INTERVIEWUn étudiant sur deux pense que certaines maladies sont dues aux vaccins

Jeunes sceptiques face aux vaccins: «Les étudiants croient ce qu’ils lisent sur les réseaux sociaux»

INTERVIEWSelon l'étude annuelle de la Smerep, publiée ce jeudi, lycéens et étudiants ont une vision très paradoxale de la vaccination...
Un vaccin contre la rougeole...
Un vaccin contre la rougeole... - SCHNEYDER MENDOZA / AFP
Oihana Gabriel

Propos recueillis par Oihana Gabriel

L'essentiel

  • La mutuelle étudiante, la Smerep, a dévoilé ce jeudi son enquête annuelle sur la santé des étudiants.
  • Parmi les sujets abordés pour la première fois les jeunes sont interrogés sur leur rapport aux vaccins.
  • Les étudiants interrogés ont une vision paradoxale de la vaccination : une majorité estiment qu'elle devrait être obligatoire, mais 50% pensent que certaines maladies sont dues aux vaccins, souligne Aurélie Gourgeon, administratrice chargée de la santé et de la prévention de la Smerep.

La méfiance des Français* vis-à-vis des vaccins n’épargne pas la jeune génération. Selon l’étude annuelle sur la santé des étudiants et des lycéens dévoilée ce jeudi par la Smerep, mutuelle étudiante, les jeunes sont quasiment tous vaccinés, mais beaucoup se méfient des vaccins. 20 Minutes a interrogé Aurélie Gourgeon, administratrice chargée de la santé et de la prévention de la Smerep sur ce phénomène.

Cette étude révèle que 50 % des étudiants pensent que certaines maladies sont dues aux vaccins, comment expliquer ce chiffre ?

Les étudiants ont conscience que les vaccins servent à se protéger : 96 % cochent la case « je me vaccine pour me protéger », 92 % « la vaccination doit être obligatoire pour certaines pathologies », et 92 % « certains vaccins sont plus importants que d’autres ». Et paradoxalement, 50 % des étudiants pensent que certaines maladies sont dues aux vaccins. Cela peut s’expliquer par les nombreuses fake news qui circulent sur les réseaux sociaux. A partir d’un cas, amplifié, certains généralisent le doute. Or, les étudiants croient beaucoup ce qu’ils lisent sur les réseaux sociaux, sans vérifier l’information ou la source. Ce qui peut poser problème à l’avenir si ces jeunes, devenus parents, hésitent à vacciner leurs enfants. Or, il faut une couverture minimum pour que la vaccination soit efficace. Si on passe sous un certain seuil, cela devient problématique.

Et pourtant, ce qui est étonnant, c’est que la très grande majorité de ces jeunes sont vaccinés….

Oui, à 99 % ! Parmi eux, 77 % savent s’ils sont à jour, 16 % sont vaccinés mais ne savent pas s’ils sont à jour et 6 % font les rappels si famille ou médecins leur demandent. Mais à l’époque, les parents ne se posaient pas de question ou seulement une minorité. On a beaucoup parlé de l’obligation des onze vaccins depuis janvier 2018, mais en réalité une majorité d’enfants étaient déjà vaccinés. Finalement, cette population qui bénéficie de la vaccination se pose des questions sur sa potentielle dangerosité alors qu’on a plus de 100 ans de recul. Les théories du complot prennent de l’ampleur sur des sujets divers, et cette défiance est très répandue chez ces jeunes.

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Cette étude montre que 57 % des étudiantes et 69 % des lycéennes ne sont pas vaccinées contre le cancer du col de l’utérus, est-ce peu ?

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C’est la première génération qui en a bénéficié, donc ça ne me paraît pas aberrant. Surtout que c’est un vaccin nouveau, donc il y a plus de méfiance. Et dans le détail, 43 % des jeunes étudiantes se sont vaccinées, 15 % envisagent de le faire et 26 % ne l’ont pas fait et n’ont pas confiance dans ces vaccins. Des proportions à peu près semblables chez les lycéennes.

La confiance dans les vaccins est un nouveau thème de cette étude annuelle, vous suspectiez que cette question était importante ?

L’obligation vaccinale a remis le débat au premier plan, donc on a voulu se poser la question : est-ce qu’il y a une tendance anti-vaccin dans population étudiant ? C’est la première fois qu’on se penche sur cette question. Mais à l’avenir, on reviendra sur cette thématique pour voir s’il y a une évolution. Ce qui est étonnant c’est qu’à la fois 54 % estiment qu’il faut laisser le choix de se vacciner et 92 % que la vaccination doit être obligatoire. Et 14 % pensent que les vaccins ne servent qu’à engendrer des bénéfices pour l’industrie pharmaceutique. Les jeunes ont de vraies connaissances sur l’intérêt de la vaccination, en parallèle il y a une augmentation des croyances. Et sur ces réponses antinomiques, on ne note pas de différence entre lycéens et étudiants. C’est donc une vraie croyance générationnelle. Je pense que des gens plus âgés, qui ont connu la poliomyélite et ses ravages en France, ont une meilleure opinion des vaccins.

Que faut-il imaginer pour contrer cette défiance ?

C’est très compliqué… Quand on fait face à des croyances, par principe l’argument rationnel et scientifique a peu de prise. Il y a donc un travail de longue haleine à mener. Cette défiance n’est pas apparue depuis l’obligation vaccinale ! Toutes les campagnes menées par les régions, la Sécurité sociale, le gouvernement ont été un échec. Pire, elles ont plutôt augmenté la défiance des jeunes. Vu les résultats, la Smerep va mener des actions, mais pas dans l’urgence. On estime que la prévention par les pairs marche mieux. On forme des étudiants qui rencontrent des jeunes sur les campus, donc on évite le côté institutionnel. Il y a urgence, mais il ne faut pas se précipiter.

*Selon une étude de 2016 parue dans la revue Science, 41% des Français, pays champion du monde dans la défiance vis-à-vis des vaccins se méfient des vaccins.

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