«Trop extrémiste» : Wauquiez peine aussi à séduire sur ses terres

    Alors que le patron de LR tient son conseil national ce samedi à Menton (Alpes-Maritimes), nous sommes allés à la rencontre des électeurs de droite de la région lyonnaise, présidée par Laurent Wauquiez.

     Dans son fief lyonnais Laurent Wauquiez conserve des admirateurs au sein de sa famille politique, mais aussi de plus en plus de sympathisants LR déçus.
    Dans son fief lyonnais Laurent Wauquiez conserve des admirateurs au sein de sa famille politique, mais aussi de plus en plus de sympathisants LR déçus. LP/Yann Foreix

      Le coup d'envoi de France-Danemark vient d'être donné. Mais la dizaine de militants qui s'entasse mardi après-midi dans la permanence (sans télé) des Républicains dans IIIe arrondissement de Lyon ne s'en soucie guère. Ici, on vibre pour le parti, pas pour le foot, et on a le cœur qui bat pour le nouveau patron, Laurent Wauquiez, dont le bureau de président de la région Auvergne Rhône-Alpes est tout proche.

      Ni les mauvais sondages, ni les procès en autoritarisme, ni les accusations de dérive droitière, ni même les divisions internes n'entament la foi de ces anciens fans de Nicolas Sarkozy, tous retraités ou presque. « Si Laurent est autant attaqué, c'est parce qu'il représente la seule opposition », le défend Daniel Duchène, 46 ans de militantisme à son actif.

      « Nous, on veut une vraie droite »

      Lui se félicite du limogeage de Virginie Calmels, la n°2 démise après ses critiques virulentes contre la ligne du parti : « C'est une autre Valérie Pécresse, elle nous agace », balaie-t-il. « On ne tire pas contre son camp », renchérit Monique, pas troublée non plus par la prise de champ de plusieurs ténors, qu'ils s'appellent Alain Juppé, François Baroin ou Xavier Bertrand.

      « C'est un soulagement. Ils étaient centristes. Nous, on veut une vraie droite », se félicite Denise. Quitte parfois, à aller très à droite. « On ne flirte pas avec le FN, mais leurs idées ne leur appartiennent pas », s'agace Martine, qui concède trouver la personnalité de Marion Maréchal (ex-Le Pen) « intéressante ». « C'est un petit Macron d'extrême droite », s'amuse Denise, retraitée comme elle. Après une année 2017 dévastatrice entre la présidentielle les législatives (deux députés élus dans le Rhône, alors qu'ils étaient huit lors de la précédente législature), les militants reprennent espoir : « Les gens sont de nouveau réceptifs », veut croire Lixing Zhou.

      « Wauquiez, je le trouvais pas mal avant »

      Pas si sûr… en tout cas, pas à un jet de pierre de là. Dans le très huppé IIe arrondissement de la capitale des Gaules, en effet, le charme du président de la région n'opère pas vraiment. « Il est trop opportuniste, trop sûr de lui, tout le temps dans la communication… », égrène François, ex-électeur de droite séduit par Macron. « Les Républicains sont complètement à la rue. Ils ne sont pas près de revenir. Pour récupérer des jeunes urbains comme moi, ils ont du souci à se faire », tranche cet agent immobilier de 40 ans, qui juge le sort réservé à Virginie Calmels injuste : « Je ne la connaissais pas, mais il me paraît logique de pouvoir dire ce qu'on pense dans un parti ».

      François, agent immobilier à Lyon, voit mal les Républicains se relever. LP/Philippe Lavieille
      François, agent immobilier à Lyon, voit mal les Républicains se relever. LP/Philippe Lavieille LP/Yann Foreix

      Hubert, 62 ans, qui a voté Fillon à la présidentielle, est lui aussi circonspect : « Wauquiez, je le trouvais pas mal avant. Mais depuis qu'il est à la tête des Républicains, je ne sais plus quoi en penser. Il n'a rien fait de marquant », se désole ce financier.

      Le patron des Républicains a tout de même marqué les esprits, ici plus qu'ailleurs. C'est d'ailleurs dans la très chic banlieue lyonnaise, à Ecully, que le scandale est arrivé. Cette commune abrite l'EM Lyon, la prestigieuse école de commerce où ses propos polémiques sur Sarkozy, Pécresse et Juppé ont été enregistrés à son insu en février dernier. Tout le monde s'en souvient. « C'était une de ses nombreuses erreurs », exécute Jacques, un fonctionnaire de 35 ans.

      « Pourquoi s'interdire une alliance avec le FN ? »

      Dans ce bastion de droite - où François Fillon a récolté 43 % des suffrages au premier tour de la présidentielle - le nouveau patron des Républicains a encore ses inconditionnels. « Il a raison de mettre la barre à droite un peu fort, c'est la seule façon de récupérer les extrémistes qui sont partis au FN », s'enthousiasme Emmanuel, 70 ans, qui croit dur comme fer qu'« un grand remplacement est en cours en France et en Europe ».

      Ce retraité est même prêt à franchir sans hésitation la ligne rouge fixée par Laurent Wauquiez : « Pourquoi s'interdire de faire alliance avec le FN si ça nous permet de gagner ? Les socialistes ont bien dirigé avec les communistes… »

      Ce discours musclé ne fait pas l'unanimité dans les rues calmes et proprettes d'Ecully, où la personnalité de Wauquiez divise et souvent, agace. Norbert, qui s'est détourné des Républicains pour voter Macron dès le premier tour de la présidentielle, figurerait presque parmi les plus indulgents. « Il veut faire bouger les choses, il fait un bon job à la région. Il est en train de labourer, il faut lui laisser du temps, souligne cet agent commercial de 58 ans. Si en 2022 Macron n'y est pas arrivé, il sera ma roue de secours pour la présidentielle ».

      « Sa personnalité, sa façon d'être… c'est épidermique »

      Ce scénario, Odile, 76 ans, qui a toujours voté à droite, ne l'envisage pas. « Sa personnalité, sa façon d'être… c'est épidermique », confie cette retraitée, qui place ses espoirs en Valérie Pécresse ou Xavier Bertrand. Elle s'en étonne : « Avant, on avait presque trop de leaders au sein de notre famille politique… Aujourd'hui… Il est urgent de rassembler ».

      Jacques, habitant d’Ecully, très sévère avec Laurent Wauquiez. LP/Philippe Lavieille
      Jacques, habitant d’Ecully, très sévère avec Laurent Wauquiez. LP/Philippe Lavieille LP/Yann Foreix

      Jacques qui confesse avoir « beaucoup aimé Chirac et Sarkozy », n'est pas prêt non plus à donner son suffrage au jeune boss de la région. « Je ne peux pas le voir en peinture. Il est trop extrémiste, trop brut de décoffrage », peste cet élégant septuagénaire.

      Il poursuit, intarissable, sa charge en règle contre son « ego surdimensionné », lui qui aime « les gens humbles, comme Macron ». Pour cet ancien électeur des Républicains, pas de doute : l'homme de la situation, c'est désormais le président de la République. « Je suis à fond Macron, il est de droite ».