Écho de presse

1949 : l'opposition française à la création de l'OTAN

le 08/08/2021 par Arnaud Pagès
le 29/06/2018 par Arnaud Pagès - modifié le 08/08/2021
Carte des pays signataires du traité de l'Atlantique Nord, L'Éclaireur de l'Ain, 1949 - source : RetroNews-BnF

Dès 1948, les États-Unis forment le projet d'une alliance militaire regroupant plusieurs pays d'Europe de l'ouest. Considéré comme hostile à l'URSS, le traité de l'Atlantique Nord va déclencher de vives protestations.

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis, inquiets de la montée en puissance du Bloc de l'Est qui, outre l'URSS, regroupe la Yougoslavie, la Tchécoslovaquie, la Roumanie, la Pologne, la Hongrie, la Bulgarie et l'Albanie, décident d'apporter un contrepoids efficace à l'expansion du communisme en Europe, en créant leur propre alliance de coopération militaire.

Déjà, la France, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas et le Royaume-Uni avaient signé, dès le 17 mars 1948 et pour les mêmes raisons, le traité de Bruxelles, qui garantissait à ses membres un soutien militaire actif en cas d’agression de la part d’un pays communiste.

À Washington, le 4 avril 1949, le traité de l'Atlantique Nord est officiellement ratifié par les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, la France, la Belgique, le Danemark, les Pays-Bas, l'Islande, l'Italie, le Luxembourg, la Norvège et le Portugal.

Mais de multiples et vives protestations se font entendre devant ce qui apparaît, à juste titre, comme une réponse occidentale au « bloc communiste ».

Avant même que le traité ne soit signé, le journal régional de tendance communiste L'Éclaireur de l'Ain tire la sonnette d'alarme dans son édition du 2 avril, via une tribune lapidaire présentée en six points et intitulée « Condamnation du Pacte de l’Atlantique » :

« 1 - Le Pacte Atlantique est une machine de guerre […].

2 - Le Pacte Atlantique ferait des Français une piétaille sacrifiée d'avance et de la France un coussin atomique […].

3 - Le Pacte Atlantique est une cause de ruine pour la France et de difficultés croissantes pour les Français […].

4 - Le Pacte Atlantique est ouvert à l'Allemagne non dénazifiée et à l'Espagne de Franco […].

5 - Le Pacte de l'Atlantique viole la Charte de l'O.N.U. et le traité d'amitié franco-soviétique […].

6 - La France adhère au Pacte Atlantique sans discussion préalable au Parlement. »

L'article 5 du traité, le plus important, laisse en effet peu de doute sur les idées nord-américaines en termes géopolitiques :

« Les parties conviennent qu'une attaque armée contre l'une ou plusieurs d'entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, et en conséquence elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d'elles assistera la partie ou les parties ainsi attaquées, y compris par l'emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l'Atlantique nord. »

La mise en application du traité est prévue pour le 24 août suivant. Mais le mouvement de protestation grandit de manière exponentielle, porté en priorité par le Parti Communiste Français et plusieurs organisations syndicales. Tous lisent entre les lignes des articles et y voient une forme de déclaration de guerre faite à l’URSS.

La date du 24 août approchant, la presse de gauche se mobilise et devient une tribune ouverte pour tous les anti-OTAN.

« NE RATIFIEZ PAS LE PACTE DE L'ATLANTIQUE !

C'est le cri qui monte de toutes les assemblées syndicales, de toutes les réunions de travailleurs, des organisations démocratiques de femmes, de jeunes dont les résolutions, les lettres aux parlementaires sont trop nombreuses pour être toutes citées. »

La presse communiste française suit alors chacune des directives de Moscou. Et le Komintern insiste d’autant plus sur le refus de l’OTAN qu’il prédit – un peu hâtivement – la disparition pure et simple des partis communistes des pays occidentaux si jamais le traité venait à être signé.

Ainsi, L’Émancipateur exhorte, six jours avant la mise en vigueur, tous les travailleurs à se mobiliser contre « la guerre que préparent les États-Unis », usant de l’argument de la hausse possible des dépenses fiscales afin de fournir un effort de guerre qui ne concernerait pas la France :

« Le Bureau Politique a entendu une information sur le développement à travers le pays de la protestation populaire contre la ratification du Pacte de l'Atlantique.

Des masses de plus en plus importantes constatent que le Pacte de l'Atlantique, qui est un instrument de préparation de la guerre, détermine une augmentation considérable des dépenses militaires.

Cette orientation de la politique imposée à la France se traduit par une aggravation des conditions d'existence des ouvriers, des fonctionnaires, dont le pouvoir d'achat est diminué, des paysans, des commerçants et artisans sur qui pèsent des charges fiscales écrasantes contre lesquelles ils se dressent en déclarant ne pas vouloir payer plus d'impôts cette année qu'en 1948. »

Évidemment, ces nombreuses protestations auront été vaines. Le traité de l'Atlantique Nord rentrera finalement en vigueur à la date prévue, le 24 août 1949, entérinant de facto la création de l’OTAN. C’est le début de la Guerre froide.

Charles de Gaulle, soucieux de l'indépendance de la nation, en fera toutefois sortir la France à compter de 1966 avant que Nicolas Sarkozy, en 2009, fasse machine arrière et organise le retour du pays au sein du Commandement intégré de l'Alliance Atlantique.