Lorsqu’elle devient présidente de la Fondation pour la mémoire de la Shoah, en 2001, comment Simone Veil tente-t-elle de faire face à l’urgence de la disparition des témoins ? L’une des premières missions qu’elle nous a confiée, c’est le recueil de témoignages. La fondation et l’Ina ont collecté
la parole de 110 grands témoins de la Shoah. Nous avons celui de madame Veil elle-même. Treize ou 14 ans après cet enregistrement, la moitié des personnes ont disparu. Elle nous a aussi demandé de lancer une
collection de témoignages écrits. Pour Simone Veil, chaque histoire méritait d’être connue.
Quels étaient, pour elle, les chantiers les plus importants à mener ? Les lieux de mémoire. Elle tenait beaucoup à ce que la trace physique de cette histoire tragique puisse perdurer, et être mise à la disposition du public, surtout scolaire. Tout le monde n’a pas l’opportunité d’aller à Auschwitz mais, à 10 kilomètres de Paris, Drancy fut le plus grand camp d’internement français. Près de 70 000 Juifs y sont passés avant d’être déportés.
Simone Veil refusait de condamner tous les Français comme collaborationnistes. Elle insistait sur le rôle des Justes, comment cela s’est-il traduit quand elle était présidente de la Fondation ? Si seulement 25 % des juifs de France ont été déportés - alors qu’en Grèce il a pu y avoir 90 % de déportés -, c’est que la population française a compté des Justes. Ces hommes et femmes qui, en fermant les yeux ou en ouvrant une porte, ont sauvé des juifs. Il y a eu des collaborateurs mais l’essentiel, la grande majorité de la population, était hostile à cette attitude. En 2007, c’est elle qui a proposé au président Chirac de poser une plaque en l’honneur des Justes au Panthéon.
Ivan Jablonka, plume de Simone Veil lorsqu’elle était à la Fondation, affirme que, dans les discours, elle enlevait tout ce qui relevait de l’émotion. Pourquoi ? Elle voulait qu’on parle avec les nouvelles générations de réalité historique et pas de sentimentalisme. Elle pensait que ce qui resterait le plus, et qui parlerait le plus, c’est le récit historique de ce qui s’était réellement passé.
Qu’est-ce qui symbolise l’importance de cette mémoire pour Simone Veil ? Son épée d’académicienne. Elle y a fait graver la devise de l’Europe, message d’espoir, et son numéro de déportation, devenu objet de fierté.