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L'hebdomadaire «Marianne» dépose le bilan

En difficulté financière, le magazine, qui devrait être placé en redressement judiciaire afin de négocier le paiement d'un passif de 3 millions d'euros, va néanmoins poursuivre son activité.
par Jérôme Lefilliâtre
publié le 3 janvier 2017 à 18h12

Au téléphone, la voix grave d'Yves de Chaisemartin est sereine, malgré l'annonce du dépôt de bilan de Marianne, l'hebdomadaire dont il est le propriétaire : «J'avais le choix entre gérer le déclin inéluctable du journal ou mettre un grand coup de pied dans la fourmilière. J'ai choisi la seconde option.» Le magazine «de combat et d'opinion, jamais partisan, toujours militant», tel que l'homme de presse le définit, s'est déclaré fin décembre en cessation de paiement. Le tribunal de commerce de Paris devrait rapidement le placer en redressement judiciaire, avec une poursuite de l'activité, assortie d'une période d'observation de six mois. L'information a été révélée par la Correspondance de la presse.

Concrètement, le journal va pour le moment continuer de paraître toutes les semaines, sans toucher à ses effectifs (il compte 63 salariés). Le dépôt de bilan lui permettra d'ouvrir, sous la supervision d'un administrateur judiciaire, des discussions avec ses créanciers, fournisseurs et organismes sociaux, à qui la société éditrice de Marianne doit de l'argent. «Nous allons leur proposer un plan d'étalement du remboursement des dettes que nous avons à leur égard, sur trois à dix ans. Le passif total ne dépasse pas 3 millions d'euros. C'est beaucoup d'argent pour vous et pour moi, mais ça ne l'est pas pour cette entreprise», explique le PDG de la boîte, qui a bouclé l'année 2015 sur un chiffre d'affaires de 24 millions d'euros.

Héritage

D'après le propriétaire, cette ardoise est l'héritage de l'équipe qui l'a précédé à la gestion du journal, le duo Laurent Neumann et Maurice Szafran, écarté fin 2013 à l'issue d'une crise de gouvernance. «Les difficultés financières de Marianne viennent de 2013, quand le journal a fait 3 millions d'euros de perte d'exploitation», explique celui qui était déjà à l'époque l'actionnaire majoritaire. «Je suis parti il y a plus de trois ans, je ne suis en rien concerné et je n'ai aucun commentaire à faire», répond Maurice Szafran, désormais directeur éditorial de Sophia Publications, joint par Libération. Depuis sa reprise en main directe, Chaisemartin a limité les dégâts avec 28 000 euros de perte en 2014 et 322 000 euros en 2015. En 2016, l'équilibre devrait être proche, assure le patron du titre, qui n'envisage pas dans l'immédiat de faire entrer de nouveaux investisseurs au capital.

Nouveau site

Il n'empêche, la situation financière du titre reste très délicate et consume la trésorerie de l'entreprise, au détriment de l'investissement. Pour Chaisemartin, le placement en redressement judiciaire doit permettre de négocier le paiement des traites dans le temps et d'affecter les maigres ressources aux projets de développement éditoriaux : un nouveau site, doté d'une partie payante, sera lancé au premier trimestre et un nouveau cahier de huit pages renforcera le magazine dès la semaine prochaine. «A l'intérieur de ce cahier, nous ferons un décryptage de la France d'aujourd'hui, explique le directeur de la rédaction, Renaud Dély. Nous allons également mettre en chantier la deuxième partie du journal.» Le prix de vente de Marianne va passer de 3,50 euros à 4 euros, selon la Correspondance de la presse.

En 2015, après plusieurs années de déclin rapide, la diffusion payée du journal s'était relevée à 162 000 exemplaires par semaine en moyenne, en légère hausse sur un an – une performance dans l'univers déprimé des hebdos généralistes. Alors que le magazine souffre comme tout le monde sur le plan publicitaire, elle a de nouveau chuté au premier semestre 2016, à 145 000 exemplaires. Ce qui explique sans doute aussi la décision de déposer le bilan.

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