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Au Vatican, Macron assure ne pas faire de "clientélisme spirituel"
Emmanuel Macron a pris possession de son titre de chanoine de Latran dans la basilique Saint-Jean-de-Latran le 26 juin.

Au Vatican, Macron assure ne pas faire de "clientélisme spirituel"

Récit

Par , au Vatican

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Le voyage d’Emmanuel Macron à Rome a été l’occasion d’intenses tractations diplomatiques avant le sommet européen de jeudi et vendredi consacré aux migrants. Mais le président a également re-précisé sa conception de la laïcité, une nouvelle fois devant des religieux, puis lancé une plaisanterie mal dosée sur... les Bretons.

Lundi soir, à la veille de rencontrer le pape, Emmanuel Macron a, selon l’Elysée, diné dans un restaurant romain en compagnie de son épouse et de son fidèle, le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb. Il a également dialogué avec le président du conseil Giuseppe Conte. Le déplacement transalpin d’Emmanuel Macron s’inscrivait dans un moment très particulier, deux jours avant un conseil européen pour tenter de trouver une réponse à la crise, plus politique qu’humanitaire, ouverte après la nomination du nouveau gouvernement italien et symbolisée par l’errance en méditerranée de l’Aquarius.

Sa deuxième journée romaine a d’ailleurs débuté par une rencontre très politique avec la communauté de Sant’Egidio à l’ambassade de France près du Saint-Siège.. Un premier signal adressé au Saint-Père : Sant’Egidio œuvre pour l’accueil des migrants. Elle organise notamment des couloirs humanitaires pour les réfugiés syriens et irakiens. C’est avec l’aide de cette communauté que Jorge Bergoglio s’était engagé à couvrir les frais d’accueil et d’intégration de 12 personnes, trois familles de Syriens musulmans. Une manière pour Emmanuel Macron de tenter d’enrôler le patron de l’église catholique dans sa croisade pour une « Europe progressiste » face aux nationalismes.

"C'est la vocation des gouvernants de protéger les pauvres... nous sommes tous pauvres" (pape François)

A son tour, le souverain pontife a adressé un autre signal à Emmanuel Macron en lui offrant une médaille de Saint-Martin, Ce saint qui, rappelle le Vatican « divise son manteau pour le donner aux pauvres ». En lui remettant ce cadeau à l’issue de la rencontre, le souverain pontife a pris bien soin de préciser sa pensée : « C’est la vocation des gouvernants de protéger les pauvres… nous sommes tous pauvres ». L’Elysée a fait mine de ne pas comprendre l’allusion et préféré retenir l’intensité des étreintes entre les deux hommes à la fin de cet entretien « très inspirant », selon Emmanuel Macron, mais également sa durée : 57 minutes. Voilà Trump, Hollande et Obama enfoncés.

C’est fort de ce record qu’Emmanuel Macron a pris possession de son titre de chanoine de Latran, titre qui selon l’Elysée n’aurait donc « rien de religieux ». A voir…Ce titre « non religieux » se célèbre tout de même avec chants, Notre-père en Latin et procession dans cette église « mère de toutes les églises », la basilique Saint-Jean-de-Latran, ornée de statues monumentales des apôtres. Un pas derrière Emmanuel Macron, son épouse Brigitte ne serre plus dans la main la mantille noire qu’elle avait préparée le matin même avant sa présentation au pape. Elle a hésité puis a finalement décidé de ne pas coiffer ce voile chrétien. Pas question de donner prise aux défenseurs d’une laïcité déjà bien chahutée par le discours des Bernardins, le 9 avril dernier.

"Ne pas vouloir voir [les racines chrétiennes de la France", c'est ne pas saisir les défis contemporains" (Emmanuel Macron)

Après s’être brièvement assis dans la stalle qui symbolise son titre de chanoine honoraire de Latran, le président s’en charge dans le palais du Latran. Dans cette immense salle où se presse la communauté religieuse française, Emmanuel Macron délaisse le discours déposé sur son pupitre et improvise devant cet auditoire conquis. « La laïcité à la Française est parfois un mystère. Nous en avons longuement parlé avec le pape. Ce n’est pas une loi contre la religion, c’est une liberté de croire ». Plus loin, il paraphrase Molière : « Ma laïcité ne serait pas une pudibonderie... cachez cette croyance que je ne saurais voir », avant d’ajouter à propos des racines chrétiennes de la France : « Ne pas vouloir voir ces racines, les penser, c’est ne pas saisir les défis contemporains ». Dans un coin de la salle de la salle, un jeune prêtre en soutane s’égaye : « La France, monsieur La France », parodie-t-il. Plus tard, Macron assure qu’il n’est pas venu à Rome chercher le vote catholique et ne "pas croire qu’il ne croit pas auclientélisme spirituel". A voir...

De l’autre côté des Alpes, une partie de la communauté bretonne s’insurge. En présentant Jean-Yves Le Drian au Saint-Père, Emmanuel Macron a lancé: « C’est un Breton » en référence à un autre armoricain qui se tenait auprès d’eux, Jean landousies, responsable de la section francophone de la secrétairie d’état. Avant d’ajouter cette boutade: « Les Bretons, c’est la mafia française ». « Mais ils sont moraux » a répliqué le patron du Quai d’Orsay, en souriant.

Peu de temps plus tard, au cœur de cette journée déjà très chargée, Macron tweete… une mise au point sur les pensions de réversion. « Aucun bénéficiaire actuel ne verra sa pension de réversion baisser ne serait-ce que d’un centime », écrit-il. Quant aux futurs retraités, « ils bénéficieront des mêmes prestations pour chaque euro cotisé ». Peut-être déjà un premier effet de la médaille de Saint-Martin.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne