliés ont été en mesure « de vaincre l'EI dans les villes – comme à Deir Ezzor, Boukamal, Mayadine et Palmyre – mais ils n'ont pas réussi à se débarrasser de lui dans le désert. C'est désormais leur principal problème », déclare à l'AFP Nawar Oliver, analyste militaire à l'Institut Omran, basé en Turquie.

Amine Hoteit, ancien général de l’armée libanaise, explique à RFI que l’EI est passé d’une stratégie de contrôle territorial à une technique de harcèlement des « forces ennemies ». « C’est un choix réfléchi et planifié à l’avance, ajoute cet expert militaire. L’EI s’est replié vers des poches dans le désert, aménagées et équipées pour accueillir des dizaines, voire des centaines de combattants. »

« Des attaques continueront d'être lancées depuis le désert, en ciblant les oléoducs, les principaux axes routiers, les passages frontaliers, ce qui constituera un énorme casse-tête » pour l’armée syrienne et ses alliés, affirme Nawar Oliver.

Actions de guérilla à partir du désert

Avant que l’EI ne perde la plus grande partie des territoires qu’il contrôlait en Syrie, de nombreux experts avaient envisagé que l’organisation terroriste avait stocké armes, vivres et munitions dans des caches dans le désert, en prévision d’actions de guérilla. A partir des poches qu’il contrôle, l’EI est capable de projeter des forces vers différentes régions et de se replier avant l’entrée en jeu de l’aviation russe et syrienne. Les positions militaires des forces gouvernementales dans le désert sont des « cibles faciles », car elles sont peu nombreuses et éloignées les unes des autres, ce qui retarde, le cas échéant, l'arrivée de renforts, souligne l'Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH).

Des sources syriennes et libanaises estiment que l’EI ne contrôle plus que 3% du territoire syrien, soit un peu plus de 5 000 km², essentiellement des poches reliées entre elles par des routes de désert. L’organisation est également présente dans la vallée de l’Euphrate, sur la rive orientale du fleuve, une zone contrôlée par les Forces démocratiques syriennes (FDS), appuyées par des soldats américains et français. Dans ce secteur, les FDS, à l’offensive depuis début juin, ont pris aux jihadistes le village de Doucheicha le 19 juin.

Où se cachent les dirigeants de l’EI ?

Des sources syriennes croient savoir que les plus hauts dirigeants de l’EI, dont Abou Bakr al-Baghadadi, se trouveraient dans la région frontalière syro-irakienne, se déplaçant en permanence des deux côtés de la frontière. C’est aussi dans cette même zone que seraient caché « Beit al-mal » (la Maison de l’argent), qui fait office de caisse du califat auto-proclamé.

Amine Hoteit estime à près de 7 000 le nombre de combattants de l’EI opérationnels dans la région désertique de Syrie, un chiffre semblable à celui avancé par un responsable du Hezbollah, qui connaît bien le dossier syrien. « Certes, nous sommes loin des 42 000 combattants que pouvait mobiliser l’organisation avant d’être écrasée par l’armée syrienne et ses alliés, précise le général Hoteit. Mais il s’agit du noyau dur, composé de combattants aguerris et solide sur le plan idéologique. »

L’ancien général libanais n’écarte pas une « instrumentalisation par les Etats-Unis » des débris de l’EI, pour empêcher l’armée syrienne d’enregistrer une victoire totale, qui aura une valeur stratégique inestimable. « Les raids menés contre les forces pro-gouvernementales syriennes par des avions soi-disant inconnus, dans l’Est syrien, sont un service rendu à l’EI, dit-il. Les troupes attaquées dans la nuit du 17 au 18 juin à la frontière syro-irakienne s’apprêtaient à lancer une offensive contre les jihadistes. Ceux qui les ont bombardées ne cherchent-ils pas à rendre service à l’EI ? »

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