Pour lui, il n’y avait pas les gentils d’un coté et les méchants de l’autre. Le photographe David Goldblatt s’est éteint ce 25 juin, après une vie à raconter son pays, l’Afrique du Sud, dans toute sa complexité. Il avait 87 ans.
Publié le 25 juin 2018 à 17h30
Mis à jour le 26 février 2021 à 15h48
«Une bonne image nous confronte au monde extérieur et parvient fondamentalement à changer la manière dont nous regardons une réalité », avait enseigné le photographe sud-africain David Goldblatt, mort le 25 juin à l’âge de 87 ans, à son compatriote Pieter Hugo devenu à son tour une star de l’art contemporain. Les 130 000 visiteurs de la première grande rétrospective que vient de lui consacrer la France, au Centre Georges Pompidou à Paris, peuvent en témoigner. Ceux qui entraient dans cette exposition avec des idées bien arrêtées sur l’Afrique du Sud en ressortaient avec une vision de l’Humanité d’une grande intelligence et d’une impressionnante profondeur.
David Goldblatt au Centre Pompidou : l’Afrique du Sud, ni noire ni blanche
Car durant soixante ans, ce fils d’immigré juif lituaniens, né à Randfontein en 1930, n’a cessé de dénouer les fils de la situation complexe de son pays qui se prête aux jugements hâtifs. Son œuvre couvre l’histoire de celui-ci, depuis l’instauration de l’Apartheid en 1948 à aujourd’hui, à travers un langage photographique simple et dense. Bien qu’il ait clairement désavoué la politique raciale d’une violence inouïe des Afrikaners, David Goldblatt se montrait tout autant critique sur des injustices et des dérives dont faisait preuve ces dernières années les gouvernants qui succédèrent à Nelson Mandela après la chute de l’Apartheid du début des années 1990. Cela lui avait valu beaucoup d’ennemis dans un pays où il fallait choisir son camp. Du coté des Noirs comme du coté des Blancs on l’a traité de « vendu ». « J’ai toujours été convaincu que, quelles que soient ses idées, le photographe, comme le journaliste, doit observer et retranscrire sans passion plutôt qu’avec l’engagement de l’activiste [...] Je pense que j’ai été et que je suis peut-être encore critiqué pour ce qui peut ressembler à un manque d’engagement ou de clarté sur des sujets controversés. Ce qui est triste, mais si tel est le prix à payer pour tenter de saisir la complexité qu’il en soit ainsi »…
Montrer les petits, les grands, les nantis, les pauvres...
David Golblatt, qui continuait peu avant sa mort à sillonner son pays à bord de son camping car pour engranger de nouvelles photographies, s’intéressait à tous ses concitoyens : les petits, les grands, les nantis, les pauvres, les anonymes ou les célèbres. Chacun d’entre eux amenait une pièce à l’immense puzzle qu’il reconstituait pour donner à comprendre son pays. Pour cela il ne se contentait pas d’effectuer des portraits. Il révélait la singularité de l’Afrique du Sud, sa violence, sa richesse humaine, ses contradictions, à travers l’urbanisme, sa géographie, ses paysages… Son œuvre, d’une ampleur sans précédent dans l’histoire de la photographie, ne se contente pas de réaliser l’autopsie d’une histoire contemporaine. Elle est d’une portée universelle. On pourrait la résumer aussi simplement que cela : il n’y a pas les méchants d’un coté et les bons de l’autre. Mais des individus façonnés par leur milieu social, par l’Histoire et la nature dans laquelle ils ont grandi. Personne d’autres avant lui n’avait réussi à le montrer de façon aussi convaincante avec ce langage « pauvre » disait-il lui-même, que constitue la photographie.
Cher lecteur, chère lectrice, Nous travaillons sur une nouvelle interface de commentaires afin de vous offrir le plus grand confort pour dialoguer. Merci de votre patience.