Deux ans après l'attentat de Nice, des enfants et des ados vivent avec le traumatisme

Nice : au chevet des enfants victimes de l'attentat

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Par Quentin Warlop

Les actes terroristes frappent souvent à l’aveugle, sans cible précise, avec la volonté de faire le plus de victimes possibles. On l’oublie parfois, mais beaucoup de ces victimes sont des enfants ou des adolescents. C’est le cas partout dans le monde. Mais depuis quelques années en Europe, aussi. Le premier attentat qui a touché massivement des enfants, des adolescents et leur famille était celui de Nice, en juillet 2016.

A Nice, deux ans après les faits, les "enfants du 14 juillet" sont toujours suivis. "De nouveaux patients arrivent encore toutes les semaines pour être suivis ", explique le Docteur Battista, responsable du nouveau centre d’évaluation pédiatrique du psychotraumatisme. "Ce centre a été créé en janvier 2017. Quelques semaines après l’attentat, nous nous sommes rendus compte de la nécessité de créer une nouvelle équipe spécialisée sur l’évaluation et la prise en charge des traumatismes des bébés, des enfants et des adolescents."

L’hôpital sur la Promenade des Anglais

Plus rien ou presque ne rappelle le pire attentat qu’ait connue la ville il y a presque deux ans. Bilan : 86 morts et près de 400 blessés. Le premier qui ait touché massivement des enfants et des adolescents. Beaucoup ont été soignés dans l’hôpital Lenval, l’hôpital des enfants, sur la promenade des Anglais. "Deux ans plus tard, nous accueillons encore des bébés, des enfants et des adolescents qui viennent pour être suivi. Cela s'est fait en plusieurs vagues. Il y a d'abord eu ceux qui ont été pris en charge tout de suite. Puis ceux chez qui le traumatisme s'est réveillé plusieurs mois plus tard. Et enfin ceux qui ont été blessés physiquement qui arrivent encore aujourd'hui (pour soigner des blessures psychologiques, NDLR). Comme si la blessure physique avait occulté la blessure psychologique. Il ne faut non plus oublier tous ceux qui viennent nous voir à la suite d'un autre attentat et qui se révèlent sans forcément avoir été sur la promenade mais aux alentours, par exemple", explique le Docteur Battista.  

Ce jour-là, Violette, 10 ans, a rendez-vous avec Ophélie Nachon, sa psychologue. Quelques jours plus tôt, elle a tenté de revenir près de la Promenade. "Je me suis mise à pleurer en repensant aux attentats. Cela m’est venu comme ça", raconte celle qui avait 8 ans au moment des faits." Des fois, quand tu pleures, tu oublies tout. Je sais que j’aurais dû me calmer mais je n’y suis pas arrivé", poursuit Violette.

Plus de 95% des enfants qui consultent souffrent de troubles psychologiques

Ce centre post-traumatique comptent déjà plus de 3200 consultations. "Plus de 95% des enfants qui consultent souffrent de troubles psychologiques. Beaucoup d’enfants souffrent de troubles dépressifs, on observe des troubles oppositionnels, d’enfants en colère, dans le refus. Et on observe aussi des troubles déficitaires de l’attention", note Florence Gittard Azkenazy, chef de service. Atelier thérapeutique, encadrement personnalisé, depuis l'attentat, l'hôpital Lenval est devenu une référence. En développant une véritable expertise que le service partage désormais avec des hôpitaux du monde entier.

Si le service de pédopsychiatrie s'est agrandi, de nouveaux dispositifs ont été développés. A l’image de cette valise d'intervention d'urgence : "Pour nous, c’est de la réanimation psychologique. Il faut intervenir rapidement, avec les urgences. Nous avons des fiches en fonction de l’âge, des petites figurines d’enfants, de parents, des voitures, camions, hélicoptères ou ambulances pour qu’ils puissent interagir et se représenter et ce qui leur a fait peur. Être efficace, au plus près, le plus vite possible, c’est de la prévention pour le trouble de stress post-traumatique. Ce qu’on ne savait pas avant."  

Troubles et traumatismes multiples

Et les traumatismes apparaissent parfois beaucoup plus tard. Ornella, 14 ans aujourd’hui, a mis un an avant d'accepter la prise en charge de l'hôpital. "Je ne voulais pas venir ici. Juste après l’attentat, mes parents m’ont demandé de rester sur la plage. Je suis restée seule avec ma demi-sœur. Mais entre-temps, j’ai vu des choses qu’une jeune fille n’est pas prête à voir à cet âge-là. Mes parents, eux, se sont occupés des victimes. Je n’ai rien ressenti pendant plusieurs mois puis j’ai 'pété un câble', je cassais la vaisselle et mettais la maison sans dessus dessous." Au bout d’un an de thérapie, Ornella va mieux. "Même si aujourd’hui, je suis encore très mal quand je dois rester seule dans une pièce."

Bébés traumatisés

Troubles de l’attention, du sommeil, dépression, violence verbale ou physique, les traumatismes sont multiples. Le soir du 14 juillet, 18 femmes enceintes ont été prises en charge à l'hôpital. Résultat deux ans plus tard : tous les bébés présentent un traumatisme. "Ces mamans ont été figées dans l’horreur qu’elles ont vécue. Elles ont été sidérées par le trauma. Elles ont développé un trouble elles-mêmes qui fait qu’elles n’ont pas pu s’occuper de leur enfant car elles n’étaient pas en état de le faire", explique Léa Bruni, l’infirmière du centre d’évaluation.

Aujourd’hui, les conséquences chez les plus petits sont encore peu décrits dans la littérature scientifique. Ce nouveau service mène donc plusieurs recherches scientifiques - financées notamment par La Fondation de France – comme par exemple celle de suivre sur le long terme une cohorte d’enfants victimes et évaluer les dynamiques familiales. L’objectif est clair : mieux comprendre l’impact du traumatisme subi lors de l’attentat sur le développement de l’enfant et de l’adolescent.

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