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Joseph Stiglitz: «Le rêve américain est un mythe»

Le Prix Nobel d’économie a dressé un tableau effrayant des inégalités aux Etats-Unis et lancé une charge contre Donald Trump et ceux qui le soutiennent au Parti républicain, dans la finance et les grandes entreprises, lors d’une conférence à Paris

Joseph Stiglitz a déploré les inégalités qui se creusent aux Etats-Unis. — © Christian Hartmann / Reuters
Joseph Stiglitz a déploré les inégalités qui se creusent aux Etats-Unis. — © Christian Hartmann / Reuters

Tous les problèmes du moment seraient apparus avec ou sans Donald Trump. Il n’a fait qu’accélérer la prise de conscience. C’est la seule concession qu’aura faite Joseph Stiglitz au président américain, lors d’une conférence organisée vendredi à Paris par la société de gestion Amundi, qui avait invité des journalistes de plusieurs pays. Pour le reste, le Prix Nobel d’économie a lancé une charge contre la Maison-Blanche, mais aussi contre tous ceux, au Parti républicain, dans la finance ou dans les grandes entreprises, qui la soutiennent.

Les progrès dans le domaine médical sont énormes, ils ont des effets partout dans le monde, sauf aux Etats-Unis, où on meurt de «désespoir», par suicide, overdose ou des effets de l’alcoolisme.

Joseph Stiglitz, Prix Nobel d’économie

«Tout ce que Donald Trump entreprend est possible en raison de l’appui de son parti et des milieux d’affaires. On aurait pu espérer qu’ils s’élèvent contre lui. En réalité, ils se sont léché les babines devant les baisses d’impôts et la déréglementation», a expliqué le professeur de l’Université de Columbia devant un parterre de financiers. Tout en dressant rapidement un parallèle avec la montée du fascisme, rendue possible par le soutien de ceux qui y trouvaient des intérêts à court terme. Aujourd’hui encore, il faudrait se distancier du court terme et réfléchir à long terme et à la durabilité de la croissance, a-t-il déclaré.

Injustice de la réforme fiscale

Joseph Stiglitz s’est en particulier attaqué à la réforme fiscale, «qui n’en est pas une, parce qu’une réforme simplifie et corrige les faillites, alors que celle-ci complique la fiscalité et crée des failles». Mais le plus «flagrant» dans cette nouvelle fiscalité, c’est son «injustice», a-t-il poursuivi, parce qu’elle favorise les millionnaires et les entreprises au détriment des classes moyennes, dans un contexte où les inégalités ne cessent de se creuser.

Car le tableau de l’Amérique qu’a dressé l’économiste, habitué à être la conscience de ce genre de conférences, n’a rien de rassurant: «Le revenu moyen d’un homme employé à 100%, ajusté de l’inflation, est le même qu’il y a quarante-deux ans. Soit deux générations de stagnation», a-t-il souligné. Pire, «les trois plus riches Américains comptent une fortune équivalente au total des économies de 50% de la population la moins riche». Citant la spirale dangereuse qui menace une grande partie des ménages américains, dans l’impossibilité d’épargner, Joseph Stiglitz a en outre rappelé que les Etats-Unis restent la seule économie avancée à «ne pas reconnaître le droit basique à la santé».

Choix des parents

«Pourquoi les médias racontent-ils l’ascension de quelques personnalités? Parce qu’elles sont rares. Le rêve américain est un mythe», a-t-il poursuivi, mettant encore l’accent sur l’espérance de vie, en baisse. «Les progrès dans le domaine médical sont énormes, ils ont des effets partout dans le monde, sauf aux Etats-Unis, où on meurt de «désespoir», par suicide, overdose ou des effets de l’alcoolisme. Ce sont des signes d’une économie qui ne fonctionne pas.» Et d’un système où le choix le plus important est celui «des parents que l’on a. Plus que dans n’importe quel pays à l'économie avancée, les revenus et la formation des parents influencent les perspectives des jeunes Américains.»

Si l’économiste a concentré ses critiques sur la réforme fiscale, c’est parce qu’elle va, à son avis, empirer cette situation. «L’économie de l’offre n’a pas fonctionné avec Ronald Reagan, elle ne fonctionnera pas plus aujourd’hui», a-t-il prévenu, rappelant que les inégalités rendent la croissance plus faible. «C’est le FMI qui ne cesse de le répéter et on ne peut pas vraiment dire que le FMI est de gauche», a-t-il continué.