A La Courneuve, le CP dédoublé porte ses fruits

L’école Angela-Davis tire le bilan de la réforme mise en place en début d’année dans les établissements situés en zone d’éducation prioritaire renforcée. A la rentrée, elle sera étendue au CE1.

 La Courneuve, mardi 12 juin. Pour Corinne Gervois, enseignante à l’école Angela-Davis, la mise en place des CP dédoublés en Rep + est une réussite.
La Courneuve, mardi 12 juin. Pour Corinne Gervois, enseignante à l’école Angela-Davis, la mise en place des CP dédoublés en Rep + est une réussite. LP/Florian Niget

    Ce matin de juin, à l'école Angela-Davis de La Courneuve, les CP de Corinne Gervois sont rassemblés autour d'une grande table. Sous leurs yeux, une maquette miniature de la ville, avec mairie, église, immeubles d'habitation et même une usine. Le résultat d'un travail de plusieurs mois mené en classe.

    « Ils apprennent comment la ville change, se construit, et comment on vit dedans », explicite leur professeur. Le petit groupe de 13 - qui compte une absente - est attentif. Depuis un an, l'établissement a mis en place les CP dédoublés, une réforme appliquée à l'ensemble du réseau d'éducation prioritaire renforcée (Rep +) de France pour conforter les apprentissages de base.

    A Angela-Davis, chacune des quatre nouvelles classes de CP compte 14 élèves. « Il a fallu trouver deux salles en plus, rappelle le directeur Jacques Nogaret. Cette école est moderne mais elle manque d'espaces : on a été obligés de se priver de notre salle d'informatique et de notre bibliothèque, c'est un moins, c'est sûr, mais avec ces effectifs réduits on gagne beaucoup en termes d'enseignement et de pédagogie. »

    « J'ai pu apporter plus à chacun d'entre eux »

    Les interrogations de début d'année semblent envolées. « J'avais quelques craintes pour la dynamique de classe, il a fallu établir une confiance, mais au final, je suis convaincue. J'ai pu apporter plus à chacun d'entre eux », estime Corinne Gervois, du haut de ses 35 ans de métier. Elle a dû revoir sa copie et adapter sa méthode à un groupe réduit. Avec à la clé « plus d'ateliers et d'apprentissage par le jeu. Ce qui est aussi du travail », précise cette dernière.

    Les élèves, moins nombreux, bénéficient de plus d'attention mais sont aussi davantage sollicités. « Quand je vois qu'ils fatiguent, je lance une chanson, une danse, une histoire, pour relâcher la pression et reprendre le fil ensuite », indique Corinne Gervois. Qui, en cette fin d'année scolaire, note de « gros progrès individuels et collectifs. 100 % de réussite, non, mais la réussite ne se juge pas à la sortie du CP, ces élèves poursuivront leur évolution en CE1 », tient-elle à préciser.

    CE1 qui se retrouveront dédoublés, eux aussi, à la rentrée de septembre, comme le prévoit la réforme. L'école n'a plus de salle disponible, alors « on aura deux classes de CE1 avec deux maîtres. Il n'y aura pas de cloison, pas de séparation, ce n'est pas le but recherché, je pense… », souligne Jacques Nogaret. Plutôt du coenseignement. « Cela nécessite une entente entre les deux profs, voire une même vision, mais à deux, on a plus d'idées », envisage Corinne Gervois.

    Un plus pour les élèves, mais difficile à mettre en place

    Si le volet pédagogique du dispositif est plutôt plébiscité par le milieu enseignant, la question des moyens reste un sujet de discorde.

    Près d'un an après la mise en place du dédoublement des CP en Réseau d'éducation prioritaire renforcé (REP +), où en est-on ? « Il y a un véritable engouement de la part des enseignants, estime Christian Wassenberg, directeur académique de la Seine-Saint-Denis. Tous nous disent qu'ils peuvent aller plus rapidement dans les apprentissages. »

    Un sentiment partagé par Véronique Hesol, délégué syndical CGT Educ'action, pour qui le dédoublement des CP a permis de « repérer plus facilement et plus tôt dans l'année les élèves en petite difficulté ». Toutefois, pointe la syndicaliste, la baisse des effectifs ne résout pas tout. Notamment en ce qui concerne les « élèves en très grande difficulté, qui ont souvent des problèmes qui dépassent le cadre scolaire ».

    « 12 élèves par classe est une évidence pour permettre de rétablir un peu d'égalité des chances, ajoute Rodrigo Arenas, président de la FCPE 93. Même s'il convient de s'interroger davantage sur les contenus et les méthodes d'enseignement qui devraient être mis en place pour mieux y parvenir. »

    Pour Meriem Derkaoui, maire (PCF) d'Aubervilliers, ce n'est pas l'esprit du dispositif qui pose problème, mais les moyens alloués pour le mettre en place. « Les écoles, explique l'élue, sont arrivées au maximum de leur capacité en termes de locaux. » Dans certains cas, deux maîtres se retrouvent à faire cours dans une même salle, faute de place. « Il y a quelques années, précise Christian Wassenberg, nous avons mis en place un groupe ressources composé d'inspecteurs, de formateurs et de conseillers pédagogiques pour outiller les maîtres qui travaillent dans ces conditions. »

    LP/Florian Niget
    LP/Florian Niget LP/Florian Niget