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Un internaute jugé pour une publication sur Facebook au Burkina Faso

Avocats, blogueurs et défenseurs des droits humains s’inquiètent pour la liberté d’expression et pointent les « dérives » du gouvernement.

Par Sophie Douce (contributrice Le Monde Afrique, Ouagadougou)

Publié le 28 juin 2018 à 17h18, modifié le 28 juin 2018 à 17h19

Temps de Lecture 3 min.

Le président burkinabé, Roch Marc Christian Kaboré, à Zaktubi, en novembre 2017.

« Appel à former un complot contre la sûreté de l’Etat », « participation à une entreprise de démoralisation des forces de défense et de sécurité » et « incitation de troubles à l’ordre public » : les charges retenues contre Naïm Touré sont lourdes. Le militant burkinabé de 35 ans, arrêté et placé en détention à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou, le 14 juin, suite à une publication sur Facebook, a comparu, mercredi 27 juin, devant le tribunal de grande instance de la capitale.

Dans le post en question, publié le 13 juin, il s’indignait du sort d’un gendarme blessé et en attente d’une évacuation sanitaire après une opération anti-terroriste menée il y a un mois à Ouagadougou. « Donc je dis et le répète que le politicien de la majorité actuelle MPP [Mouvement du peuple pour le progrès] n’a rien rien à foutre de vos putaines de vie [sic]. De nos putaines de vie à nous simples civils aussi d’ailleurs », critiquait l’internaute, avant de conclure, en lettres majuscules : « Tous ensemble recadrons ces vauriens. A défaut boutons les papou- (nis) [« papou » fait ici référence au président Roch Marc Christian Kaboré] hors de nos vues. Trop, c’est quand même trop. »

« Tentative de musellement »

« J’étais de bonne foi quand je faisais ce post. Mon intention était d’informer, d’interpeller, mais aussi de critiquer les autorités face à la lenteur de la situation. On peut critiquer en étant dans la légalité », s’est défendu Naïm Touré lors de l’audience. Après quatre heures de débats mouvementés, le parquet a requis douze mois de prison ferme contre l’accusé. Le tribunal rendra sa décision le 3 juillet.

« Le procès de ce jour n’est pas seulement celui de Naïm Touré, mais aussi celui de la liberté d’expression au Burkina Faso », affirme l’un de ses avocats, Me Ambroise Farama. « Quand on regarde le contenu de la publication, les infractions qui lui sont reprochées sont largement disproportionnées. C’est une tentative de musellement des réseaux sociaux. Après plus de vingt ans sous le régime de Blaise Compaoré, le régime du MPP nous inquiète aujourd’hui. C’est un bond en arrière pour les libertés », déplore à son tour Me Prosper Farama.

L’arrestation de Naïm Touré a eu lieu quelques jours avant le sommet Africtivistes, une conférence réunissant blogueurs et cyber-militants, les 22 et 23 juin, où il devait animer un panel sur les lanceurs d’alerte. Dès l’ouverture du sommet, le président des Africtivistes et militant sénégalais Cheikh Fall a plaidé pour sa libération auprès du président burkinabé, présent ce jour-là. « Facebook et Twitter ne peuvent être considérés comme des espaces de non-droit ou comme des instruments de subversion et de nuisance à la disposition d’acteurs mal intentionnés », a répliqué Roch Marc Christian Kaboré.

« On sent une main politique »

Pour Amélie Gué, journaliste et membre de l’Association des blogueurs du Burkina, « le cas Naïm Touré est une première » : « On sent une main politique dans cette affaire, c’est inquiétant pour la liberté d’expression. Depuis l’insurrection de 2014 [qui conduisit à la chute du président Compaoré], les militants burkinabés sont de plus en plus nombreux sur Internet. Les réseaux sociaux commencent à occuper une place importante dans le pays, les politiques cherchent donc le moyen de les contrôler. »

Plusieurs organisations de la société civile ont également exprimé leurs inquiétudes. Chrysogone Zougmoré, le président du Mouvement burkinabé des droits de l’homme et des peuples, pointe des « dérives » du gouvernement : « Nous observons ces derniers temps une offensive contre les libertés de manifestation, d’expression et d’opinion. » Du côté de l’Union pour le progrès et le changement (UPC, opposition), on dénonce : « Les motifs et les chefs d’accusation justifiant l’arrestation de Naïm Touré sont une insulte et une humiliation. »

C’est la troisième fois que le militant est interpellé pour ses publications. En 2017, il avait été condamné pour « injures publiques » contre le conseiller spécial de l’ancien président de l’Assemblée nationale, Salif Diallo. Un an plus tôt, il avait été placé en garde à vue, avant d’être relâché, pour avoir révélé, toujours sur Facebook, les soucis de santé de l’adjudant-chef Moussa Nébié, dit « Rambo », incarcéré à la Maison d’arrêt et de correction des armées pour avoir participé à une tentative de putsch en 2015.

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