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L’Italie somme les ONG de laisser faire les garde-côtes libyens

Le ministre italien de l’Intérieur a demandé dimanche aux ONG de se tenir à l’écart des opérations de secours de migrants en Méditerranée et de laisser les garde-côtes libyens faire leur travail

Matteo Salvini à Rome le 21 juin 2018. — © MASSIMO PERCOSSI/AP
Matteo Salvini à Rome le 21 juin 2018. — © MASSIMO PERCOSSI/AP

Le ministre italien de l’Intérieur Matteo Salvini a sommé dimanche 24 juin les ONG internationales de se tenir à l’écart des opérations de secours de migrants en Méditerranée. Il leur a intimé de laisser les garde-côtes libyens se charger de cette tâche.

«Laissez les autorités libyennes faire leur travail de secours, de récupération et de rapatriement [des migrants] vers leur pays, comme elles l’ont fait depuis quelque temps, sans que les navires des ONG avides les gênent ou causent des troubles», a déclaré le ministre de l’Intérieur. «Les ports italiens sont et seront fermés à ceux qui aident les trafiquants d’êtres humains», a-t-il ajouté.

Dans la soirée, Matteo Salvini est de nouveau intervenu pour remercier «chaleureusement» les autorités libyennes et leurs garde-côtes d’avoir recueilli en mer et ramené en Libye plus de 820 migrants dans la journée de dimanche. «Aujourd’hui, ils ont sauvé et ramené en Libye 820 migrants, rendant inutile le «travail» des trafiquants et évitant des interventions erronées de navires d’ONG», a écrit sur Twitter le ministre de l’Intérieur, qui est également vice-premier ministre et chef de la Ligue, une formation d’extrême droite.

Renvoyées en Libye

Plus tôt, l’ONG espagnole Proactiva Open Arms a affirmé que l’Italie avait refusé l’aide de son navire pour secourir un millier de migrants au large de la Libye. Selon elle, Rome affirmait que les garde-côtes libyens s’en chargeraient.

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Les autorités italiennes «nous ont dit qu’à ce moment-là, elles n’avaient pas besoin de nous. […] Elles ont affirmé que l’opération de secours était coordonnée par les garde-côtes libyens», a déclaré à l’AFP une porte-parole de l’organisation, Laura Lanuza. La porte-parole, qui se trouve à terre mais en relation avec le navire Open Arms, a affirmé que l’ONG avait reçu au cours des dernières heures «sept ou huit» appels à l’aide provenant de bateaux transportant des migrants et se trouvant au large de la Libye. «Si l’on ajoute tous les appels au secours reçus, le total est d’environ 1000 personnes» qui auraient besoin d’aide, a-t-elle ajouté.

Quand le navire Open Arms, qui se trouvait à 60 milles nautiques (110 kilomètres) de là, a contacté le centre opérationnel des garde-côtes à Rome, qui coordonne les secours, ce dernier a selon elle rejeté l’offre de service. Or «si la coordination des secours revient aux garde-côtes libyens, toutes ces personnes seront renvoyées immédiatement en Libye», a dénoncé Laura Lanuza.

«Sauver des vies»

On ignorait en fin de soirée si les migrants ramenés en Libye par les garde-côtes libyens selon Matteo Salvini étaient ceux qu’avait mentionnés l’ONG espagnole. Laura Lanuza a dénoncé les actions menées par l’Italie pour mettre à l’écart les ONG, rappelant que la justice italienne avait placé sous séquestre en mars le navire d’Open Arms, l’accusant de favoriser l’immigration illégale, avant d’annuler la saisie mi-avril.

La maire de Barcelone, Ada Colau, a exprimé dans la journée son indignation sur Twitter, soulignant que sa ville était proposée «comme havre sûr». «Plus de 1000 personnes sont actuellement à la dérive à bord de sept bateaux et l’Italie a l’intention de les laisser entre les mains de la Libye, où les gens sont torturés, violés et réduits en esclavage», s’est-elle insurgée. Elle a appelé le gouvernement espagnol à intervenir pour «sauver des vies» et souligné que les migrants étaient les bienvenus à Barcelone.

Mini-sommet à Bruxelles

Ces derniers jours, le gouvernement italien a menacé de mettre sous séquestre deux navires d’ONG allemandes, le Lifeline, avec 230 migrants à bord, et le Seefuchs, si ces derniers venaient accoster dans un port italien.

Dimanche dernier, l’Aquarius, navire de l’ONG française SOS Méditerranée, qui avait recueilli 630 migrants au large de la Libye, avait accosté dans le port espagnol de Valence après les refus de l’Italie et de Malte de l’accueillir.

La question de l’accueil des migrants a été, dimanche à Bruxelles, le sujet d’un mini-sommet destiné à tenter d’apaiser les tensions au sein de l’Union européenne face au défi migratoire.

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